Les médicaments ne sont pas une marchandise


Les médicaments ne sont pas une marchandise


Du Brésil à l’Afrique du Sud, les multinationales de l’industrie pharmaceutique, appliquant leur logique néolibérale, persistent à placer les profits au-dessus des vies humaines en tentant d’empêcher les politiques en matière de santé que ces pays ont mises en place afin d’améliorer l’accès aux médicaments essentiels.

Joel Faivre

Les multinationales pharmaceutiques poursuivent le gouvernement sud-africain pour l’empêcher d’offrir à des millions de personnes des médicaments anti-VIH/sida plus abordables. En février 1998, la Pharmaceutical Manufacturer’s Association et quarante sociétés pharmaceutiques, américaines et européennes, ont entrepris des démarches légales pour contester une loi adoptée par l’Afrique du Sud en 1997; on a finalement ouvert les audiences le lundi 5 mars 2001. Entre-temps, dans ce pays où plus de 20% de la population est contaminée par le VIH, 400 000 Sud-Africains sont décédés du sida et ce, parce qu’ils étaient incapables de se payer des médicaments brevetés à prix élevés, dans nombre de cas. La Campagne action-traitement sud-africaine (TAC – Treatment Action Campaign) en a appelé à des actions globales de solidarité pour dénoncer le recours en justice de l’industrie pharmaceutique. La loi sud-africaine contestée par les géants pharmaceutiques permettrait:



  • · la substitution de produits génériques aux médicaments de marque;
  • · l’existence d’un comité chargé de l’équité et de la transparence du processus de détermination des prix;
  • · l’importation parallèle de médicaments aux plus bas prix offerts;
  • · des appels d’offres internationaux, pour les médicaments vendus à l’Afrique du Sud.

Requête des USA
contre le Brésil


Au même moment, les Etats-Unis attaquent le Brésil devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour ses lois internes qui font en sorte que le plein exercice des droits de brevet d’un médicament, par son détenteur, est conditionnel à sa fabrication dans le pays. Les Etats-Unis prétendent que cette obligation viole un accord international sur les brevets (ADPIC – Aspects des droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce ou TRIPS en anglais), alors que des militant-e-s de la lutte contre le sida et le gouvernement brésilien soutiennent que cette mesure est permise, en vertu de l’Accord. De plus, ce transfert technologique est essentiel à la viabilité de l’industrie pharmaceutique brésilienne. Le Brésil a généralement été considéré comme un modèle à suivre, en tant que pays en développement ayant une forte industrie de médicaments génériques qui a permis de rendre abordables les antirétroviraux à près de 100 000 personnes et de réduire considérablement le nombre de décès liés au sida. La plainte des Etats-Unis met en danger la capacité du Brésil à continuer d’offrir des médicaments plus abordables.


Résistances mondiales
aux procès cyniques


Lundi 5 mars, à l’ouverture du procès en Afrique du Sud, des militant-e-s du monde entier ont condamné l’action en justice des géants pharmaceutiques contre l’Afrique du Sud et la plainte des Etats-Unis contre le Brésil devant l’OMC. A Prétoria, des milliers de manifestants se sont rendus à la Haute Cour sud-africaine où ils ont mis en place un piquet de grève pour appuyer le gouvernement dans sa lutte contre les représentants des multinationales de l’industrie pharmaceutique. La manifestation conduite par des leaders religieux, était appuyée par les membres du Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu), le Congrès national africain (ANC), le Parti communiste sud-africain, la Campagne action-traitement et d’autres syndicats. «Nous ne pouvons pas leur permettre de réussir et nous continuerons notre combat. Si nous ne le faisons pas, cela signifierait que nous laissons mourir les gens» a dit le président de Cosatu, Willie Madisha, qui envisage d’autres moyens pour permettre au syndicat «de mobiliser autour du [sida] comme une question socio-économique».


La santé n’est pas
une marchandise


En s’attaquant à la loi brésilienne, le gouvernement de G.W.Bush estime que celle-ci met en danger les brevets de ses compagnies pharmaceutiques (ces multinationales ont dépensé plusieurs centaines de millions de dollars pour orienter les dernières élections américaines!).


Les brevets servent avant tout, à restreindre aux seuls malades solvables, l’accès aux nouvelles technologies de santé. Des médicaments ne sont pas produits ou sont abandonnés parce que jugés non rentables car s’adressant à des populations dites «non solvables». Une industrie nationale qui apprend à copier, comme c’est le cas du Brésil, participe absolument de l’innovation parce qu’elle peut bénéficier à tous, et pas seulement aux malades des pays riches.


Pétition de
Médecins Sans frontières


MSF lance une pétition internationale pour demander aux compagnies pharmaceutiques de retirer leur plainte engagée contre l’Afrique du Sud. Le syndicat français Sud Chimie a également lancé une pétition à ce sujet. *


  • * Ces deux pétitions sont disponibles à solidaritéS, où par notre site internet www.solidarites.ch. A signer rapidement !