Femmes, bas salaires  et salaire minimum

Femmes, bas salaires  et salaire minimum

En Suisse plus de 70% des femmes entre 20 et 60 ans sont actives sur le
marché du travail, pour la moitié à temps partiel,
assumant de surcroît gratuitement le travail éducatif et
domestique. Le 8 mars, journée internationale des femmes, est
l’occasion de réaffirmer que notre émancipation
passe aussi par notre autonomie matérielle.

Le droit à un salaire égal pour un travail de valeur
égale n’est toujours pas respecté, et les femmes
sont les premières à être confinées dans les
bas salaires, condamnées à la pauvreté. Selon les
statistiques officielles, le taux de pauvreté de la population
suisse en âge de travailler s’élève à
9%. On appelle pauvres des personnes seules avec moins de 2200 francs
par mois, ou un ménage monoparental, avec deux enfants, gagnant
moins de 3800 francs, ou encore un couple avec deux enfants et moins de
4600 francs par mois. C’est sans compter la catégorie des
«working poors», nouvelle venue dans la statistique, qui
recouvre des personnes ou des familles qui cumulent au moins 36 heures
de travail par semaine et qui n’arrivent pas à vivre sans
le soutien de l’aide sociale. Elles représentent 4,5% de
la population âgée de 20 à 59 ans. Les bas salaires
sont une réalité du monde du travail, qui se conjugue
largement au féminin, et qui concerne des branches
entières, le commerce de détail, l’industrie
alimentaire, le textile, l’hôtellerie, la restauration,
entre autres.

Aujourd’hui on ne peut plus prétendre que la situation
précaire des femmes trouve son origine dans une absence
systématique de diplômes. Cet argument,
régulièrement avancé il y a vingt ou trente ans,
n’est plus valable: dans les lycées, les filles sont
même plus nombreuses que les garçons et dans les
apprentissages elles ne sont pas de reste. Elles ont franchi en nombre
le pas de l’université d’où elles sortent
bardées de titres. Autant que les garçons. Mais les
inégalités perdurent et les femmes restent bien souvent
confinées dans des bas salaires. Même avec des
compétences reconnues, les jeunes femmes se trouvent, plus
souvent que leurs collègues masculins dans des emplois à
temps partiel mal rémunérés ou engagées
dans un travail à caractère social, largement
bénévole, qui les absorbe à 100%. Les
conséquences sont dures pour ces jeunes femmes, mais toute la
société en pâtit aussi: comment planifier une vie,
prévoir des enfants, sans perspectives professionnelles, avec un
soutien social bien faible, et un manque criant de crèches?

En 1998, l’Union Syndicale a lancé sa grande campagne
«Pas de salaire au-dessous de 3000 francs». A ce
moment-là, 10% des femmes en emploi avaient un salaire
inférieur à ce minimum pour un équivalent plein
temps. La mobilisation syndicale a porté ses fruits, puisque 4
ans plus tard, en 2002, il ne restait plus que 5% des femmes en emploi
avec un salaire en dessous de ce seuil. Mais depuis 2002, le nombre
d’adaptations des salaires minimaux, dans les contrats ou
conventions collectives se réduit. Sans nouvelles impulsions
dans la lutte pour des salaires qui permettent de vivre dignement, la
petite avancée du début du troisième
millénaire sera vite oubliée.

Les patrons, eux, savent se fixer des objectifs et se mobilisent pour
les atteindre. Moins d’impôts pour les riches, ce
n’est pas qu’un slogan. Au soir du 24 février, on
sablait le champagne dans les salons confortables des bourgeois et chez
leurs amis du Conseil Fédéral pour fêter
l’immense cadeau qui venait de leur être accordé en
votation populaire: une baisse d’impôts, estimée
à 800 millions annuellement, qui servirait prétendument
à la création de nouveaux emplois. L’investissement
en affiches et annonces publicitaires mensongères une fois de
plus avait payé. Après cette victoire, les patrons ne
cachent pas qu’ils préparent déjà
d’autres mesures en leur faveur.

L’ensemble du monde du travail, et les femmes en tête, doit
aussi se fixer des objectifs et se mobiliser pour les atteindre. La
revendication d’un salaire minimum légal, qui permette
à chacune et chacun de vivre dignement, est un de ces objectifs
pour lequel les militant-e-s de solidaritéS s’engagent
partout où ils et elles se trouvent. Dans les syndicats, nous
œuvrons au niveau des conventions collectives pour introduire un
salaire minimum dont le montant va dépendre des branches, mais
qui ne doit pas être inférieur à 3500 francs net.
C’est ce qu’il faut pour vivre, c’est
l’objectif immédiat. Mais de nombreux secteurs ne
connaissent ni les conventions collectives, ni la notion de salaire
minimum. C’est donc au niveau des lois qu’il faut aussi
agir. Partout où nous sommes présent-e-s et où le
rapport de forces le permet – donc pour l’heure dans les
cantons romands – nous cherchons à faire inscrire le
principe du salaire minimum dans les constitutions cantonales. Ce sera
un bras de levier pour engager la bataille nationale. Mais pour gagner,
toutes les forces du mouvement social, féministe et ouvrier,
associatif, syndical et politique, rouges, roses ou vertes devront
apprendre à tirer à la même corde.

Marianne Ebel