L’armée du crime

L’armée du crime

Sortie en DVD du film de Robert Guédiguian, diffusé en 2009 dans les salles obscures.

Robert Guédiguian est un cinéaste engagé à
gauche (ex-militant du PC, désormais membre du Parti de Gauche).
Sa filmographie est, à l’instar d’un Ken Loach,
largement centrée autour de questions sociales et politiques.
« L’armée du crime » n’y
fait pas exception et nous plonge dans les réseaux parisiens de
la Main d’œuvre immigrée (MOI), liée au PCF,
qui s’engagea activement dans la résistance armée
dès l’entrée en guerre de l’URSS. Le
récit se centre en particulier sur le fameux groupe Manouchian
(du nom de son leader arménien intellectuel) qui lors de sa
capture en novembre 1943, inspira à la propagande nazie la
diffusion de la célèbre « Affiche
rouge ». Retraçant le parcours de quelques
partisans du groupe depuis le début de la guerre
jusqu’à leur exécution, Guédiguian met en
scène leurs doutes et leurs peurs, mais surtout leur courage et
leur audace face à un ennemi auquel ils donneront du fil
à retordre. Il dépeint ainsi, peut-être un peu
schématiquement, le passage d’actions isolées de
militants esseulés à la constitution d’une
véritable armée de l’ombre, organisée
clandestinement et à l’efficacité redoutable.

    Sur le plan historique,  format
cinématographique oblige, le récit n’est
d’ailleurs pas chronologiquement et historiquement exact, et
certaines questions politiques et idéologiques plus complexes,
notamment le lien à l’URSS ou l’internationalisme,
ne sont pas vraiment développées. La vie en
clandestinité est peut-être aussi présentée
de manière un peu romantique par rapport à ce
qu’elle a dû être sous l’occupation.

Acte de mémoire

Néanmoins, le film a le mérite de décrire le
rôle alors exemplaire, mais par la suite moins valorisé
par la mémoire officielle, d’une résistance
non-française, communiste et souvent juive.
A l’opposé, est souligné le rôle
important joué par la police française,
imprégnée de racisme et d’anticommunisme, dans la
répression d’une résistance qu’elle
haït, ainsi que sa collaboration fidèle avec
l’occupant qu’elle devance même souvent en
cruauté. Ainsi d’un officier allemand qui félicite
le policier français pour l’efficacité de ses
méthodes de torture, nous rappelant, s’il le fallait encore, que
ce conflit en France fut aussi une guerre civile.

    En conclusion, le film est prenant, et les acteurs,
pour la plupart peu connus, parviennent à incarner de
façon plausible, sans trop exagérer l’imagerie du
résistant-martyr, des hommes et des femmes qui combattirent le
fascisme sans relâche là où ils se trouvaient. Dans
le climat de xénophobie actuel de plus en plus analogue à
celui de l’époque, ce récit nous rappelle que les
immigrés peuvent, malgré un contexte extrêmement
défavorable et par la force de leurs convictions politiques,
demeurer acteurs de leur propre destinée et de celle de leur
pays d’accueil.

Ludovic Jaccard