Gays et lesbiennes aux Etats-Unis: une révolution des droits civiques ?

Gays et lesbiennes aux Etats-Unis: une révolution des droits civiques ?

En Occident, la bataille pour les
droits des gays, lesbiennes, transsexuels et bisexuels est toujours
loin d’être gagnée, malgré de grandes
avancées. Cette lutte contre la discrimination doit
continuer…

Quarante ans exactement après Stonewall [solidaritéS,
nº 30, 2 juillet 2003], nous nous trouvons enfin au beau
milieu d’une révolution des droits civiques des gays.
Aujourd’hui, une grande majorité d’Américains
peut se vanter de connaître des gays, lesbiennes, transsexuels,
ou bisexuels. Le coming out, adopté dans les années 1970,
est une pratique si répandue que l’opinion publique
soutient désormais la fin des discriminations basées sur
l’orientation sexuelle y compris dans les bastions,
jusque-là imprenables, du mariage et du service militaire.

Tournant homophobe

Cette évolution progressiste de la conscience
états-unienne semble si puissante que, même durant la
présidence Bush, la Cour Suprême des Etats-Unis brisait la
dernière loi contre la sodomie, alors que le Sénat
rejetait un amendement visant à définir le mariage comme
une institution exclusivement hétérosexuelle. Ce
mouvement émancipateur semblait désormais
irréversible. Or, les votes de l’an passé ont
démenti cette illusion. Même après
l’élection de Barak Obama, premier président
afro-Américain de l’histoire des Etats-Unis, les
électeurs-trices de quatre Etats ont refusé
d’accepter les droits des gays et lesbiennes. En Arkansas, le
droit à l’adoption pour les couples de même sexe a
été refusé; en Floride et en Arizona, leur mariage
a été rejeté, alors que la Californie inscrivait
dans sa constitution une clause définissant le mariage comme
exclusivement hétérosexuel. En 2008, ce tournant
homophobe a clairement démontré que l’orientation
sexuelle demeure le dernier vrai bastion de la bigoterie de jure.

Le plus gay des Oscars

Cependant, cette défaite a amené gays, lesbiennes et
leurs alliés dans la rue, réactivant l’organisation
par en bas. En 2009, comme un fait exprès, le film de Gus Van
Sant, centré sur la figure d’Harvey Milk [militant pour
les droits civiques des homosexuels ; premier conseiller municipal
ouvertement gay de la ville de San Francisco, assassiné en
novembre 1978, NDT.] obtient l’Oscar du meilleur acteur masculin
(Sean Penn) et du meilleur scénario. Une consécration
pour un film mettant en scène un activiste hors pair de la cause
gay aux Etats-Unis. En 2009, en outre, la Cour suprême de
l’Iowa et les assemblées législatives du Vermont,
du New Hampshire et du Maine ont accepté le mariage des couples
de même sexe.

    Cependant, malgré une douzaine de tentatives,
ces forces n’ont, jusqu’à présent, jamais
obtenu de victoire dans les urnes pour légaliser le mariage des
couples de même sexe. […] Ce mois-ci, le Maine votera sur
le mariage des couples de même sexe et les
électeurs-trices de l’Etat de Washington pourront aussi se
prononcer sur le partenariat. Que la défaite ne soit pas
certaine est un maigre réconfort. Nous avons besoin d’un
clair rejet de la bigoterie, similaire au succès que Milk a
remporté contre l’initiative de [John] Briggs en 1978
[projet de loi visant à autoriser le licenciement des
enseignants ouvertement homosexuels, NDT]. Sans ce type de validation
populaire, la révolution des droits civiques des gays et
lesbiennes pourrait être hypothéquée.

Christopher Phelps
Historien de la gauche et des mouvements afro-américains aux
Etats-Unis. Extrait d’un article paru dans la revue
« ISR » (nov.-déc. 2009). Traduction,
titre et intertitres de solidaritéS.