Vote genevois sur l’accueil parascolaire: pourquoi il aurait fallu dire OUI
Vote genevois sur laccueil parascolaire: pourquoi il aurait fallu dire OUI
Nous publions une contribution
critiquant la position de solidaritéS à Genève sur
le vote du contre-projet à linitiative cantonale radicale
sur l« accueil continu » des
élèves de la scolarité obligatoire. Notre
mouvement appelait en effet à voter NON à cet article
constitutionnel, sans illusions sur le fait de lui barrer la route
nous navons dailleurs pas engagé de vraie
campagne dans ce sens mais parce que, derrière la
quasi-unanimité des partis pour le OUI, il nous semblait y avoir
des enjeux de société méritant débat et
justifiant une prise de position contre le courant. Le débat se
poursuit donc… Nous nous en félicitons.
SolidaritéS a dit NON à larticle constitutionnel
garantissant un accueil à journée continue pour les
élèves. Cette position et les arguments avancés
par Olivier Baud (solidaritéS N° 177 du 5.11.10 quon
retrouve sur www.solidarites.ch) me semblent contraires aux principes
prônés par un mouvement qui se dit socialiste et
féministe. Lauteur présente plusieurs raisons
selon lesquelles larticle constitutionnel soumis à
votation serait inutile et détournerait lattention de
projets prioritaires en matière de politique familiale. Soit. Il
vient tout de même dêtre approuvé par
81 % des votant·e·s. Olivier Baud évoque
cependant des arguments qui posent le débat de fond, auxquels je
souhaite répondre.
La « flexibilisation » du travail est déjà une réalité !
Selon larticle de solidaritéS, laccueil
extrascolaire profite dabord à léconomie,
car grâce au projet « les familles nont
censément plus de soucis de garde
denfants », ce qui favoriserait la flexibilisation
de la main duvre.
Cette argumentation est inexacte. La flexibilisation
est déjà une réalité,
léconomie nattend pas que les mères (les
pères étant assez transparents lorsquil
sagit dorganiser la garde des enfants) aient
résolu le problème de la prise en charge de leurs
enfants. Faut-il en outre rappeler que certains parents travaillent le
samedi ou le dimanche, le soir ou la nuit, et nont que quatre
semaines de vacances ? Leur souci de garde nest de loin
pas résolu. Et si lenfant est malade
Et si la
mère lélève seule
Largument est partiel, car laccueil
extrascolaire ne se limite pas à la
« garde », mais constitue un lieu de
socialisation et favorise légalité des chances
parce quil évite à de nombreux enfants de passer
la journée devant la télévision, leur offre
diverses activités et les aide à faire leurs devoirs.
Dommage que la prise de position de solidaritéS nait pas
abordé la question des conditions, aujourdhui connues,
qui permettent un accueil de qualité et qui touchent à la
formation et au salaire du personnel, aux locaux ou encore au taux
dencadrement. Cette qualité peut et doit être
améliorée.
Une vieille revendication féministe
Largument est partial, car il oublie que laccueil
à la journée est une vieille revendication du mouvement
féministe, un pas vers plus dégalité entre
hommes et femmes. La prise en charge publique de la petite enfance et
de lenfance dans la votation qui nous occupe est une
nécessité pour lémancipation des femmes,
car elle nous permet laccès à lemploi et
donc à lindépendance financière. Certes,
les femmes qui travaillent peuvent être, et sont,
exploitées, mais cela tient vraisemblablement davantage au
système capitaliste quau système de prise en
charge des enfants.
Cela soulève une autre dimension que larticle
dOlivier Baud ne développe pas : la question de
savoir qui est responsable des enfants. La prise en charge des enfants
est-elle une tâche publique ou privée ? Les parents
majoritairement les femmes, les mères doivent
pouvoir compter sur la solidarité sociale pour être
soutenus dans leurs tâches éducatives.
Vers une nouvelle idéologie familialiste ?
Une telle conception constitue, me semblait-il, une revendication
acquise de la gauche et concerne tout autant les personnes
âgées, malades, handicapées, en difficulté.
A moins quune nouvelle idéologie familialiste
napparaisse ? A lire cette prise de position, on peut le
craindre lorsque son auteur évoque de la
« maltraitance » dans le cas du
« placement » dun petit enfant
« hors du cadre familial » durant une
journée entière. Derrière cet argument se cachent
une idéalisation de la famille, qui serait toujours bonne, et
une diabolisation des structures collectives qui seraient incapables de
répondre aux besoins des enfants. A moins que
largumentation vise sans le dire tout à fait autre chose,
à savoir la réorganisation de la semaine scolaire et ses
incidences sur les enseignant·e·s ?
Véréna Keller
Intertitres de la rédaction