Accord sur la libre circulation des personnes: défendre ensemble les droits de tous les salariés!
Accord sur la libre circulation des personnes: défendre ensemble les droits de tous les salariés!
Le 8 févier 2009, les citoyens et citoyennes helvétiques
seront appelés à se prononcer sur la double question de
la prorogation de lAccord sur la libre circulation des personnes
(ALCP) avec lUnion européenne (UE) et de son
élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie. Le
mouvement solidaritéS appelle à voter OUI.
Notre OUI se fonde sur le fait que lALCP fixe des droits
nouveaux en matière de séjour pour les ressortissant-e-s
de lUnion européenne, droit au regroupement familial,
droit aux prestations sociales et droit à une autorisation de
séjour.
La libre circulation des personnes: un droit fondamental
Rappelons que la part de la population étrangère active
en Suisse, par rapport à lensemble des actifs-actives
occupés, est de 26,3% et que près des deux tiers de la
population résidente étrangère vient des pays de
lUnion européenne.
En approuvant sa pérennisation ainsi que son extension,
solidaritéS se prononce pour ces droits, contre le chauvinisme
et la xénophobie de lextrême-droite nationaliste
(Démocrates suisses, Lega dei Ticinesi, jeunes UDC) qui a fait
aboutir le référendum et qui a reçu, pour la
votation de février 2009, le renfort de lUDC. Inscrite
dans la Déclaration universelle des Droits de lhomme, la
libre circulation des personnes est très loin pourtant
dêtre effective pour une majorité des habitant-e-s
de cette planète.
Avec lALCP, la Suisse fait un tout petit pas dans le sens
dune reconnaissance de cette liberté fondamentale. Ce pas
reste marqué par le sceau dune politique migratoire
fondamentalement discriminatoire, puisquelle exclut du droit au
séjour la quasi totalité des ressortissant-e-s en
provenance des quatre cinquième du monde. De plus la libre
circulation des personnes entre la Suisse et les pays de lUE est
introduite par étapes. Ainsi, durant une période
transitoire de sept ans, la règle de la
«préférence nationale» est maintenue, ce qui
signifie quun ressortissant bulgare ou roumain ne pourra
être embauché que sil est démontré
quaucun-e travailleur-euse résidant en Suisse, de
nationalité helvétique ou ressortissant-e-s des 25 pays
de lUE, «na le profil requis» pour le poste
de travail en question. Un système de contingentement est
prévu pour cette période de sept ans, suivi dune
clause de sauvegarde qui autorise la réintroduction des
contingents en cas dimmigration
«disproportionnée». Lapplication actuelle de
lALCP implique du reste la multiplication de catégories
de permis, ce qui favorise une segmentation et une gestion flexible de
cette main duvre étrangère par les
employeurs. Lexercice effectif du droit à la libre
circulation des personnes na rien à voir, à ce
jour et en Suisse, avec celui dont bénéficient les
banques et les multinationales helvétiques pour la circulation
de leurs capitaux qui, eux, ne connaissent bien entendu pas ce genre de
restrictions
Libre circulation et crise économique
En cette période de grave crise économique, le
débat public sera particulièrement difficile autour de la
votation du 8 février: la droite néoconservatrice et
xénophobe, quasi hégémonique sur un plan
idéologique depuis quelques années, a beau jeu de faire
lamalgame entre la péjoration bien réelle des
conditions de travail et larrivée, prétendument
massive, de salarié-e-s de lUnion européenne.
Lancien conseiller fédéral Christoph Blocher
déclarait à lassemblée des
délégué-e-s de lUDC du 30 novembre 2008:
«On ne peut pas dire aujourdhui si la libre circulation
des personnes est utile à la Suisse. Nous navons
quun an et demi dexpérience, et encore durant une
période de haute conjoncture, voire de surchauffe
conjoncturelle. Cest un fait que ces personnes, si elles sont
depuis une année en Suisse, profitent exactement des mêmes
conditions que les travailleurs indigènes. Egalement dans le
domaine social. Cela risque de poser de gros problèmes lorsque
les temps sont difficiles. Lextension de la libre circulation
des personnes à des Etats supplémentaires a
forcément des conséquences, comme daugmenter le
nombre de chômeurs et de niveler les salaires par le bas. Nous en
ressentirons les effets lan prochain déjà. Mais le
chômage ne touchera pas que les travailleurs étrangers; la
main doeuvre suisse aussi sera concernée. On ne fera plus
de différence. Par contre, nous serons tous appelés
à payer la facture, les salariés comme les
employeurs!» Le bulletin de novembre 2008 de lAction pour
une Suisse indépendante et neutre (ASIN) est encore plus
explicite: un article, publié sous le titre «Libre
circulation des personnes: des salaires plus bas? plus de
chômeurs? plus de criminels? des institutions sociales en
faillites?», conclut: «La conséquence [de la libre
circulation des personnes, réd.]: davantage dimmigration,
pression sur les salaires, salaires plus bas, davantage de Suisses au
chômage, plus de criminalité, institutions sociales
menacées ou en faillite, loyers plus
élevés.» Cette stigmatisation des
étrangers-ères trouve dans le monde du travail un
écho certain, du fait de la précarisation des conditions
de travail et de la baisse du pouvoir dachat ainsi que de la
tradition de xénophobie, entretenue longtemps du reste par une
partie du mouvement syndical! Dans ce contexte, un constat
simpose: les «mesures daccompagnement»
à la libre circulation sont très largement insuffisantes.
