Etats généraux de la santé: un consensus

Etats généraux de la santé: un consensus
à la neuchâteloise mais les problèmes restent
entiers



Le 24 octobre, les professionnels de
la santé (responsables administratifs et médicaux,
personnel soignant), les élus et représentants de partis
se sont retrouvés pour une journée de travail. Le public,
convié à la première partie (jusqu’à
midi), s’est peu déplacé.

L’objectif du Conseil d’Etat, organisateur de ces Etats
généraux à la suite d’une demande du Grand
Conseil, était clairement annoncé :
« dégager un consensus permettant de
résoudre les différents problèmes touchant le
système de santé neuchâtelois ». En
clair, obtenir des porteurs des différentes initiatives,
populaires et communales, de les retirer au profit d’une
restructuration qui centraliserait encore un peu plus la santé
dans le canton. Le Conseil d’Etat s’est dit satisfait des
résultats et d’aucuns ont déclaré être
« surpris en bien ». Ces Etats
généraux ont confirmé que le monde politique du
Haut du canton semble prêt à accepter l’installation
du site « Mère enfant » à
Neuchâtel, à condition que l’Hôpital de la
Chaux-de-Fonds obtienne en compensation des garanties de
pérennité et une répartition équitable des
centres de soins.

    Mais consensus du monde politique ne signifie pas
consensus de la population. Si les habitants du Haut du canton
étaient consultés sur la maternité, quel serait le
résultat ? Nous estimons légitime et
démocratique qu’ils le soient. Reste encore
l’initiative dite du
« Val-de-Travers », que nous soutenons. Dans
ce vaste marchandage, elle représente la revendication
d’une région excentrée qui, pour avoir une chance
d’être entendue, demande le maintien de soins de
proximité dans le canton, de trois maternités ainsi que
de trois sites généralistes, dont celui du
Val-de-Travers.

    Avec le constat que la santé coûte
15 % de plus par habitant dans le canton que la moyenne suisse,
les finances, donc les économies et les restrictions,
étaient bien évidemment au cœur de la
majorité des interventions. Mais les causes n’ont
été qu’effleurées et toute la question de la
planification sanitaire s’est résumée à la
question des hôpitaux. Pas un mot sur Nomad (aide et soins
à domicile), rien sur la psychiatrie.

    La question des coûts se devait bien sûr
d’être intégrée à la réflexion,
elle pose la question de qui paie la santé, donc de la
solidarité. Dans notre société, fortement
inégalitaire, nous avons un système
d’assurance-maladie qui établit une certaine
solidarité entre bien-portants et malades, mais aucune
solidarité entre riches et moins riches. Or, on le sait, les
pauvres, par manque de moyens, sont plus touchés par des
maladies graves, ne pouvant pas se payer les soins non remboursables
(dentiste) et la surveillance médicale préventive
(cancers). Aujourd’hui, les assurances privées peuvent
jouer avec leurs réserves ou le tarif des points qui sont
différents suivant les régions, cela en toute
opacité. Les Etats généraux n’ont pas
analysé comment faire pression sur elles.

Au final, un résultat maigre et décevant.

Moins d’une semaine plus tard, les polémiques
rejaillissent. Les craintes d’être une fois de plus le
parent pauvre en perdant le site « Mère
enfant » poussent à la tenue « sans
attendre » d’Etats généraux de la
santé dans le Haut du canton ! Le consensus obtenu le 24
octobre paraît bien fragile.

    Tout ne pouvait bien sûr pas être
traité, et la crise dans la santé est si profonde que
personne n’imaginait tout résoudre en une journée.
Mais le Conseil d’Etat a choisi d’entrer sur ce chantier
par la porte la plus étroite, celle des initiatives populaires,
contradictoires entre elles, qu’il aimerait voir retirées.
N’aurait-il pas mieux valu se donner comme objectif
d’analyser les problèmes de fond en commençant par
mettre toutes les données sur la table, des soins à
l’hôpital aux soins à domicile, en
s’interrogeant aussi bien sur les raisons des coûts que sur
les causes des maladies ? Sans tabou : pourquoi, dans le
canton, y a-t-il plus de malades qu’ailleurs, en particulier de
malades psychiques ? De quoi y est-on malade, et
pourquoi ? Comment la pauvreté et les bas salaires
pèsent-ils sur la santé d’une partie importante des
Neuchâtelois·es ? Comment prévenir ces
maladies ? Ou sur un autre plan : quel bilan peut-on
tirer de l’autonomisation généralisée des
soins ? D’où vient la désorganisation
sensible dans de nombreux secteurs (Nomad, Hôpital
neuchâtelois)? Que coûte cette gestion
centralisée ? Ces questions, pas plus que celle des
conditions de travail du personnel, n’ont pas été
traitées et c’est regrettable. Quant à la
médecine du travail, qui pourtant devrait être une
préoccupation essentielle dans un canton à dominante
industrielle, on n’a pu que constater qu’elle n’est
pas au rendez-vous de la prévention en terre neuchâteloise.

Marianne Ebel