Application du « droit » des étrangers: limiter l’immigration à tout prix

Application du « droit » des étrangers: limiter l’immigration à tout prix

L’Observatoire du droit
d’asile et des étrangers (ODAE) vient de publier son
deuxième rapport présentant une synthèse des
observations effectuées en Suisse romande entre septembre 2008
et septembre 2009.


Le constat est sans appel.

L’Observatoire a été créé en 2008,
par différentes associations de soutien aux
migrant·e·s, à la suite des mobilisations contre
l’introduction de la Loi sur les étrangers (Letr) et de la
Loi sur l’asile (Lasi) en septembre 2006.

    Il a pour mission de montrer les conséquences
de l’application de ces lois inhumaines et absurdes, strictement
appliquées par les autorités fédérales. Il
prépare régulièrement des fiches décrivant
des cas concrets et les diffuse auprès des parlementaires et des
médias. Ce présent rapport avec ses fiches est facilement
disponible sur  www.odae-romand.ch. Aldo Brina, le permanent de
l’Observatoire, effectue un travail remarquable, indispensable
pour dénoncer la politique de la Suisse envers les
immigré·e·s.

Des mesures durcies jusqu’à l’absurde

La rhétorique officielle de la chasse aux abus masque les
conséquences dramatiques des mesures de durcissement sur des
milliers de vies humaines. La question de savoir si ces personnes sont
persécutées ou non dans leur pays d’origine
n’existe plus. L’ODAE prend pour exemple
emblématique la modification du Code civil interdisant les
mariages entre une personne sans autorisation de séjour et
un·e citoyen·ne suisse. Cette initiative de l’UDC
Toni Brunner est entrée en vigueur en catimini au mois de juin
et ne pourra faire l’objet d’aucun
référendum. Elle sépare des couples et des
familles de façon tragique.

    Durant cette année, le droit d’asile
s’est encore durci et de nouvelles mesures seront
présentées en janvier… Les Accords de Dublin ont
lancé la Suisse dans la course européenne du pays qui
refoule le mieux ses requérants d’asile vers le pays
voisin. C’est ainsi que Fahad K., le traducteur irakien
héros du film « La Forteresse », a
été renvoyé en Suède, où il avait
déjà déposé une demande, malgré la
mobilisation de nombreux ami·e·s et
sympathisant·e·s. Dans ce pays, il risque plus encore
qu’en Suisse un renvoi vers l’Irak. (Voir le cas 050 sur le
site de l’ODAE.)

    L’appréciation de la vraisemblance des
demandes d’asile se fait toujours plus tatillonne et les
arguments refusant l’entrée en matière sont le plus
souvent empreints de mauvaise foi. L’exemple d’un
requérant syrien à qui la Confédération
refuse l’asile sous prétexte que le temps entre la
persécution et le départ en exil est trop long est
significatif de cette absurdité de jugement. Il faut bien un an
et demi pour financer et organiser une fuite périlleuse !
(cas 083.)

    Les autorités suisses fondent maintenant
leurs arguments sur des enquêtes d’ambassade dont les
conclusions se sont maintes fois révélées
fausses !
    Les observations le démontrent
clairement : des personnes qui fuient de graves
persécutions ne trouvent désormais plus en Europe de
terre d’asile, mais sont renvoyées de pays en pays, comme
des marchandises.

Le destin des débouté·e·s

Depuis le 1er janvier 2008, tous les demandeurs d’asile dont la
requête a été rejetée sont exclus de
l’aide sociale. Ceux qui la demandent (en fait, elles-ils ne sont
qu’un tiers à la demander !) n’ont droit
qu’à une aide d’urgence, réduite à
deux sandwichs et un toit précaire. On estime à plusieurs
milliers les personnes ainsi privées des droits sociaux,
sanitaires et économiques élémentaires. Et ce,
durant des années, tant le retour volontaire ou le renvoi
forcé s’avèrent improbables. Ce dispositif remet en
question l’application sur le sol helvétique du principe
universel de dignité humaine. Il a été
l’objet d’une grande étude « Avenir de
l’asile, destins de
débouté·e·s » dirigée
par Margarita Sanchez-Mazas, professeure à
l’Université et à la HES sociale de Genève,
que nous présenterons dans un prochain article.

Femmes et enfants victimes de la Letr

Concernant la Loi sur les étrangers, la situation n’a
guère évolué pour les dizaines de milliers de
travailleuses et travailleurs sans statut légal qui vivent en
Suisse romande, parfois depuis longtemps, qui travaillent,
s’intègrent et ont des enfants scolarisés. La
régularisation du séjour de ces personnes (permis B
humanitaire) se limite à des exceptions rarissimes. Les
critères d’octroi pourraient donner lieu à des
décisions positives, comme le proposent d’ailleurs
fréquemment les autorités cantonales de Genève ou
de Vaud, qui transmettent à Berne des préavis favorables.
Mais les autorités fédérales continuent
d’interpréter ces critères de manière
extrêmement restrictive et incohérente (note
thématique 005 du site ODEA.)

    En plus de ne pouvoir se marier, les personnes sans
statut légal ne peuvent faire venir leurs enfants en Suisse,
même dans des cas extrêmes. L’Observatoire cite aussi
le cas d’une enfant de 5 ans, élevée depuis sa
naissance par son oncle et sa tante qui veulent l’adopter. Sa
situation n’ayant pas été régularisée
à temps, la Suisse veut la renvoyer en Afrique ! (cas 073
sur le site ODAE.)

    Le permis de séjour des femmes
étrangères mariées à un Suisse (ou à
un conjoint résidant en Suisse) dépend de l’union
conjugale. S’il y a séparation, la règle veut que
le renouvellement du permis soit refusé. Ainsi, dénoncer
des violences conjugales et se séparer d’un mari violent
revient à s’exposer au risque de se voir expulsée.
Ces femmes sont doublement victimes : en tant
qu’épouse face à un mari violent, et en tant
qu’étrangère face une législation
restrictive.

Quand la population se réveillera-t-elle pour combattre l’inhumanité de ces lois ?

Maryelle Budry