NON au bradage de l’Uni et à la sélection par l’argent!

NON au bradage de l’Uni et à la sélection par l’argent!

Le 13 juin dernier, le Grand Conseil
genevois a voté, à une grande majorité, la
nouvelle loi sur l’Université (voir le n° 130 de
solidaritéS pour l’argumentaire du comité
référendaire et le 132 pour les conséquences
programmées sur les taxes). Cette dernière, très
inquiétante quant à la situation des étudiant-e-s,
des employé-e-s, du financement et du contrôle
démocratique a fait l’objet d’un
référendum et est soumise aux électeurs-trices le
30 novembre.

A ses partisan-e-s – Charles Beer, conseiller d’Etat PS en charge
de l’instruction publique, en tête – qui la déclare
«à la fois moderne et démocratique», nous
rétorquons que la modernité ne peut être synonyme
de privatisation et de démantèlement du service public et
que la démocratie, en excluant la majorité et en
concentrant les pouvoirs, …on connaît pas.

Augmentation des taxes: cynisme à tous crins

Avec la loi actuellement en vigueur (art.63, al.1), le montant des
taxes universitaires est fixé par le Département de
l’instruction publique et ne peut dépasser 1000 francs par
année. Dans la nouvelle loi, cette limite est
éjectée, puisque c’est une loi spéciale qui
fixerait «le montant maximum des taxes universitaires en
s’assurant qu’il se situe dans le cadre des montants des
taxes des hautes écoles suisses» (art.16 al.2).

Actuellement, Genève a les taxes les plus basses de Suisse, donc
en se mettant juste dans la moyenne nationale, les taxes augmenteraient
de plusieurs centaines de francs. Durant la campagne, le rectorat et le
conseiller d’Etat jurent qu’il n’est pas question
d’augmentation…pour l’instant, et se targuent du
maintien d’un contrôle démocratique, puisque la
future loi sur les taxes pourra évidemment faire l’objet
d’un référendum. Le conseiller d’Etat Beer,
relevant que «ces dernières restent de la
compétence du parlement et non pas de l’Université,
cela afin de garantir un accès démocratique aux
études académiques sur le long terme» (Campus
n° 92 ).

Quant aux partis bourgeois, ils assument et souhaitent une augmentation
de l’écolage (Tribune de Genève, 10 novembre 2008),
une députée libérale déplorant même
que ces taxes n’aient jamais été
indexées…au contraire des salaires!

Moins de contrôle public et plus de pouvoir au privé

Sous prétexte d’autonomie, la nouvelle loi soustrait
l’Université à un contrôle de l’Etat et
la soumet à l’économie privée. Cette
loi-cadre, réduite au minimum, oblige l’Université
à une logique de compétitivité à court
terme, en garantissant sa flexibilité et son adaptation
constante au marché.

Plutôt que d’autonomie, il s’agit en fait d’une
indépendance de gestion pour le rectorat de
l’Université. Avec cette nouvelle loi, celle-ci serait
désormais dirigée à la manière d’une
entreprise privée par un «rectorat fort».
C’est par une «convention d’objectifs»,
manière plus subtile de désigner un «contrat de
prestations», que la nouvelle loi prétend maintenir un
contrôle public restreint sur l’institution. Il
s’agirait donc d’une lourde perte de contrôle sur
l’Université. D’un service public, elle est
appelée à se comporter comme une entreprise fournissant
des prestations à des étudiant-e-s désormais
perçu-e-s comme des «client-e-s».

Galère pour la majorité

L’autonomisation voulue par la nouvelle loi aurait pour
conséquence que l’Université deviendrait
l’employeur de tout son personnel (art.13, al.1). Par le biais
d’un règlement sur le personnel, les compétences
qui appartiennent actuellement au Conseil d’Etat seraient
déléguées aux organes de
l’Université, avec toutes les prérogatives qui
s’y rattachent: les nominations, l’engagement du personnel,
les sanctions, le non-renouvellement et la résiliation des
rapports de service, et même la fixation des salaires y compris
pour le personnel administratif et technique, (qui reste soumis par
ailleurs à la Loi sur le personnel de l’administration
cantonale – LPAC).
De plus, le personnel temporaire serait engagé selon le Code des
obligations si ses activités dépendent de fonds
extérieurs à l’Université (art.12, al.3) et
comme le recours à ce type de financements est
encouragé… cette nouvelle loi consacre le règne de
l’arbitraire et maintient un vivier de personnel jetable.

Affaires rentables

Selon le Conseil d’Etat, cette loi permettrait de
«rétablir la confiance» des citoyen-ne-s
après la «crise» que cette institution aurait subie
en 2006. En réalité, il s’agit plutôt
d’un chèque en blanc donné au rectorat, actuel et
futur. Plutôt que de remédier aux
«irrégularités financières» qui ont
été dénoncées, la nouvelle loi
entérine en bonne partie la situation, en facilitant
l’accumulation de gains accessoires par les professeur-e-s. Le
texte de loi permet également à certain-e-s
chercheurs-euses de s’approprier individuellement les profits des
recherches et des inventions, en les autorisant à déposer
des brevets sur ces dernières. Ils-elles profiteraient ainsi des
infrastructures d’une institution financée par les
contribuables pour leur enrichissement personnel.

Liberté académique en danger

La nouvelle loi oblige l’Université à rechercher
activement des sources de financement externes, la garantie que le
financement public est indépendant du montant et du but des
fonds de tiers n’a pas été retenue, alors
qu’elle était proposée dans l’avant-projet de
loi piloté par Ruth Dreifuss. Or, comme chacun-e le sait, qui
paie, décide, les pressions et chantages ne devraient pas rester
longtemps hors de l’Alma mater.

Aucun garde-fou n’a donc été prévu tant pour
le financement public que privé. De plus, le risque est
réel de voir se multiplier les cas de recherches
orientées, voire faussées, pour le compte des financeurs,
comme cela a déjà été le cas à la
faculté de médecine de Genève. Face à
l’ampleur des intérêts en jeu, le
«comité d’éthique et de
déontologie» prévu par la nouvelle loi semble bien
dérisoire, puisqu’il est purement consultatif.

Si cette nouvelle loi était acceptée, le rectorat de
l’Université n’aurait face à lui aucun
contre-pouvoir interne qui puisse assurer un véritable
contrôle de sa gestion.

D’ici le 30 novembre, c’est NON qu’il faut dire
à cette loi et, dans les prochains jours, il est encore temps de
convaincre et de faire campagne.

Marie-Eve Tejedor