Avec Berluscoli ou Blair, le capital joue à "Pile je gagne, face tu perds"

Avec Berlusconi ou Blair


Le capital joue à
«pile je gagne, face tu perds»


Comment reconstruire le champ de l’alternative à gauche ?

Jean Batou

A droite, Berlusconi était donné gagnant en Italie. Sa victoire électorale est aujourd’hui chose faite. «A gauche», Blair est donné gagnant en Angleterre. Sa victoire électorale n’est sans doute plus qu’une question de jours. Pourtant, leurs programmes se ressemblent et répondent aux attentes des secteurs dominants de la bourgeoisie: baisses des impôts, libéralisation des marchés, flexibilisation du travail, privatisation du secteur public.


Tout se passe comme si le patronat jouait à «pile je gagne, face tu perds» en présentant aux électrices et aux électeurs le choix entre deux versions d’une même politique au service de ses intérêts stratégiques. Dès lors, l’enjeu des scrutins nationaux se réduit de plus en plus à la question de savoir si c’est l’Olivier (coalition de la gauche modérée en Italie) ou Forza Italia, le New Labour ou les Tories, le RPR-UDF ou la Gauche Plurielle, qui conduiront une politique de démontage social dans les quatre ou cinq ans à venir.


C’est pourquoi, la capacité de reconstruire le «champ de l’alternative», de développer des «alliance socialistes» à la gauche de la social-démocratie ou de rassembler les forces «100% à gauche» constituent des enjeux essentiels. Par rapport à de tels objectifs, la question de savoir si le centre gauche triomphera du centre droite ou si c’est l’inverse est sans importance. Du point de vue de ses intérêts, la Confindustria (faîtière patronale italienne) défend d’ailleurs une position identique (voir notre article sur les élections italiennes).


Selon les système électoraux, la promotion d’une alternative socialiste peut «mettre en danger» la victoire du centre gauche. L’Italie vient d’en offrir l’exemple. Fallait-il pour autant que le Parti de la Refondation Communiste (PRC) jette son programme aux orties pour soutenir la politique anti-sociale de l’Olivier ? Faudra-t-il demain que la gauche anticapitaliste française conditionne, et rende donc plus difficile encore, son éventuel regroupement, aux présidentielles ou aux législatives, à une position de vote commune au deuxième tour? Enfin, pouvons-nous sérieusement continuer en Suisse à soutenir des candidatures comme celle de Christiane Brunner aux Etats, au risque de semer la confusion dans nos propres rangs?


En France, des journaux comme Libération ont tiré rapidement les leçons de l’Italie, mettant violemment en cause la «politique du pire» de la gauche radicale. La mauvaise conscience de certains les incite même à justifier leur ralliement à la gauche libérale au nom de la nécessité du front unique contre les périls d’extrême droite représentés par un Fini en Italie ou un Millon en France. En même temps, le ton est monté d’un cran entre Jospin et Hue, afin sans doute de donner une image plus conflictuelle de la pluralité au sein d’un gouvernement pourtant singulièrement uni lorsqu’il s’agit de reculer devant les exigences du capital.


Il n’est pas possible de reconstruire un projet alternatif socialiste qui rompe clairement avec les options néolibérales menées à l’unisson par les coalitions au pouvoir, quelle que soit leur couleur politique apparente, sans refuser de prendre la moindre responsabilité dans les politiques qu’elles conduisent. C’est le chemin suivi par Refondation Communiste en Italie, par l’Alliance Socialiste en Grande-Bretagne, ainsi que par les principales forces de la gauche radicale française. Cette discussion nous concerne très directement.