Le corps du métier

Le corps du métier



Dans ce documentaire, Alexandre Morel
et Gwennaël Bolomey reviennent sur la construction d’une
maison en paille et en terre aux abords de Lausanne, montrant ce que
cette aventure a à la fois de collective et de limitée.

En suivant la construction de cet édifice sur le temps long et
en l’agrémentant d’interviews de
personnalités liés à la thématique de la
construction en paille Le corps du métier a deux grands
mérites. Tout d’abord, à l’opposé
d’une vision qui fait de l’architecte le seul
créateur, Alexandre Morel et Gwennaël Bolomey donnent
à voir la construction comme une expérience collective,
embrassant les différents acteurs impliqués. Parmi eux,
il y a les propriétaires, les ouvriers et bien sûr les
architectes. Mais ces dernier·e·s sont réunis au
sein de la CArPE, pour Collectif d’Architecture Participative et
Ecologique. Rassemblés par une écoute des
problèmes d’environnement, qu’il s’agisse de
la consommation d’énergie ou des matériaux
employés, ces architectes tentent de faire de la construction de
tel type de bâtiment non seulement un plaidoyer pour une
changement dans la façon de concevoir l’habitat, mais
aussi un moment pédagogique, où les gens peuvent venir se
renseigner et participer à la construction de la maison.
    L’autre mérite de Le corps du
métier est de ne pas se borner à faire les louanges de ce
mode architectural. Après avoir fait entendre la
faisabilité et les avantages d’une construction en paille
et en terre, le documentaire a l’intelligence de montrer
certaines de ses limites. Les ouvriers regardent cette pratique de
manière sceptique tandis que des conséquences
économiques négatives pourraient advenir pour les
agriculteurs·trices. Surtout à travers le discours de
membres de la CArPE, on ressent à quel point cette
expérience est critiquable. Elle ne change rien au
problème de fond, restant une réponse individuelle. Elle
n’est qu’un symbole qui devrait viser à remettre en
cause la politique de la ville. Et là où le bât
blesse, c’est qu’au-delà des matériaux verts
et de la baisse de la consommation énergique, cette maison ne
remet en rien en cause les logiques principales de l’habitat
dominant. Au contraire, elle accepte la forme de la villa, alors que
seules des propriétés collectives permettraient de faire
baisser la consommation de manière importante. Le film se
termine ainsi sur une scène familiale, où le bonheur
apparaît bien, mais un bonheur bourgeois où toute
aspiration contestataire a disparu. 

« Le corps du métier » d’Alexandre Morel et Gwennaël Bolomey,
dès le 15 juin au Zinéma (Lausanne) et en
avant-première au City Club de Pully le 10 juin à
20 h.


Pierre Raboud