Valse fiscale à trois temps: les riches battent la mesure

Valse fiscale à trois temps: les riches battent la mesure

Nous publions ici une première
critique de la nouvelle loi fiscale que le Grand Conseil genevois
votera cette semaine, avec l’appui du Conseil d’Etat
à majorité rose-verte et d’une majorité
parlementaire de droite allant de l’UDC… aux Verts, en passant
bien sûr par tous les partis de l’Entente bourgeoise
(libéraux, radicaux, PDC.) Le ralliement des Verts à ce
projet de relance de la machine à faire des cadeaux aux riches
s’inscrit dans le droit fil de la politique de leur conseiller
d’Etat en charge des finances, qui proposait il y a peu des
mesures fiscales pour attirer les fonds spéculatifs dans notre
canton. Le vote à marche forcée de ce projet
démagogique  – soumis au référendum
populaire obligatoire et qui passera en votation le 27 septembre
prochain – est évidemment aussi une manœuvre
électoraliste de la droite. solidaritéS devra bien
entendu se mobiliser pour y répondre, dans le cadre de notre
propre campagne en vue des élections cantonales d’octobre.
(réd.)

La politique de la droite mise en œuvre lors de la crise des
années nonante se poursuit, malgré la récession
actuelle qui va probablement être sévère et de
longue durée. Cette politique en matière fiscale et de
budgets publics se décline en trois temps. Tout d’abord
une baisse de la fiscalité significative qui permet de creuser
les déficits publics. Le second temps consiste à crier au
loup devant l’accroissement de la dette… et le troisième
temps à couper dans les prestations publiques et les salaires
pour soi-disant rétablir l’équilibre des finances.
L’exemple de la fiscalité genevoise est une illustration
de ce mécanisme appliqué un peu partout.
Rappelons qu’à Genève les baisses
d’impôts ont pris des formes diverses: passage au taux fixe
pour les entreprises, suppression du droit des pauvres,
exonération des successions en ligne directe et surtout baisse
de 12 % de la fiscalité des personnes physiques.
L’ensemble de ces mesures ont conduit à réduire les
recettes fiscales de l’ordre de 500 millions par an et à
accroître l’endettement à hauteur de 13 milliards au
niveau le plus élevé (il se situe à 11,4 milliards
à fin 2008 en raison de rentrées fiscales exceptionnelles
ces dernières années). Sans ces baisses
d’impôts la dette se situerait aujourd’hui au niveau
d’un exercice budgétaire, à savoir de l’ordre
de 8 milliards ce qui correspond grosso modo aux investissements.

Plus d’un demi-milliard de coupes dans les recettes !

Après ce premier tour de valse, la droite est repartie pour un
tour. Au moment ou vous lirez ces lignes, elle aura fait voter ou sera
en train de voter un projet de loi dont les conséquences seront
une baisse de recettes de 411 millions au minimum à partir de
2012 (355 millions dès l’an prochain). De plus,
contrairement au rabais de 12 %, les communes seront
également touchées pour un montant de 107 millions, dont
50 millions pour la seule Ville de Genève !
Conjuguée à la diminution des recettes fiscales due
à la crise, cette révision de la fiscalité va
entraîner des déficits considérables et
« justifier » des coupes dans les
dépenses sans précédent. Cette loi sera soumise en
votation populaire en septembre et la droite compte bien
l’utiliser comme levier dans la perspective des élections
cantonales du mois d’octobre.
Le projet de loi comporte une série de mesures dont certaines
peuvent paraître mineures mais dont le résultat final
conduit à un allègement significatif de la
fiscalité pour les hauts revenus et les grandes fortunes.
Cependant presque toutes les catégories de contribuables seront
« gagnantes » à court terme ce qui
permet à la droite de se poser en défenseur de la classe
moyenne. En d’autre termes accorder des sucres plus ou moins gros
pour accorder des cadeaux très significatifs aux nantis.

Tout bénéfice pour les grosses fortunes et les hauts revenus

En l’état le projet de loi supprime le système du
rabais d’impôts qui était plutôt favorable aux
revenus bas et moyens, réintroduit une taxation par paliers (et
non plus francs par francs), diminue le taux marginal supérieur
d’imposition, introduit un bouclier fiscal à 60 %
pour les impôts cantonaux et communaux(1), élève la
déduction sur la fortune, augmente une série de
déduction sur le revenu (charges de famille, frais de garde,
cotisations aux assurances-maladie, frais médicaux) et introduit
le splitting intégral pour les couples. Si cette dernière
mesure est acceptable (encore qu’une taxation
séparée des conjoints serait bien plus juste mais
impossible en raison du droit fédéral), toutes les autres
mesures, en réduisant significativement le revenu imposable,
profitent surtout aux contribuables dont les taux d’impositions
sont les plus élevés.
Au niveau de l’impôt sur le revenu, les résultats
sont les suivants en prenant les deux tranches de contribuables les
plus basses et les plus hautes:

tableau 1

En ce qui concerne l’impôt sur la fortune les résultats sont tout aussi éclairants:

tableau 2

Comme généralement les contribuables à revenus
élevés sont également ceux qui détiennent
des fortunes significatives on voit l’importance du cadeau qui
leur sera fait si ce projet passe la rampe de la votation populaire.
Ces simulations ont été effectuées sur la base des
impôts 2006 et ne tiennent pas compte d’environ 2700
contribuables pas encore taxés. Comme il s’agit souvent de
personnes aux revenus élevés. Les estimations de pertes
de recettes fiscales sont donc minimisées.
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette nouvelle offensive en
matière de fiscalité après le vote au Grand
Conseil et en perspective de la votation populaire.

Bernard Clerc


(1) Ce «bouclier fiscal» scandaleux permettrait aux
contribuables très fortunés de plafonner leur impôt
sur la fortune et sur le revenu à 60% de leur revenu net
imposable. Le coût de ce cadeau fiscal est estimé à
43 millions au profit de 1289 contribuables très riches, pour
leur éviter d’avoir à entamer leur fortune pour
payer leurs impôts ! (réd.)