«Réforme de l'imposition des entreprises»

«Réforme de l’imposition des entreprises»

«Réforme de l’imposition des entreprises»
L’escroquerie est dans le titre !
La saga des diminutions d’impôts continue. Pour les riches, bien sûr! Le 24 février prochain, les citoyen-ne-s suisses se prononceront sur la deuxième «réforme de l’imposition des entreprises», loi votée par le parlement ayant fait l’objet d’un référendum. Cette loi, malgré son titre, a pour principal objet une diminution des impôts que paient les actionnaires sur les dividendes qu’ils reçoivent…

Rien à voir directement avec les entreprises. La loi affectera principalement les revenus des cantons. Le cadeau aux actionnaires est pour le moins important, entre 1 et 2 milliards de francs par an. Les estimations sont dans ce cas difficiles, le taux qui sera appliqué (sur ce qui restera à taxer!) étant à la discrétion des cantons. Ainsi, petit agrément supplémentaire de la loi, la concurrence fiscale entre cantons va s’intensifier.

La complainte de la double imposition

La notion de double imposition veut stigmatiser le fait qu’un même flux économique est taxé deux fois. Une entreprise paie un impôt sur son bénéfice. Elle distribue ensuite le bénéfice après impôt sous forme de dividendes à ses actionnaires. Les actionnaires paient alors des impôts sur ces dividendes qui sont considérés comme part de leurs revenus. Ainsi, le même bénéfice de l’entreprise serait taxé deux fois.

La double imposition du bénéfice des entreprises est un concept dont le seul intérêt consiste à pouvoir le dénoncer et donner une justification à la complainte du «moins d’impôts» que les milieux économiques nous chantent depuis longtemps. En fait, une partie de l’impôt sur les bénéfices des entreprises est payé par l’entreprise, une autre en tant que revenus par les bénéficiaires des dividendes. Dans la plupart des cantons, le taux payé par l’entreprise est un taux fixe et très peu élevé. A Genève, ce taux est de 10%. Quant aux revenus des bénéficiaires des dividendes distribués par l’entreprise, ils sont taxés comme revenus avec un taux qui, lui, est en général progressif (pour combien de temps?)

Mais le Conseil fédéral, le Conseil national et les «milieux économiques» ne l’entendent pas ainsi. D’où, pour lutter contre l’«injustice économique» de la prétendue double imposition, la nouvelle loi sur la réforme de l’imposition des entreprises, qui propose de ne soumettre à l’impôt que 60% des dividendes reçus par les actionnaires, le 40% étant distribué net d’impôt. Il est vrai que seuls les actionnaires qui détiennent au moins 10% du capital de l’entreprise sont concernés. Quant aux taux applicables, la loi n’en dit rien. Ils sont du ressort des cantons pour autant qu’ils respectent un 40% des dividendes libre d’impôt. La chasse au moindre taux est dès lors ouverte dans les cantons, chasse autorisée au nom du dogme de la concurrence.

Pas de doute, le point principal de la loi soumise aux citoyen-ne-s se préoccupe de la diminution des impôts des actionnaires et pas vraiment de la réforme de l’imposition des entreprises. Avec comme résultat un cadeau de plus pour les riches, dont le montant se situe entre 1 et 2 milliards de francs.

La brochure du Conseil fédéral

Le mensonge est gros et le Conseil fédéral s’est senti obligé de se fendre de quelques explications économiques dans la brochure de présentation du vote du 24 février. Explications pour le moins peu honnêtes.

Citation: «…en atténuant la double imposition économique, la deuxième réforme de l’imposition des entreprises répond en particulier à une demande exprimée de longue date.». Par qui? Par le 1% des contribuables concernés?

Autre citation: «La réforme incitera les entreprises à distribuer davantage de dividendes. L’argent sera à nouveau investi de manière productive, plutôt qu’accumulé.» La première affirmation est une évidence puisque ceux qui décident de la distribution du bénéfice d’une entreprise sont les actionnaires, ceux qui reçoivent ces dividendes sont les mêmes actionnaires et ceux qui voient leurs impôts diminués par la nouvelle loi sont encore les mêmes actionnaires. Cependant, affirmer que l’augmentation du revenu disponible des actionnaires va favoriser l’investissement productif tient d’un discours purement idéologique. Le surplus distribué pourrait bien aller vers des investissements financiers beaucoup mieux rémunérés.

Enfin, par cette loi, le Conseil fédéral fait acte de soumission aux milieux économiques puisqu’il précise que «…il entend libérer les entreprises des contraintes fiscales qui influencent leurs décisions…». On comprend ainsi que la politique économique du Conseil fédéral consiste essentiellement à satisfaire les milieux économiques qui doivent être les seuls à décider ce qui est bon pour eux!

Le vote du 24 février

Le vote du 24 février est important. Une minorité riche peut-elle continuer à se voter des avantages économiques exorbitants qui sont finalement payés par l’ensemble de la population? Depuis une quinzaine d’années, les diminutions d’impôts se suivent à un rythme accéléré. Avec les conséquences que l’on connaît pour la collectivité et que nous ne cessons de dénoncer. Le vote du 24 février pourra-t-il donner un coup de frein à ce pillage du bien public? La campagne va être difficile. Les milieux économiques vont mettre des moyens considérables. Qu’est-ce que quelques millions à investir pour gagner des milliards! On touche bien là à la limite de l’efficacité des référendums. A nous de faire une campagne militante pour que 99% des citoyen–ne–s suisses ne votent pas un cadeau fiscal supplémentaire à 1% de nantis.

Jacques François