Double victoire contre les privatisations

Double victoire contre les privatisations

Le 16 décembre dernier,
c’est un double OUI, massif et clairement antilibéral, qui
est sorti des urnes genevoises concernant l’eau et
l’électricité. En effet, les deux initiatives
instituant un monopole de service public, de rang constitutionnel,
confié aux services industriels de Genève (SIG) ont
largement abouti.



Ce résultat, fruit d’un long travail et d’un
réel rapport de forces social sur ces questions à
Genève, est réjouissant, d’autant qu’il
s’inscrit absolument à contre-courant du
néolibéralisme dominant.

Rappelons d’abord les résultats: le maintien du
contrôle public en matière d’approvisionnement et de
distribution de l’eau a fait l’objet d’un
plébiscite. Sur les 45 communes du canton, il ne s’est
trouvé que deux communes ultra-bourgeoises pour dire NON
concernant l’eau: Cologny et Vandoeuvres et encore à moins
de 51%! Dans l’ensemble du canton le OUI a été de
76%. Résultat qui se passe de commentaires!

Importance de l’enjeu électrique

Mais l’enjeu le plus important, ou du moins le plus
immédiat du vote, face au processus de
libéralisation-privatisation en cours, portait sur
l’électricité. A la surprise de certain-e-s, le OUI
a été franc et massif: 59% à
l’échelle du canton, 64,2% en Ville de Genève avec
des scores du OUI dépassant les 60% dans toutes les grandes
communes populaires de la périphérie urbaine (Meyrin,
Vernier, Onex, Carouge) et atteignant et dépassant les 70% dans
les quartiers populaires de la Ville (Acacias, Jonction, Saint-Jean,
Pâquis…). Les seuls NON en Ville provenant, encore une fois,
des quartiers les plus bourgeois: Florissant-Malagnou, Cité-Rive
et Champel (à 50,5 % seulement).

Peut-être pas un plébiscite absolu, mais une victoire
politique éclatante. Après 5 ans de travail de la droite
pour «revendre» la libéralisation électrique,
qui a passé la rampe au parlement fédéral le
printemps dernier, le score genevois en la matière est du
même ordre que le refus de la première Loi sur le
marché de l’électricité (LME),
repoussée par les Genevois-es à 62% en 2002, ce qui avait
été un record national.

Contrôle démocratique et écologie

Le secret de ce succès: un socle solide de travail sur les
questions de l’énergie – mené par les milieux
antinucléaires, dont ContrAtom est emblématique –
et qui n’ont majoritairement jamais cédé, comme
cela a été le cas ailleurs, aux sirènes d’un
prétendu «écologisme» de marché, mais
qui – au contraire – ont, dès les années 80,
compris que marché, contrôle démocratique et
écologie, ça faisait… deux. Deuxième atout, un
lien et une unité de vues assez claires sur ces questions avec
les milieux syndicaux, notamment dans les branches concernées.
Enfin, un débat public constant, depuis des années, sur
les questions de l’énergie, entretenu par une
«politisation» – au sens noble du terme – des
questions liées aux activités des SIG.

Dans cette situation, les partis de droite ont renoncé à
mener campagne, ce qui explique l’ampleur du score,
préférant «mettre le paquet» sur la Loi
contre les chômeurs et la défense des cadeaux fiscaux pour
les riches.

Mais ce renoncement n’est pas un «oubli», les milieux
libéraux savaient sans doute qu’avec la meilleure campagne
du monde, ils gagneraient peut-être 4 ou 5 points, mais
qu’ils ne l’emporteraient pas. Et notre victoire aurait
été d’autant plus forte, symboliquement du moins,
que la campagne aurait été vive. Ils ont donc choisi le
silence… attendant que vienne de Berne la «normalisation»
néolibérale «naturelle» qu’ils
appellent de leurs vœux.

Un point d’appui pour de nouvelles batailles

Et ce danger-là est réel: le vote genevois ne
règle donc en effet pas la question une fois pour toutes, mais
ouvre un nouveau chapitre de notre résistance, avec un point
d’appui démocratique solide. Un des aspects de celle-ci
est la défense des mécanismes de contrôle
démocratique de nos régies publiques (SIG,TPG, HUG) par
le triple référendum cantonal en cours. Or celui-ci est
à la peine: PS et Verts notamment – formellement
engagés – ne remplissent pas, pour le moment du moins, les
quotas de signatures qu’ils ont promis. Et qui doivent être
tenus avant le 21 janvier! Simple relâchement dû aux
Fêtes, comme ils l’affirment, ou manque de volonté
politique de s’opposer à une contre-réforme
néolibérale: la réponse tombera dans une dizaine
de jours. En attendant, nous invitons bien sûr tous nos
lecteurs-trices genevois à nous retourner les cartes de
signatures encartées dans le dernier numéro… et
à participer à la récolte.

