Londres, 400000 dans la rue: non à la guerre

Londres, 400000 dans la rue: non à la guerre


400000 voix pour crier, ensemble, un non radical à la guerre en Irak que préparent G. W. Bush et T. Blair, pour réclamer la démission de ces derniers et insister sur leur profonde désapprobation devant la politique du Premier Ministre britannique.


400000 manifestant-es pour dénoncer les crimes américains et anglais commis en Afghanistan ou en Irak au nom d’une «justice internationale».


400000 citoyens-nes, issu-es de différentes confessions ou tendances politiques, côte à côte, pour réclamer une Palestine libre de l’occupation israélienne et pour accuser ouvertement le gouvernement Sharon et la complicité anglo-américaine.


La manifestation du 28 septembre 2002 peut déjà être qualifiée de remarquable dans l’histoire du mouvement social anglais. Elle est non seulement la plus importante en Grande-Bretagne depuis la Seconde guerre mondiale de par le nombre de personnes présentes, mais elle est aussi née de la propre initiative du peuple, par le biais de mouvements citoyens et sociaux, et non sur une convocation de partis politiques. De plus, elle a su réunir dans un front uni par exemple, des citoyens-nes «apolitiques», des socia-listes avec des musulman-es. Ceci n’était pas arrivé depuis de nombreuses années.


Une coalition très large


Le succès de la manifestation a surpris beaucoup de milieux politiques. Il a aussi dépassé les espoirs des organisateurs-trices de la coalition Stop the war qui prévoyaient entre 100000 et 200000 personnes. Cette réussite est due principalement à deux facteurs, selon Andrew Baisley du Socialist Worker Party et un des organisateurs de l’évènement. D’une part, la manifestation du 28 septembre s’appuie sur une large et solide coalition qui a permis de rassembler, entre autres, les mouvements d’extrême gauche anglais, des syndicats de poids, des organisations écologistes, anti-nucléaires et religieuses. La coalition Stop the war a été formée lors de la première guerre du Golfe et son réseau n’a eu de cesse de se renforcer jusqu’à l’organisation d’une première manifestation de taille contre la guerre en Yougoslavie (100000 participant-es). D’autre part, le rassemblement de 450000 personnes témoigne d’une désillusion générale envers l’establishment politique anglais et le néolibéralisme dont le peuple britannique subit sévèrement les conséquences, depuis des années. A. Baisley remarque également que le mouvement de résistance et l’expression publique du refus est chaque fois plus profond dans la société. C’est ainsi que le fait de manifester sur des sujets politiques est désormais considéré comme un recours légitime pour la citoyenne et le citoyen en Grande-Bretagne. Il s’agit par conséquent d’une réelle transformation dans les mentalités britanniques car les vingt dernières années n’ont pas connu de tels mouvements portant sur des domaines politiques et qui transcendent aussi les cultures et les classes anglaises.


Une société divisée


De plus, la coalition a influencé les plus importants syndicats, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. C’est ainsi que lors du dernier congrès des syndicats, la majorité des délégué-es ont voté pour un clair amendement anti-guerre contre le projet de T. Blair. Le Premier Ministre se retrouve de plus en plus isolé sur l’échiquier politique anglais puisque cinquante-six députés du Labour Party ont aussi voté contre lui sur cette question. La société anglaise ressort profondément divisée de ce débat; en témoigne la position au sujet de la guerre en Irak du nouvel archevêque de Canterburry, le chef spirituel de l’Eglise anglicane. Jusqu’à présent, les archevêques s’étaient toujours prononcés en faveur des interventions belliqueuses britanniques. Aujourd’hui, il manifeste clairement son opposition à la guerre. Le succès de la manifestation ne peut qu’encourager cette opposition.


L’impact de la manifestation du 28 septembre est encore impossible à mesurer, même s’il apparaît évident. Du côté du SWP, l’élan occasionné par cet événement devra permettre la construction d’un mouvement de masse encore plus large. Pour A. Baisley, il s’agit aussi de créer dans chaque ville du pays des coalitions Stop the war. «L’après manifestation devrait aussi favoriser une meilleure éducation du peuple au sujet des raisons stratégiques d’une guerre en Irak et devrait déboucher sur des occupations de collèges ou le blocage de routes…», rajoute-t-il. Ce n’est donc que le début d’une lutte qui peut s’avérer victorieuse.


Julie DUCHATEL
Londres, 30.9