Elles ne fixent pas de véritables droits pour les
salarié-e-s face aux employeurs qui restent seuls maîtres
à bord dans les entreprises. Elles ne constituent pas un point
dappui réel pour agir contre la sous-enchère
salariale. Et surtout, elles procèdent dune logique
politique, de la part des directions syndicales, qui
délègue à lEtat la tâche dagir
pour la défense des salaires et des conditions de travail.
Le mirage des mesures daccompagnement actuelles
Tout lédifice des mesures daccompagnement repose
à la fois sur le rôle des inspecteurs nommés pour
mettre en place une surveillance portant sur le dumping salarial, la
durée du travail et sur des aspects concernant la
sécurité et des conditions de travail, ainsi que sur
celui des commissions paritaires (syndicats et patronat) en charge de
surveiller lapplication des conventions collectives de travail
(CCT). LUnion syndicale suisse (USS) revendique 71
inspecteurs-trices fédéraux, en plus des 153 actuellement
en place, soit 86 inspecteurs mandatés par les commissions
tripartites cantonales et 67 par les organes paritaires des conventions
collectives déclarées de force obligatoire, pour que
«la libre circulation inspire davantage confiance». Lors de
lassemblée des délégué-e-s de
lUSS du 16 juin 2008, «les représentant-e-s des
fédérations de lUSS ont expressément
souligné les avantages de la libre circulation des personnes, le
cadre réglementaire ainsi donné à nos relations
avec lUE, lamélioration des conditions faites en
Suisse aux migrant-e-s provenant de lUE et aux Suissesses et
Suisses se rendant sur le territoire de lUE. Ils ont aussi
insisté sur limportance des mesures
daccompagnement qui ont eu pour effet de renforcer les
conventions collectives de travail (CCT) et de rendre
systématiques les contrôles des salaires. Fin 2007,
lUSS déclarait quelle soutiendrait un
élargissement de la libre circulation des personnes à la
condition quil soit remédié aux lacunes
constatées dans lefficacité des mesures
daccompagnement. Ce qui a été le cas depuis lors
dans une très grande mesure, notamment via la conclusion
dune convention nationale dans la construction,
laugmentation du nombre des contrôles effectués
auprès des employeurs suisses et le relèvement du montant
des amendes». Pour lUSS, ces mesures
daccompagnement constituent «un ensemble
dinstruments performants qui permettent dempêcher
une détérioration des conditions de travail» in
«Libre circulation des personnes. Des effets positifs, mais de
nombreux problèmes subsistent» USS, Berne 31 mai 07. Or,
il nen nest rien. Les contrôles par des inspecteurs
ou les commissions paritaires sont un leurre complet. Leur nombre est
dérisoire. Selon une enquête de M.I.S.Trend auprès
des PME suisses, rendue publique par le Secrétariat dEtat
à léconomie (seco) début 2008, «en
moyenne, chaque PME a fait lobjet de 1,9 contrôle durant
les cinq dernières années». Mais la majorité
des contrôles concernaient la TVA, les impôts, lAVS,
24% de ces contrôles concernaient la protection de la
santé et les horaires de travail et enfin 10% seulement sont
liés à lintervention de commissions tripartites et
de commissions paritaires de contrôle des CCT ainsi
quà celles des 153 inspecteurs-trices du travail mis en
place dans le cadre des mesures daccompagnement.
Non seulement ces contrôles sont de la poudre aux yeux, mais
encore ils ne sont absolument pas dissuasifs, dès lors que les
patrons ont intérêt à payer une amende, au cas
improbable où ils se feraient prendre la main dans le sac. Une
amende qui ne sélève pas plus quà
300 francs par travailleur-euse concerné! Et en tout cas le
risque nest guère élevé, on peut
lestimer à un contrôle tous les 20 ans
Le canton de Genève, un modèle en matière de contrôle?
