Lonza: attaque frontale contre la convention collective

Lonza: attaque frontale contre la convention collective

A Viège, et dans le Haut-Valais
en général, tout tourne autour de la Lonza. Un tiers de
la population de la région en dépend
économiquement. L’entreprise chimique y compte 2800
salarié-e-s (7700 en tout dans le monde), dont 1500 sont soumis
à une convention collective de travail. Or, malgré des
résultats financiers plus que satisfaisants (dividende de 17% en
2007), la direction de l’entreprise vient de déclencher
une attaque en règle contre la convention collective de travail.

Dans le dialecte haut-valaisan, le reste du pays se dit Ausserschweiz
(«Üsserschwiz»), la Suisse extérieure. La Lonza
est pourtant une entreprise tout ce qu’il y a de
mondialisée et à la pointe de la technologie. Pas trace
d’un isolement anachronique. Si la région est
reculée géographiquement, l’entreprise n’a
rien d’une vieillerie bonne pour le musée des coutumes
locales. Sur le plan technique, du moins: 280 millions
d’investissement ces dernières années lui ont
permis de basculer dans l’ère des biotechnologies,
après avoir surtout produit auparavant de la chimie fine. Les
biotechnologies nécessitent un respect pointilleux des
protocoles et procédures de production; les opérateurs de
la Lonza travaillent 24 heures sur 24, tous les jours, dans des locaux
hyperstériles (triple douche à l’entrée)
à côté desquels «la salle
d’opération d’un hôpital ressemble à un
marécage» selon un travailleur.

Mais pour la direction de l’entreprise, le bénéfice
brut du site (avant intérêts débiteurs et
impôts, mais après amortissements) est insuffisant. Il est
passé de 16% en 2004 à 8% en 2007, alors que dans le
reste du groupe, il progressait durant la même période de
10% à 14%. En cause: la masse des collaborateurs et
collaboratrices à placer en formation continue pour
s’adapter à la nouvelle production et qui durant ce temps
ne travaillent pas. Et la solution? Travailler plus et gagner moins,
pardi!*

La direction a ainsi proposé quatorze
détériorations de la convention collective, qu’elle
a dénoncée pour fin juin 2008. Parmi elles, le passage de
la semaine de 40,5 heures à 42 heures (temps annualisé),
la prolongation de la journée normale de travail
jusqu’à 23 heures, la réduction de la durée
des vacances pour les travailleurs âgés, le remplacement
des indemnités pour travail en équipe par un forfait, la
diminution des surplus versés pour les heures
supplémentaires et la diminution du salaire versé lors de
maladie et accidents, ainsi que durant le congé de
maternité.

Annoncée le 31 décembre, puis précisée le 5
février, cette attaque a provoqué la fureur des
travailleurs de l’entreprise. A plus de 81,8% pour les membres du
syndicat Unia et à plus de 70% pour ceux de Syna, ils ont
rejeté les «propositions» de la direction. Une
assemblée intersyndicale de protestation de près de 400
d’entre eux a refusé, le 6 février, cette
dégradation de leur convention et mandaté les deux
syndicats pour défendre le contenu de la CCT. Si une solution
n’intervient pas avant juin 2008, les clauses matérielles
de l’ancienne convention seront prorogées, mais des
mesures de luttes pourront alors être prises. Le bras de fer est
donc engagé.

Daniel Süri


* Les 1300 employé-e-s qui ne sont pas couverts par la
CCT et qui n’ont qu’un contrat individuel font
déjà maintenant l’expérience du piège
de «l’horaire basé sur la confiance».
Très présente dans le secteur bancaire et financier,
cette forme d’horaire atypique échappe à tout
contrôle du temps de travail. L’employé est
«libre» de s’organiser comme il veut, mais il doit
tout son temps à sa tâche. Autrement dit,
l’entreprise attend qu’il soit en permanence à sa
disposition. Et il n’est plus question d’heures
supplémentaires.