Etats-Unis

Etats-Unis : Occupy: le défi politique

Malgré la répression et le frima, le mouvement Occupy dure aujourd’hui depuis plus de six mois et développe de nouveaux projets sur le plan national et local. Des milliers de personnes à travers le pays continuent à marcher et à manifester contre les entreprises et les politiques gouvernementales.

Cri utopique, au début, contre la cupidité et la corruption, Occupy s’est petit à petit impliqué dans des batailles pour la liberté d’expression et les droits des travailleurs-euses (éducation et logement). Ses rangs regorgent de militant-e-s de la gauche radicale. Mais si Occupy lutte incontestablement contre les entreprises, il n’est certainement pas anticapitaliste, et encore moins socialiste ou anarchiste. À la veille des élections, il s’agit de savoir comment ce mouvement diffus, ancré localement et assez diversifié, va pouvoir faire face à l’attraction gravitationnelle du Parti démocrate, à sa profusion d’argent, à ses médias puissants, et à sa machine électorale faite d’un personnel rémunéré et d’une armée de bénévoles. Quelles stratégies peuvent trouver les 99 % pour répondre à la fois aux maux du pays et aux compagnies qui financent les campagnes des républicains et des démocrates ?

 

Un mouvement inégal

La caractéristique principale du mouvement Occupy est son déséquilibre. Il est très large à New York, San Francisco, Oakland Bay, Portland, Oregon et Los Angeles, moyen à Atlanta, Boston et Chicago, et petit dans des douzaines d’autres villes, communes et campus à travers le pays. Dans certains endroits, la police a balayé les occupant·e·s depuis plusieurs semaines, alors qu’ailleurs les autorités les tolèrent, espérant que les conditions climatiques et l’indifférence les tuent. Malgré la répression, le mouvement a survécu dans certains lieux en se déplaçant vers des zones privées pour mener ses activités.

Dans certaines villes, principalement à New York et Oakland, Occupy s’est impliqué dans des luttes ouvrières. Sur la Côte Ouest, le mouvement a réussi à faire fermer le port d’Oakland et d’autres ports de la Côte Est et le mouvement se mobilise aujourd’hui pour une confrontation majeure à Longview entre le syndicat des métiers de la mer et un employeur anti-syndical. Il existe une interaction très dynamique et parfois difficile entre certains syndicats de la Côte Ouest – celui des métiers de la mer et celui des enseignant·e·s en particulier – et le mouvement Occupy.

L’éducation a été une autre grande question. En Californie et dans l’État de New York, Occupy a été actif sur les campus contre la hausse des coûts de formation et d’éducation. Sur les côtes, un nouveau mouvement étudiant se développe. Beaucoup d’organisations locales de Occupy, fréquemment appelées Occupy the Hood et travaillant avec les communautés afro-américaines, parfois localement, se sont organisées contre les expulsions et les saisies. Des protestations ont forcé les banques à faire marche arrière dans de nombreux cas.

 

Les actions nationales : lutter contre le blanchiment des entreprises

Mi-janvier, relançant le mouvement après les vacances, des centaines d’occupant·e·s à travers le pays se sont rendus à Washington DC, pour saluer le retour des législateurs par une manifestation contre le rôle de l’argent en politique. Certains portaient des pancartes « Congrès à vendre », « Banquiers d’Amérique », « Regardez la vérité en face, les démocrates nous ont vendus ». A travers le pays, les occupant-e-s continuent à interrompre et à défier les politicien-nes, les fonctionnaires du gouvernement et les porte-paroles des entreprises.

Depuis sa création en septembre dernier, Occupy s’est concentré sur le rôle des entreprises dans le processus électoral. En janvier, pas moins de 20 actions ont été menées, sous le slogan «Occupy the Courts» (Occuper les tribunaux), dans plus de 80 palais de justice à travers le pays visant à protester contre la décision de la cour suprême de janvier 2010 (Citizens United v FEC), qui permet la participation financière des entreprises aux campagnes électorales.

Le mouvement Occupy n’est pas le seul à s’être engagé dans ces actions; on y trouve aussi MovetoAmend, qui veut modifier la Constitution pour mettre fin à la personnalité morale d’entreprise, et le Coffee Party, la réponse libérale au Tea Party, ainsi que d’autres organisations locales. Dans le cadre de la constitution US, les entreprises sont des personnes bénéficiant du droit de parole, une parole qui peut s’exprimer par des contributions financières ou des comités d’action politique

 

Où allons-nous ? 

Pratiquement, tout ce que le mouvement Occupy a fait ces deux derniers mois est positif, à commencer par sa résistance à la répression et aux températures glaciales. Occupy lutte contre les coupes à la formation et les expulsions ; il est passé d’un mouvement utopique  pour un changement social radical à des luttes sociales réelles, soulevant toutes sortes de question de stratégie et de programme. Plus important encore, son interaction dynamique avec les syndicats, principalement en Californie, Oregon et Washington mais aussi à New York, peut avoir un impact vraiment positif sur les militant·e·s de base conduisant à un niveau supérieur de conscience et de lutte des classes.

Alors que pratiquement chaque groupe socialiste aux USA est impliqué dans Occupy, la gauche n’a étonnamment pas été un facteur de mobilisation. Nous, socialistes, avons été emportés par le mouvement, plutôt que de lui fournir une orientation stratégique. Comme la crise et les exigences d’austérité continuent, nous devons trouver une façon de construire une alliance de la gauche, des syndicats et des mouvements sociaux qui puissent réagir de façon stratégique et programmatique. Sans une idée meilleure de sa propre politique – pas nécessairement électorale ou partisane, mais radicale – il y a le risque que Occupy puisse être aspiré par le Parti démocrate et la campagne d’Obama. 

 

Dan La Botz