Santé au travail: nanotechnologies, mégarisques

Santé au travail: nanotechnologies, mégarisques



En février 2009, Unia publiait
son programme contre la crise, intitulé « La crise.
Ses mécanismes. Nos réponses ». Ce syndicat
y considérait les nanotechnologies comme une chance et un signe
de la reconversion écologique de l’industrie et souhaitait
le développement des « nanotechnologies
vertes ». Un point de vue totalement opposé
à celui de la centrale syndicale danoise, LO, qui craint la
répétition d’un scénario de type amiante.

La position pour le moins optimiste du syndicat helvétique est
d’autant plus surprenante que même la très
modérée Confédération européenne des
syndicats (CES) s’était inquiétée et avait
publié en juin 2008 une résolution sur les
nanotechnologies et les nanomatériaux. Après avoir
évoqué leur potentiel de développement et
constaté que des centaines de produits de grande consommation
contenant des « nanos » étaient
déjà sur le marché (voir encart), elle soulignait
« on ne sait toujours pas si les protocoles de
sécurité utilisés sont adéquats ou si les
mesures de protection appliquées sont valables ».
[…] « Or des preuves scientifiques de plus en plus
nombreuses indiquent que certains nanomatériaux
manufacturés présentent des dangers nouveaux et
inhabituels. Comme les particules de petite taille ont, pour une masse
donnée, une plus grande surface (ré)active que les
particules plus grosses, leur toxicité peut être plus
marquée. »

    La position de LO Danemark est directement
inspirée du rapport publié en 2007 par le Centre de
recherche danois sur l’environnement du travail (NFA). Constatant
que « l’ignorance est tellement grande dans ce
domaine qu’il n’existe même pas une méthode
scientifique commune pour évaluer la dangerosité des
produits », son directeur de recherche, Melchior Poulsen a
déclaré dans l’hebdomadaire de la centrale
syndicale « On peut, sur la base de fondements
scientifiques, tracer un parallèle entre l’expansion des
nanoproduits et le scandale de l’amiante »
(Ugebrevet A4, 28.4.2010). Une analogie que stimule le comportement des
nanotubes de carbone dans les voies respiratoires :
« Aux niveau inflammatoire et réaction fibrotique
du poumon, nous avons découvert des effets qui sont très
similaires à ceux causés par
l’amiante » explique le toxicologue belge Dominique
Lison (voir encart).

    Plus encore : BASF, le numéro un
mondial de la chimie, dans une étude publiée en juillet
2009, communiquait les résultats d’une expérience
dans laquelle des rats avaient inhalé pendant 90 jours des
concentrations variables (de 0,1 à 25 milligrammes par m3) de
nanotubes de carbone multi-parois : les animaux
présentaient une inflammation du poumon au niveau de
concentration le plus bas déjà (0,1 mg/m3), ce qui rend
impossible la définition d’une concentration sans effet
observé. L’inflammation a aussi touché les
cavités nasales, le larynx et la trachée.

    La
« nanorévolution » n’a pas comme
seule facette la question de la sécurité au travail et de
la protection des consommateurs et consommatrices. La
possibilité de nano-implants dans le corps humain (y compris
pour « l’améliorer » et en
bricoler l’ADN) en est une autre. Comme aussi celle
d’implanter des nano-puces à des fins de surveillance
policière et de domination. Sans parler des questions
écologiques. On comprendra donc qu’en guise de conclusion
à son épais dossier sur les nanotechnologies, la
rédaction du magazine de l’Institut syndical
européen en santé et sécurité au travail,
HeSaMag no 1, en appelle à un large débat public
de fond. C’est un minimum… syndical. 


Daniel Süri