Emprise croissante du privé
Emprise croissante du privé
Le CERA de Genève a fermé ses portes à la fin du mois doctobre 2000. Une mesure déconomie, face aux loyers genevois particulièrement élevés. Une mesure de rationalisation, puisque larmée a quitté une caserne à Vallorbe
et voici le nouveau centre denregistrement pour lOuest de la Suisse. Une mesure parmi tant dautres, pourrait-on penser.
A voire.
par Maryelle Budry et Romain Oguey
Installé à La Praille depuis 1992 , le CERA est un lieu symbolique de nombreuses mobilisations. Dans la foulée des premières restrictions au droit dasile au milieu des années 80 se sont développés les mouvements de solidarité, les associations de soutien et dassistance juridique aux réfugié-e-s, tel ELISA, Action par- rainages ou AGORA . Ce centre a aussi été le lieu de nombreuses actions symboliques, dont la démolition du «mur de la honte» en juin 1997. La «CasAGORA», un container installé en face du centre, proposait un lieu daccueil véritable, de respect et de chaleur humaine, avec café et friandises, dépannages et informations diverses, toutes choses manquant au CERA.
Son déplacement dans le Jura vaudois ne peut être vu comme une décision anodine. Elle tend princi- palement à isoler les requérant-e-s du réseau associatif particulièrement dense et actif à Genève, dont les interventions sur le terrains ont contribué à mettre en lumière les pratiques souvent expéditives, parfois musclées, empreintes dinhumanité.
Aujourdhui dans le domaine de lasile, un traitement «efficace» implique aux yeux de lOffice fédéral des réfugiés un contrôle accru sur lensemble du «séjour» du requérant, et la limitation la plus drastique des possibilités de créer des liens, dobtenir un peu dhumanité dans son attente.
Les moyens dune politique
Après cinq révisions du droit dasile, ladministration se trouve aujourdhui en position «favorable» pour imposer son contrôle. Les ressources administratives de lODR, développées du-rant ces deux dernières années et particulièrement autour du conflit en Kosove, ont traité les demandes de 46 000 réfugié-e-s en 1999. Cette an- née, le nombre de requêtes déposées est descendue à 16 250 à fin novembre diminution qui signifie une ca-pacité accrue de ladministration pour imposer des délais de «traitement des dossiers» qui se réduiraient à quatre mois, pour ce niveau de demande.
Dès lors, les surcharges de lhébergement autour de la guerre en Kosove sont oubliées. Oubliée aussi la «vague de sympathie» pour ces réfugié-e-s, dont on pouvait mesurer la précarité, percevoir leurs conditions daccueil, leurs angoisses. Le déplacement du CERA sinsère donc dans un train de mesures déconomie dans le domaine de lasile, conformément à la volonté du Conseil fédéral et des Chambres qui avaient adopté, dans le cadre de la Table ronde de 1998, des coupes de lordre de 300 millions de francs pour ce budget.
Les outils du démantèlement
Les autres voies développées pour réaliser ces économies sappellent partenariat et privatisations. Les efforts diplomatiques pour obtenir la signature de divers accords de réadmission, en particulier avec les pays balkaniques, reprennent furieusement un discours martelé pour faire passer les nouvelles orientations militaires en Suisse.
Ce partenariat entend bien sûr monnayer laide financière au renforcement des contrôles des migrations assumés par les pays partenaires. Mais le principe de délégation des responsabilités sétend de plus en plus à des partenaires privés. Les compagnies aériennes, depuis quelques années, effectuent les contrôles à lembarquement. Les résultats sont jugés insatisfaisants par Ruth Metzler et Rita Fuhrer qui viennent dapprouver un projet édifiant pour laéroport de Zurich . Face à la multiplication des demandes dasile à Kloten, elles proposent de «développer les méthodes pour identifier les compagnies aériennes que les personnes auxquelles lentrée est refusée ont empruntées ( ) qui sont tenues dassurer le rapatriement et den assumer les coûts», en relevant que «lefficacité des procédures ( ) la rapidité du rapatriement ( ) revêtent une importance capitale.»
Et elles envisagent la construction dun nouveau «centre dhébergement pour requérants en transit» à laéroport, dont on peut penser sans exagérer que la gestion sera sous peu confiée, sur le modèle du transport des détenus par les CFF , à une entreprise privée.
Ces manuvres de démantèlement appellent à un renforcement des réseaux de solidarité. A Vallorbe, le soutien sorganise autour de lARAVHO, une association réunissant les personnes décidées à apporter une aide concrète aux requérant-e-s du CERA. Et des bénévoles ont été formés pour prendre la relève dELISA-Genève, dans le même esprit. ELISA-Vallorbe cherche encore des mandataires pour ce travail: un engagement essentiel qui redonne la dignité aux requérant-e-s dasile et leur permet de rencontrer la solidarité agissante.
Pour les contacter: ELISA-Vallorbe, rue Moutier 50, 1337 Vallorbe tel: (021) 843 21 24.
- Centres denregistrements de re-quérant-e-s dasile: aux nombre de quatre, ils sont situés à Kreuzlingen (TG), Chiasso, Bâle et à Vallorbe (VD) depuis novembre 2000.
- Le premier CERA de Genève était installé à Cointrin de 1988 à 1992.
- Aumônerie genevoise cuménique des requérant-e-s dasile.
- Optimisation des procédures régies par la législation sur lasile et sur les étrangers dans la zone de transit de laéroport de Zürich-Kloten, Communiqué du DJPT du 15 décembre 2000. Le rapport intégral est consultable: www.asyl.admin.ch
ELISA, réseau de mandataires béné-voles, a soutenu dans leurs démarches de demande dasile des cen- taines de requérant-e-s depuis 15 ans. Son action ne va pas sarrêter avec la fermeture du CERA, bien au contraire. Lors de sa dernière AG, lassociation ELISA-Genève a décidé de soutenir concrètement et financièrement ELISA-Vallorbe, et de por-ter certaines procédures jusquà la Cour européenne des droits humains à Strasbourg, afin de dénoncer les nombreux dysfonctionnements du droit dasile en Suisse.
De plus, ELISA lance un appel pour trouver de nouveaux bénévoles asilonautes qui soutiendront dorénavant les requérant-e-s attribués au canton de Genève dans leurs recherches dinformations historiques ou juridiques durant toute la procédure. Venez rejoindre ELISA pour ce travail passionnant : tel. 022 733 37 57 ou elisa-asile@bluewin.ch