LEO: vers une école plus égalitaire ?
LEO: vers une école plus égalitaire ?
La nouvelle Loi sur
lenseignement obligatoire (LEO) est encore loin de promouvoir
véritablement légalité des chances pour
toutes et tous. En effet, à force de compromis avec les
fractions les plus conservatrices du Grand Conseil, le projet initial a
été grandement dénaturé.
Le résultat nest franchement pas révolutionnaire,
mais la LEO a au moins le mérite de faire quelques propositions
intéressantes. Le 4 septembre, les électeurs et
électrices vaudois devront se prononcer sur linitiative
« Ecole 2010 : sauver
lécole », portée par les milieux
conservateurs, ainsi que sur le contre-projet promu par le Conseil
dEtat, qui a pris la forme de la Loi sur lenseignement
obligatoire (LEO). La loi actuelle date de 1984 et a donc grand besoin
dêtre réactualisée. Linitiative
« Ecole 2010 » ne fait que reprendre cette
ancienne loi et renforcer ses aspects les plus élitistes. La LEO
est quant à elle un projet plus ambitieux qui veut promouvoir
une école plus égalitaire et moins discriminante. Cet
objectif nest toutefois que partiellement atteint.
Ségrégation spatiale et discrimination scolaire
Linitiative « Ecole 2010 » ne
propose pas véritablement de changement face au système
actuel. Les trois filières au secondaire, garantes des
prétendues « bonnes performances » de
nos petits chérubins, devraient à tout prix être
maintenues et renforcées selon la droite et les milieux
conservateurs. Pourtant, malgré ces trois filières (VSO,
VSG, VSB), les écolier.e.s vaudois ne sont pas les meilleurs, ni
au niveau suisse, ni au niveau européen. Le système des
filières na pas fait ses preuves. Bon nombre de pays
européens, dont la Finlande, championne toutes catégories
des enquêtes PISA, lont abandonné au profit
dun tronc commun. De plus, la répartition dans les
filières nest pas une science exacte. En effet, on peut
observer que certains élèves de VSO obtiennent les
mêmes résultats que des élèves de VSG, voire
de VSB aux épreuves cantonales de référence. La
sélection a donc un fort potentiel discriminatoire. Certaines
familles, issues notamment de limmigration, ne sont pas en
mesure de sopposer au choix de la filière
attribuée à leur enfant. Les initiant.e.s
d« Ecole 2010 », se servant de
prétextes, veulent pourtant renforcer les trois filières
actuelles, allant jusquà la ségrégation
spatiale (regroupement des filières
« inférieures » dans certains
collèges de quartiers populaires), afin que les
élèves des filières les plus faibles continuent
à fournir une main-duvre exploitable à
loisir.
Le tronc commun rejeté
Malgré les avantages dun tronc commun, les
autorités nont pas réussi à sauter le pas.
La LEO propose donc deux filières : la voie
prégymnasiale et la voie générale (VG). La voie
prégymnasiale correspond en tous points à la VSB
actuelle, afin de ne pas froisser les partisan.e.s dune
école élitiste. La voie générale
réunit les élèves des anciennes VSG et VSO et
fonctionne avec des niveaux (1 et 2) dans les branches du
français, des mathématiques et de lallemand. Un
élève peut donc suivre un enseignement de niveau 2
en français, mais de niveau 1 en mathématique. En
effet, il est rare quun élève soit mauvais dans
toutes les branches. Autre amélioration : la LEO facilite
aussi la perméabilité entre les filières.
Deux filières à la place de trois,
nous voilà (presque) satisfaits. Mais à y regarder de
plus près, cette voie générale apparaît
truffée dexceptions et de sous-catégories.
Lenseignement consolidé, par exemple, pour les
élèves qui nont pas un bon niveau, ni en
français, ni en maths, ni en allemand et qui peut être
dispensé dans des « entités
constituées » est tout aussi stigmatisant que
lactuelle VSO. Sans en porter le nom, lenseignement
consolidé fait office de troisième filière pour
les élèves scolairement plus faibles. La LEO peine donc
à rompre avec la logique élitiste de lécole
vaudoise actuelle. Le retour des notes dès la 5e année
HarmoS (actuelle 3e année) et le maintien du redoublement,
mesures pourtant peu efficaces, continuent également à
stigmatiser et à hiérarchiser les élèves.
La Loi sur lenseignement obligatoire est loin
dêtre parfaite. A chaque compromis, la LEO a perdu un peu
plus de sa substance. Elle nest pas la réforme
espérée, mais apporte tout de même certaines
corrections. Le système des filières est partiellement
remis en cause, sa rigidité est atténuée et le
passage dune voie à une autre est facilité. La LEO
prévoit également une augmentation du nombre
dheures de cours, ce qui démontre une véritable
volonté daméliorer la formation des
élèves. La LEO améliore aussi les conditions de
travail des enseignant.e.s du primaire. Malgré ses
défauts, elle est une réponse défendable à
linitiative « Ecole 2010 » et
à la législation en vigueur.
Nora Köhler