Élections cantonales genevoises: une liste de l’Avivo est-elle une solution ?

Élections cantonales genevoises: une liste de l’Avivo est-elle une solution ?

La majorité du comité de
l’Avivo a décidé de proposer à
l’assemblée générale de cette association le
22 avril prochain de présenter une liste aux élections de
cet automne au Grand Conseil. Que faut-il en penser ?

Tout d’abord, ne boudons pas notre plaisir! Le triomphe de la
liste Avivo à la constituante (10,1%) rappelle que les
aîné·e·s, victimes eux-elles aussi des
politiques antisociales menées par le législatif et
l’exécutif cantonaux ne sont pas prêts à se
laisser mener en bateau. De ce point de vue, nous serions bien
sûr satisfaits de voir les batailles sociales à venir
relayées par une forte députation de l’Avivo au
Parlement.

    Malheureusement, les mobilisations
nécessaires pour faire reculer une telle offensive
dépendent avant tout de l’action syndicale et associative,
sociale et citoyenne, que les élu·e·s peuvent
certes appuyer et populariser, voire même mettre à profit
pour faire avancer des batailles législatives… Mais la
marge de manœuvre d’une députation de gauche,
clairement positionnée à gauche, dépend avant tout
des rapports de force qui se construisent en amont de
l’activité parlementaire, dans les entreprises, dans les
écoles, dans les quartiers et dans la rue.

    Sur ce terrain, l’Avivo dispose d’une
expérience de 60 ans de lutte en défense des
intérêts des retraité·e·s des milieux
populaires. Une activité qui s’est traduite par un patient
travail de solidarité, par le développement
d’activités collectives (loisirs, culture, etc.), par des
pétitions, des référendums, des initiatives, des
manifs, etc. C’est en menant inlassablement ce travail, et non en
participant à des élections ou à des joutes
parlementaires, que l’Avivo a gagné l’estime et le
respect de larges secteurs de la population.

    Pour justifier la présentation d’une
liste de candidat·e·s Avivo aux élections à
la Constituante, son président insistait il y a peu sur le
caractère tout à fait exceptionnel d’une telle
démarche… La suite de l’histoire montre que nous
avions raison déjà de nous inquiéter d’un
tel glissement, qui risquait de transformer une association, dont les
membres se reconnaissent dans des sensibilités politiques
diverses, en un parti à part entière,
représenté au Grand Conseil, et pourquoi pas au Conseil
d’Etat…

    En effet, une telle transformation de l’Avivo
pourrait placer une partie de ses membres devant des conflits de
loyauté pénibles – voter la liste de leur
association préférée ou de leur parti de
prédilection? –, risquant aussi de les diviser sur des
prises de position qui ne concernent pas ses engagements essentiels.
Demain, la pratique parlementaire pourrait aussi détourner des
ressources financières et des énergies précieuses
des combats prioritaires de l’Avivo, sans compter les menaces que
feraient inévitablement peser les collectivités publiques
sur le maintien de ses subventions. Ne vaudrait-il pas mieux que
l’Avivo – comme le font l’Asloca et d’autres
associations – appelle à voter pour ses membres
présents sur les différentes listes au Grand Conseil?

    Enfin, faute d’une liste politique de gauche
crédible, capable de défendre les intérêts
des plus défavorisé·e·s, mais aussi un
autre projet de société face à la crise sociale,
économique et environnementale du capitalisme, le monopole
revendiqué de l’Avivo sur un discours social, souvent
confus sur les questions sociétales (immigration, frontaliers,
automobile, police, école, etc.), pourrait laisser orpheline une
partie des salarié·e·s et des jeunes, pourtant de
plus en plus critiques envers les capitulations des socialistes et des
Verts.

    A plus long terme, un tel monopole pourrait
même apporter de l’eau au moulin de la droite et des
sociaux-libéraux, qui ne cessent de répéter que la
défense des acquis ne reflète que le maintien des
privilèges des plus de 50 ans, qui disposent déjà
de plus de la moitié des revenus disponibles… opposant
ainsi trompeusement la misère et la précarité
croissantes des jeunes et des salarié·e·s, aux
soi-disant privilèges des
retraité·e·s…

C’est pourquoi solidaritéS travaille activement à
la présentation d’une seule liste unitaire de gauche
conséquente, respectant la parité hommes-femmes,
largement ouverte aux jeunes, et qui loin de gommer ses
différences derrière une unité de façade,
les considère comme un atout. Une liste qui refuse aussi
l’émiettement des forces se situant à la gauche du
PS et des Verts pour garantir le passage de la barre du quorum. Toutes
et tous ensemble, en nous affirmant clairement à gauche,
féministes et écologistes, en refusant de nous murer dans
un ghetto générationnel, construisons une alternative
politique à la hauteur de leur crise !

Jean Batou