Edipresse: quel bilan de la lutte ?

Edipresse: quel bilan de la lutte ?



Un plan social, mais une centaine de
licenciements quand même, voilà, brutalement dit, ce qui
semble être le résultat d’une mobilisation
menée dans des conditions difficiles. Nous nous sommes
entretenus de ce bilan en demi-teinte avec Bernard Remion,
secrétaire régional de Comedia.

De prime abord, le résultat des deux mobilisations du
personnel ne semble pas mirobolant. A part le contrôle paritaire
des mesures d’accompagnement, qu’est-ce que cette lutte
aura apporté de plus que ce qui était proposé
à l’origine ?

    Si aucune mobilisation n’avait eu lieu lors de
la première manifestation devant la Tour Edipresse et lors des
assemblées de personnel, très combatives, les mesures
d’accompagnement seraient restées inférieures
à celles proposées ensuite par la direction. Mais il est
vrai que dans la dernière ligne droite les améliorations
ont été minces. Les mesures d’accompagnement se
sont transformées en plan social géré
paritairement par la commission du personnel ; le solde des heures
supplémentaires et fériées (mais pas des vacances)
sera payé avec le décompte final ; les personnes proches
de la retraite pourront racheter leurs dernières années
LPP avec leurs indemnités de départ et rester
affiliées à la caisse de retraite d’Edipresse (mais
l’âge des préretraites n’a pas
été abaissé). Les indemnités de
départ des cas limites (âge et ancienneté) seront
arrondies vers le haut en utilisant le fonds de soutien, qui pourra
aussi être sollicité pour le payement des cinq jours de
carence imposés par le chômage et pour augmenter
l’indemnité de formation de 5 000 francs…
mais effectivement, il n’y a pas eu d’avancées
décisives.

    Le personnel de l’imprimerie (CIE) de
Bussigny n’a approuvé que par 48 voix contre 40 le
résultat obtenu. On est loin de l’enthousiasme…

    Effectivement, 48 voix résignées se
sont opposées à 40 voix toujours en colère, mais
malheureusement sans une volonté claire de mener le combat plus
loin par des mesures de luttes réelles. La peur de perdre encore
plus a envahi légitimement l’esprit de la majorité,
et les arguments des autres (dont ceux du syndicat) n’ont pas
permis de la dominer.

Etait-il possible de recourir à des mesures de luttes plus dures, des débrayages, par exemple ?

J’ai en partie déjà répondu. Ajoutons que le
manque d’unité dès le départ, tant dans la
mobilisation que dans la consultation/négociation, n’a en
tout cas pas été un encouragement pour des actions plus
dures. La crainte de voir un secteur de l’entreprise ne
participant pas au mouvement le saboter (par exemple en envoyant les
fichiers prêts à l’impression dans un autre centre
d’impression) a pris le dessus.

N’aurait-il pas fallu prévoir un soutien plus
constant, une véritable mobilisation du reste du mouvement
syndical, de la gauche et de l’opinion publique en
général ?

Oui certainement, c’est un des éléments
négatifs du bilan ; nous aurions dû, dès le
départ, organiser un soutien plus large autour de
l’entreprise qui aurait pu donner plus de confiance aux
salarié·e·s d’Edipresse, leur garantissant
un soutien s’ils entamaient des actions plus dures.

Le rôle des rédactions semble paradoxal. Une partie de
journalistes se sont clairement mobilisés en solidarité
avec le reste du personnel. Mais leur syndicat, Impressum, qui a
négocié séparément, estime avoir obtenu un
meilleur résultat que Comedia. Ne s’agit-il que
d’une querelle d’appareils sur fond de
découragement ?

Tout d’abord, il faut rectifier cette info donnée par
Impressum : les rédactions n’ont pas obtenu de
meilleur résultat. Edipresse a imposé trois
consultations/négociations différentes pour y imposer le
même résultat final. Impressum et la
délégation de la coordination des rédactions
n’ont rien obtenu de plus, au contraire puisque leur
« plan social » (c’est ainsi
qu’il s’intitule en tout cas pour respecter formellement la
CCT Presse romande) ne prévoyait au départ aucun
contrôle paritaire de son application. Impressum a essayé
de négocier cela après le CIE. La seule différence
concerne l’utilisation du fonds de soutien (cas de rigueur) qui
peut être spécifiquement utilisé par les
licencié·e·s des rédactions pour
s’installer comme « free-lance »…

    La mobilisation dans les rédactions (surtout
au Matin et à la Tribune de Genève) est le
résultat du type de démocratie d’Impressum et de la
délégation de la coordination des rédactions qui
décide tout s’en en référer aux
assemblées des rédactions, ni même aux
comités des sociétés de rédactions :
il en a été ainsi pour le refus d’unité avec
les autres secteurs et Comedia, pour le refus d’appeler ensemble
à la première mobilisation, et pour l’acceptation
du résultat des négociations. Les assemblées des
rédactions ont juste été informées du
résultat accepté par leurs représentants…
Le malaise est maintenant très grand au sein des
rédactions vis-à-vis d’Impressum et de la
coordination des rédactions, dont deux membres ont
démissionné en cours de négociation.

    Les commissions du personnel de la technique et
Comedia n’ont rien accepté sans l’avis des
assemblées du personnel.

    Mais nous devons arrêter de nous lamenter sur
les divisions passées et leurs motifs, légitimes ou pas.
Il faudra jeter les bases pour qu’à l’avenir de
telles divisions ne soient plus possibles. Nous allons essayer
d’instaurer un réseau permanent de contact entre les
militants et les représentants légitimes des
rédactions et de la technique.