Une formulation claire

Dans le même registre, et pour en revenir à
l’initiative «électrique» acceptée le
16 décembre, il faut relever encore deux points:

Premièrement, c’est le bilan à tirer de ce vote
concernant la formulation des initiatives et l’argumentaire des
initiant-e-s. Le texte adopté ne fait pas dans la dentelle et
l’euphémisme: il appelle les choses par leur nom et parle
de MONOPOLE de service public! Or, à gauche et chez les Verts,
le comité de lancement de l’initiative, tous des
militant-e-s engagés sur ce terrain, a dû batailler ferme
pour faire accepter une formulation aussi nette.

D’aucuns estimaient qu’un tel texte n’avait aucune
chance face au public et cherchaient à trouver des biais et des
formulations moins carrées, relevant d’une adaptation
anticipée à la loi fédérale libérale
en gestation. Les faits leur ont apporté un démenti,
c’est une leçon à retenir!

Perspectives nationales

Deuxièmement, c’est le désaveu cinglant que les
citoyen-ne-s genevois ont apporté, non seulement aux
libéraux… mais aussi aux élu-e-s du PS et des Verts
genevois, dont pas un-e seul-e n’a eu le courage de voter NON
à la LME-bis, à Berne le printemps dernier! Ceci
malgré une décision formelle du Congrès cantonal
de leur parti dans le cas des élu-e-s PS.

Ils-elles portent ainsi une part de responsabilité dans
l’impossibilité de lancer un référendum
national contre cette loi, référendum dont le vote
genevois récent montre qu’il avait de fortes chances
d’être gagnant.

Enfin, toujours sur le plan national, il faut au moins signaler ici
deux éléments, sur lesquels nous aurons l’occasion
de revenir: le lancement tout récent, dans le canton de
Bâle, d’une initiative populaire cantonale allant dans le
même sens que la nôtre et l’adoption, lors du dernier
congrès national du syndicat des servies publics (SSO/Vpod)
d’une résolution qui demande qu’en matière
électrique le syndicat appuie des solutions analogues à
la nôtre avec l’institution de monopoles publics cantonaux.
Affaire à suivre donc…

Pierre Vanek


Communiqué du comité d’initiative:
Eau – Electricité: double OUI sans appel au monopole de service public

Le comité d’initiative «Eau-Energie: Notre
affaire…» tient d’abord à remercier tous les
militant-e-s qui se sont engagés pour faire aboutir la
récolte de signatures en faveur de cette initiative et pour
permettre aux citoyen-ne-s genevois de confirmer aujourd’hui, de
manière éclatante leur NON à la
libéralisation-privatisation et à la marchandisation de
l’électricité, exprimé en 2002 par leur
refus massif de la Loi sur le marché de
l’électricité (LME) à Genève.

Ce double OUI massif (59 et 76%) représente un désaveu
clair pour les milieux libéraux qui par leurs tripatouillages
anti-démocratiques: «splitting» de notre initiative,
tentative abusive de la faire invalider par le Tribunal
fédéral, etc. ont retardé
l’échéance du vote populaire, par peur du verdict
des urnes et pour tenter de mettre les Genevois devant un
prétendu «fait accompli» fédéral
constitué par le vote de la LME-bis (LApEl) aux Chambres ce
printemps. Concrètement, cette initiative représente un
mandat clair des citoyen-ne-s, adressé aux autorités
comme aux SIG: les Genevois-e-s plébiscitent une politique en
matière d’eau et d’électricité qui se
fonde sur une logique de service public et non sur des critères
marchands.

Ils/elles réaffirment en particulier leur volonté de voir
l’approvisionnement et la distribution de
l’électricité dans notre canton soumise aux
règles du jeu fixées par l’art. 160 E de la
Constitution cantonale avec ses dispositions antinucléaires et
favorables à l’utilisation rationnelle de
l’énergie, comme au développement des
énergies renouvelables. En matière électrique,
l’initiative adresse également un message clair aux gros
consommateurs et aux milieux économiques qui seraient
tentés de «court-circuiter» les SIG et de chercher
sur le «marché» qui sera ouvert par la LApEL des
offres plus financièrement avantageuses à court terme:
une telle politique les mettrait clairement en porte-à-faux avec
les préoccupations environnementales et antinucléaires
des citoyen-ne-s.

Enfin, le Comité d’initiative attend de tous les
répresentant-e-s de Genève à Berne, qu’ils
défendent de manière intransigeante la volonté de
leurs concitoyen­-ne-s, quand cette modification constitutionnelle
genevoise sera soumise aux Chambres fédérales pour en
obtenir la garantie. Rappelons à ce propos, que dans le contexte
de l’entrée en vigueur de la LApEl, c’est
précisément notre initiative qui garantit –
notamment – l’octroi à Genève d’une
«zone de desserte» unique aux Services Industriels de
Genève (SIG) et qui protégera la grande majorité
des usagers-ères, petits et moyens consommateurs
d’électricité.

Genève, le 16 décembre 2007