Silence, on extermine le peuple tamoul !

Silence, on extermine le peuple tamoul !

15 ans après le Rwanda, 14 ans
après Srebrenica, l’horreur se répète.
Retour sur la semaine sanglante, la complicité de l’ONU,
la faillite du Conseil pour les droits humains.

Au cours des derniers mois de cette guerre impitoyable que le
régime Rajapakse a infligée au peuple tamoul, trois
médecins, T. Varatharajah, T. Sathyamurthi et V. Shanmugarajah,
se sont efforcés, avec des moyens dérisoires, de soigner
les milliers de civils piégés dans la zone de Vanni, avec
le dernier carré des combattants. Ils n’ont pas
abandonné leurs patient·e·s sous les bombardements
de cette zone, où John Holmes, le coordinateur humanitaire de
l’ONU, annonçait un « bain de sang »
le 8 avril 2009. Ils sont restés jusqu’au terme de cette
« catastrophe humanitaire inimaginable »
qu’a décrit Pierre Krähenbühl, directeur des
opérations du CICR, le 13 mai 2009.

Quand soigner est un crime

Evoquant cet enfer, Ban Ki Moon, Secrétaire
général des Nations Unies, rapportait le 23 mai
2009 : « Ce que j’ai vu m’a fait
honte ». Mais ce qu’il a vu, il ne l’a pas
dit. Selon le Times de Londres, il n’aurait pas encore
authentifié les photographies prises de son
hélicoptère, qui montrent un camp de civils
bombardé par l’armée gouvernementale. Les trois
médecins, eux, aimeraient bien dire ce qu’ils ont vu. Ils
ne le peuvent pas. Ils sont détenus dans le sinistre
« Criminal Investigation Department » (CID).
Le ministre sri lankais des droits humains (sic !), Mahinda
Samarasinghe, dit qu’ils seraient suspectés d’avoir
collaboré avec le LTTE. Ils pourraient attendre un an avant
d’être traduits devant un juge.
« Nous donnons des premiers soins et faisons un peu de chirurgie
aussi vite que nous le pouvons. Nous sommes écrasés par
la situation et n’avons plus aucun contrôle sur
rien »,  témoignait le Dr V Shanmugarajah qui
estimait le 10 mai dernier que 378 civils étaient morts dans son
seul hôpital. Tout au long du siège sanglant de Vanni,
Thurairaja Varatharajah, Thangamuttu Sathya-murthi et V. Shanmugarajah
n’ont cessé de témoigner. La valeur de leurs dires
était reconnue par la presse internationale. Ils
révélaient les violences de l’armée sri
lankaise contre les populations civiles et donc les mensonges
gouvernementaux. « Ces médecins sont des agents du
service de santé publique qui ont joué un rôle
très important et sauvé beaucoup de vies. Le gouvernement
doit les inculper ou les libérer », a
déclaré Gordon Weiss, porte parole des Nations Unies
à Colombo.

Complicité onusienne

Pourtant, le Sri Lanka criminel de Rajapakse ne vient-il pas de
recevoir, le 27 mai, à Genève, un superbe certificat de
moralité ? Parmi les membres du jury, l’Afrique du
Sud, la Bolivie et Cuba rejoignent… l’Arabie saoudite et
le Pakistan. En effet, en dépit de 12 oppositions et de six
abstentions, 29 membres du Conseil des droits humains ont adopté
une résolution présentée par le Sri Lanka qui se
félicite de son engagement continu en faveur de la promotion et
de la protection de tous les droits humains et approuve le
communiqué conjoint publié à l’issue de la visite
effectuée dans le pays par le secrétaire
général des Nations unies, Ban Ki-moon(1). Le 26 mai
2009, à la veille du vote de cette infamie, le Conseil des Etats
apportait lui aussi sa contribution au déni de la misère
et de l’horreur en rejetant une motion de la gauche qui demandait
la suspension des expulsions vers le Sri Lanka !
En janvier dernier, le président Rajapakse lance son offensive
finale. L’ONU, chiffre alors à 70 000 le total des morts
d’un conflit déclenché en 1972, 36 ans plus tôt. Il
ne fera cependant l’objet d’aucune
réévaluation jusqu’à la chute de la
dernière poche de résistance, après
d’effroyables massacres. Le 16 avril, l’ONU recense 2800 morts
depuis janvier, sans modifier son total précédent. Le 24
avril, elle parle de 6500 civils tués et de 14 000
blessés depuis janvier ; Le 9 mai, de 8500 tués. Et
pourtant, les médias continuent de se référer au
chiffre de 70 000 morts. Des centaines de milliers de
Tamoul·e·s ont appelé en vain au secours dans
toutes les grandes villes occidentales.
A la veille de l’assaut final, et sans commentaire, l’ONU propose un
nouveau bilan : 100 000 victimes, dont 30 000
auraient été assassinées sans qu’aucune
enquête internationale ne soit nécessaire ! Le 3
juin, on apprend de plus que 13 200 jeunes gens et jeunes filles
auraient disparu des camps où ils avaient été
regroupés. La communauté tamoule craint que les jeunes
gens ne soient assassinés et les jeunes filles
violées…

La Marche pour la paix au Sri Lanka continue

Entamée le 1er juin à Genève, avec le soutien de
Rémy Pagani, nouveau maire de Genève et de Nicolas
Walder, président du Conseil communal de Carouge, la Marche
s’est poursuivie grâce à la détermination des
responsables du Forum Tamoul Suisse. A Nyon le syndic Daniel Rosselat,
à Renens la syndique Marianne Huguenin, à Lausanne le
président du Conseil communal Claude Bonnard, le
député Jean-Michel Dolivo et le conseiller national
Christian van Singer ont martelé l’importance de notre
solidarité envers cette poignée de
militant·e·s et du combat pour dénoncer les crimes
génocidaires subis par les Tamouls du Sri Lanka.
Au cours des mois à venir, un véritable mouvement de
solidarité devra être mis sur pied. Pour contribuer
à sa création, trois objectifs de mobilisation
immédiats s’imposent : exiger la libération
immédiate de Thurairaja Varatharajah, de Thangamuttu
Sathyamurthi et de V. Shanmugarajah (les personnels et syndicats de la
santé peuvent jouer un rôle important); veiller à
ce qu’aucun Tamoul-e ne soit expulsé de Suisse;
défendre l’accueil de
réfugié·e·s. 


Karl Grünberg

SOS Racisme

1 La seule liste de ces Etats parle pour la renaissance d’un
internationalisme véritable. Voyons un peu qui a signé le
texte de ces assassins : Afrique du Sud, Angola, Arabie
saoudite, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bangladesh, Bolivie,
Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Chine, Cuba, Djibouti, Egypte,
Fédération de Russie, Ghana, Inde, Indonésie,
Jordanie, Madagascar, Malaisie, Nicaragua, Nigéria, Pakistan,
Philippines, Qatar, Sénégal, Uruguay et Zambie.