Présenté souvent comme en pointe par rapport à
lapplication des CCT, une récente étude
démontre quil nen est rien! La Commission externe
dévaluation des politiques publiques (CEPP), dans un
Rapport sur lefficacité des commissions paritaires
genevoises dans la lutte contre le dumping salarial publié au
printemps 2008, met en évidence les faiblesses des mesures
daccompagnement. Ainsi, selon ce rapport, 80% des commissions
paritaires qui existent dans certaines branches économiques
neffectuent aucun contrôle dentreprise. Les
sanctions nont pas deffet dissuasif, indique la CEPP qui
conclut à lexistence dune sous-enchère
salariale dans de nombreux secteurs, dont notamment
lhôtellerie et la restauration ainsi que dans le commerce
de détail. «Le dispositif de réglementation
du marché du travail à Genève tel
quobservé en avril 2007 nest pas en mesure
de garantir efficacement les conditions de travail et les prestations
sociales en usage», constate toujours ce rapport. La CEEP
émet un certain nombre de recommandations en matière de
renforcement des compétences et des moyens dont sont
dotées les commissions paritaires, de garantie
daccès aux entreprises et de nécessité
dinformer les salarié-e-s sur le salaire minimum auxquel
ils-elles ont droit.
Multiplication des attaques pour faire baisser les salaires
Fin novembre 08, lOCDE annonçait «une
récession sévère et prolongée» dans
tous les pays de lOCDE. Le Secrétariat dEtat
à léconomie (seco) a annoncé que le taux de
chômage officiel en Suisse avait progressé de 2,7% par
rapport au mois de novembre 2007, le chômage partiel prenant
lascenseur, le nombre dentreprises ayant eu recours
à des réductions dhoraire a pour sa part
progressé très fortement. Ce puissant coup de frein
auquel est confrontée léconomie suisse va
entraîner une dégradation du marché du travail. Le
seco prévoit une poussée du nombre de personnes inscrites
au chômage auprès des Offices régionaux de
placement à 140 000 dici à la fin de lan
prochain contre 108 000 à fin novembre. Le taux de chômage
devrait dès lors grimper à 3,5% de la population active
dici quinze mois. Un chômage qui va largement favoriser la
sous-enchère salariale! Ni la fixation de salaires minimaux
obligatoires en cas de sous-enchère abusive et
répétée, par lextension facilitée
des CCT ou par imposition de contrats-types de travail, ni
lannonce de lengagement de travailleurs
détachés, ne constituent une réponse à la
hauteur des attaques, qui se sont déjà
déployées ou qui sannoncent, pour faire payer la
crise aux salarié-e-s. Fin mai 2008, le Conseil
fédéral a mis en consultation son projet de
révision de la Loi fédérale sur les marchés
publics. Ce projet reprend à son compte la proposition de
directive du commissaire européen Bolkestein: remplacer la
règle actuelle selon laquelle, lors de travaux publics
effectués sur mandat de la Confédération, les
salaires usuels locaux doivent être respectés par celle du
respect des salaires usuels du lieu de provenance de
lentreprise. Cela permettait ainsi de faire jouer, par exemple,
la différence du niveau des salaires entre les cantons du Tessin
et de Genève! LALCP inclut en outre le principe de
«libre prestation de service». Il sagit du cas des
entreprises étrangères qui détachent des
travailleurs-euses en Suisse. Le nombre de travailleurs-euses
«détachés» a augmenté massivement: ils
étaient 40 500 en 2005 et 61 000 en 2007. La Commission
européenne conteste deux dispositions légales de la
Suisse qui à son avis, limitent de façon
exagérée la «libre prestation de service». Il
sagit de la règle qui oblige lemployeur à
annoncer le détachement de travailleurs-euses 8 jours à
lavance et de la règle qui interdit de recourir à
une entreprise intérimaire étrangère pour
détacher des travailleurs-euses. La libre prestation de service
remet en fait en cause des acquis des travailleurs-euses, en terme de
droit sociaux, dans toute lEurope.
Quelle stratégie syndicale?
