Portugal: une grève générale sans précédent
Portugal: une grève générale sans précédent
Le 24 novembre a eu lieu une
grève générale massive au Portugal contre le
budget daustérité du gouvernement socialiste
soutenu par la droite. Retour sur cette importante mobilisation et les
causes de la colère de la population.
Sur toutes les places des villes : pancartes, affiches,
banderoles ont appelé à la grève pour la plus
grande journée de mobilisation depuis la Révolution des
illets en 1973. Ce sont plus de 3 millions de
salarié·e·s (sur 10,7 millions
dhabitant·e·s et 3, 7 millions de
salarié·e·s !) qui ont paralysé le
pays affectant les transports, la poste, les médias, les ports,
les aéroports, les hôpitaux, le secteur pétrolier,
les écoles, les universités, les banques, les tribunaux.
Tous les secteurs dactivités publiques et privés
ont répondu présents. La grève a été
lancée par la CGTP (proche du Parti communiste) et lUGT
(proche du Parti socialiste), les deux grandes centrales syndicales du
pays, qui navaient plus organisé une action ensemble
depuis 1988. Une organisation encore plus extraordinaire étant
donné la pression qui a été exercée sur les
salarié·e·s pour les empêcher de
débrayer : menaces de licenciements, de pertes de
rémunérations ou encore, dans plusieurs cas, recours
à des interventions policières. La colère est
très grande contre les mesures daustérité,
mais elle est aussi liée aux manuvres parlementaires du
PS qui nhésite pas à sallier à la
droite pour les faire passer. Une droite qui sen réjouit
et prévoit avec ce plan tout bonnement la destruction de
lEtat social au Portugal. Après le succès de la
grève, les syndicats, le Parti communiste portugais (PCP) et le
Bloc de gauche ont appelé à poursuivre la mobilisation
sur tous les fronts.
Un plan daustérité voté deux jours plus tard
Pour Fernanda Mateus, dirigeante du PCP :
« Lampleur de la mobilisation est un signe
despoir. Même si le budget daustérité
est voté aujourdhui au Parlement. » De fait,
ce mouvement historique na pas empêché le
Parlement de voter deux jours plus tard le budget
daustérité. Un plan de rigueur sans
précédent (lui aussi !) qui vise à ramener
un déficit de 7,3 % du PIB cette année à
4,3 % fin 2011. Avec un programme qui affecte les
salarié-e-s et la population et non pas les classes dirigeantes.
Le budget prévoit des économies de 5 milliards
deuros en réduisant 5 % de la masse salariale du
secteur public et une hausse de deux points de la TVA de 21 %
à 23 %, le gel des pensions et le plafonnement des
prestations sociales. Des mesures qui affectent de manière
brutale une population déjà fortement appauvrie. Le taux
de chômage au Portugal est de 10,9 % et ne cesse
daugmenter, le salaire minimum est quant à lui de 475
euros et concerne plus de 10 % de la population. Le seuil de
pauvreté au Portugal est situé à 422 euros. En
fait, toutes celles et tous ceux qui touchent le salaire minimum au
Portugal sont déjà sous le seuil de pauvreté,
déduction faite des assurances sociales obligatoires. En quatre
ans, leur nombre a doublé. Cest donc aujourdhui et
au bas mot plus de 20 % de la population au
Portugal qui vit en dessous du seuil de pauvreté (chômeurs
+ working poors). Le chômage touche surtout les jeunes
(23,4 %); plus de la moitié des travailleuses et
travailleurs entre 15 et 24 ans ont des emplois temporaires
précaires et mal payés. Les propositions de
lextrême gauche dimposer notamment les profits des
grands groupes financiers et économiques (qui ont
augmenté de 14 % cette année sans quaucune
taxe ne leur soit appliquée) sont restées lettre morte.
Le gouvernement socialiste dit vouloir, avec ce plan, éviter de
faire appel à une aide extérieure comme la Grèce
et lIrlande même si les marchés financiers ne
semblent guère rassurés par le cur quil met
à louvrage. Pour le PCP et le Bloc de gauche, ce plan
daustérité est une invitation au FMI, qui attend
avec impatience la banqueroute du Portugal.
LEurope en lutte
Le Portugal, mais aussi la France, la Belgique, lAllemagne,
lItalie, la Grèce, Chypre, la Roumanie, la
Tchécoslovaquie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la
Finlande, le Royaume-Uni et lIrlande : dans tous ces
pays, le dernier trimestre a été le théâtre
de formes diverses de luttes de salarié·e·s
avec des grèves et des manifestations.
Partout en Europe, des millions de personnes, dont beaucoup de jeunes,
protestent contre la détérioration de leurs conditions de
vie et de travail. Une population soumise à des plans
daustérité particulièrement violents. Une
population à qui les dirigeants font injustement et durement
payer la crise du système capitaliste. Si ces mobilisations ne
rencontrent que peu déchos dans les médias et
encore moins auprès des gouvernements, elles posent la bonne
question, celle dune vraie alternative politique et
économique.
Isabelle Paccaud
Sites à consulter : http://www.esquerda.net/; http://www.avante.pt/