Pour les directions syndicales de lUSS et dUNIA, la
réponse à la mise en concurrence accrue sur le
marché du travail, par les employeurs, des salarié-e-s
entre eux résiderait prioritairement dans un contrôle
accru du marché du travail, «rendre les mesures
daccompagnement plus efficaces». Cest en fait
lincapacité, dans de nombreux secteurs, du mouvement
syndical lui-même à faire respecter les CCT conclues qui
le conduit à demander un contrôle supplémentaire de
la part de lEtat. La non-application, dans le secteur de
lhôtellerie restauration par exemple, dune CCT qui
a pourtant force obligatoire, est très significative de ce point
de vue. Cette exigence de contrôle accru ne peut en outre souvent
pas être distinguée de la mise en application dune
politique répressive à légard des
travailleurs «fautifs», parfois sans-papiers. Surtout, elle
ne se confronte pas aux éléments centraux de la politique
néolibérale de flexibilisation et de précarisation
des conditions de travail qui se manifeste notamment par une
augmentation de la sous-traitance, le chantage aux
délocalisations ou lexplosion du travail temporaire. Les
conséquences de cette politique qui touche aussi bien les
salarié-e-s «nationaux» que
«étrangers» ne peuvent être combattues que par
des actions syndicales partant des lieux de travail. Le recours
à la répression sur le marché du travail
(contrôle des chantiers ou des établissements
hôteliers) place les syndicats dans la position inadmissible
dauxiliaires de la police des étrangers.
Se battre pour gagner des droits, non pour des mesures en trompe lil!
Il est urgent de se battre pour obtenir des droits effectifs sur les
lieux de travail. Un débat doit souvrir largement dans la
gauche syndicale et politique pour développer un
véritable programme daction contre la crise visant
à défendre les conditions de travail et de vie de toutes
et tous. Un des points forts de ce programme, à
léchelle nationale, doit être de combattre le
dumping salarial par la fixation dun salaire minimum
légal à 4000 francs net par mois, 13 fois par
année. Un autre, celui de mettre en place une protection
réelle contre les licenciements, qui doit comprendre
linterdiction de licencier les représentant-e-s syndicaux
dans les entreprises, linterdiction de licencier dans les
entreprises qui réalisent des bénéfices ainsi
quun droit à la réintégration pour les
salarié-e-s licenciés abusivement. Et sur les lieux de
travail, les droits syndicaux doivent être garantis.
Notre OUI à ALCP est aux antipodes
de celui déconomiesuisse et du Conseil
fédéral qui nous font croire que la ratification de cet
Accord permettrait de garantir les emplois, alors que ces mêmes
milieux sont les premiers à défendre les
délocalisations et la liberté de licencier! Un refus de
la libre circulation le 8 février prochain ne ferait que
renforcer les préjugés xénophobes. Quels que
soient notre statut et nos origines, nous vivons et travaillons
ensemble, et cest ensemble que nous pouvons nous battre contre
la politique patronale de dumping salarial!
Résolution de lAssemblée régionale de
délégués dUnia Genève
adressée à lAssemblée nationale des
délégués dUnia du 13 décembre 2008:
Pour une campagne syndicale en faveur du renforcement des mesures daccompagnement
LAD dUnia Genève a pris connaissance, lors de sa
dernière séance du 8 décembre 2008, des
décisions du Congrès de Lugano et du courrier
dUnia au Conseil Fédéral concernant nos conditions
pour le soutien à la confirmation de laccord sur la
libre-circulation des personnes et à lextension de
celui-ci à la Bulgarie et la Roumanie. Egalement, elle a pris
connaissance de la résolution de lAD de nos
collègues vaudois du 25 novembre 2008 et a décidé
de la soutenir intégralement.
Unia Genève sengagera à renforcer sur le terrain les mesures daccompagnement existantes.
Unia Genève est par ailleurs davis que des lacunes
importantes subsistent en matière de protection des conditions
de travail et de salaires, lacunes que les mesures
daccompagnement existantes narrivent de loin pas à
combler. Seul un vrai renforcement des droits de tous les travailleurs
peut faire contrepoids à la création dun
marché de la main-duvre libéralisé
à léchelle européenne et à la
concurrence accrue entre les salariés. Ce renforcement des
droits rend aussi possible la lutte concrète contre
lidéologie xénophobe et nationaliste
véhiculée par lextrême droite et
utilisée par le patronat.
Cest pourquoi lAD dUnia Genève soumet
à lAND la proposition de commencer dès le
début de lannée 2009 une campagne visant à
ancrer dans la législation suisse des nouveaux droits pour tous
les salariés, et cela indépendamment de lissue du
vote de lAND du 13 décembre 2008. Une telle campagne,
capable de renforcer notre syndicat comme force ancrée sur les
lieux du travail, devrait notamment sarticuler autour des axes
suivants:
La protection contre les licenciements des
délégués syndicaux et membres des commissions du
personnel ainsi que le droit daccès des
représentants syndicaux aux entreprises: conformément aux
motions votées au Congrès, Unia entreprend rapidement des
démarches pour uvrer en direction dune
modification légale;
Linstauration dun salaire
minimum légal en Suisse, dans le sens dune rapide mise en
uvre du mandat du Congrès détudier la
faisabilité dun lancement dune initiative
fédérale à ce sujet au courant 2009.
Genève, le 8.12.2008