Avortement

Avortement : Retour à la case départ!

 Il a fallu tout ce long chemin pour aboutir à la libéralisation de l’avortement, en 2002 en Suisse, votée par 72 % des citoyen·ne·s, et voilà que ce droit est à nouveau remis en cause ! Il est temps de rejoindre le groupe « Avortement libre et gratuit ».

Le 26 janvier 2010, un groupe de parlementaires a lancé une initiative « Financer l’avortement est une affaire privée ». Elle demande que «sous réserve de rares exceptions, l’interruption de grossesse et la réduction embryonnaire ne soient pas couvertes par l’assurance obligatoire», que ces coûts soient donc radiés de l’assurance-maladie de base. L’initiative a été déposée le 4 juillet 2011 avec 109 600 signatures valables.

     Cette proposition a été engendrée par l’association « Mamma » (jadis « Pour la mère et l’enfant » /ASME, Aide suisse pour la mère et l’enfant), qui a lancé, en 1998, l’initiative pour l’interdiction totale de l’avortement et mené, en 2002, la campagne contre le régime du délai. Cette initiative est donc issue des milieux les plus réactionnaires en matière d’avortement.

 

Un argumentaire insidieux

Cette initiative veut nous faire croire qu’il s’agit d’une question de coûts. En fait, elle vise l’interdiction d’avorter. Et comme toujours, elle utilise des arguments fallacieux. En effet, le remboursement n’a pas été introduit avec le régime du délai de 2002, puisque la prise en charge obligatoire date de 1981. Elle fut introduite pour unifier les prestations des caisses et mettre fin à des pratiques usuraires. L’acceptation de l’initiative reviendrait à une résiliation de contrat avec les assurances et une fin de la réglementation des prix. Le retour de prix excessifs en serait probablement la conséquence.

     En ce qui concerne les coûts, ensuite, les IVG représentent environ un pour mille des frais de la santé. Un avortement revient à un millier de francs. Une grossesse entre 2500 et 10 000 fr. Et si l’enfant n’est pas désiré, il faut compter avec des complications diverses pour la mère et l’enfant, d’ordre psychologique notamment. Si l’avortement n’était plus remboursé, ce sont les femmes les plus démunies qui seraient les premières victimes. On assisterait au retour des interventions clandestines sans hygiène, voire des aiguilles à tricoter, des images qu’on pensait définitivement remisées au musée des horreurs et qui coûteraient la vie d’un grand nombre de femmes

     Enfin, on parle d’exceptions. Les promoteurs de l’initiative mentionnent uniquement le viol et le danger de mort pour la femme enceinte. Cette vision est encore plus restrictive que ce qui existait avant le régime du délai. Le texte ne dit rien sur la rupture d’un préservatif, les malformations du fœtus, les mineures, la santé de la mère. Rappelons la définition de l’OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

     Obliger une femme qui ne le désire pas à mener à terme une grossesse représente une des pires violences qu’on peut exercer sur elle.

     Les milieux réactionnaires prétendent que la légalisation de l’avortement en augmente le nombre. C’est le contraire qui se passe. Lorsque la légalisation est accompagnée de mesures de prévention, les IVG diminuent. En Suisse, on dénombre aujourd’hui 10 000 interruptions de grossesse, soit un taux de 6,8 pour 1’000 femmes en âge de procréer, c’est le plus bas d’Europe.

     En fait, ces milieux ne visent qu’un seul but, depuis des années : l’interdiction totale de l’avortement, quel qu’en soit le prix, pourvu que les femmes ne puissent pas disposer librement de leur corps, au nom de doctrines d’un autre âge. Ce serait un désastreux retour en arrière.

 

A l’offensive pour la solidarité entre assuré·e·s

Refuser le remboursement de l’avortement, parce que certain.e.s extrémistes le considèrent contraire à leur « morale », c’est refuser la solidarité entre assuré.e.s. En poussant jusqu’à l’absurde, on pourrait refuser les coûts provoqués par la fumée, l’alcool, l’obésité, etc. Cela dresserait les fumeurs contre les non-fumeurs, les abstinent.e.s contre les buveurs d’alcool, les sveltes contre les obèses, les sportifs contre les sédentaires, les jeunes contre les aîné·e·s, et j’en passe. Cette vision est égoïste, pernicieuse, liberticide, fascisante, contre-productive et complètement déconnectée de la réalité.

     Aux USA, où les anti-avortement ont déjà obtenu ce à quoi vise l’initiative, les femmes des milieux démunis doivent encore réduire les maigres moyens dont elles disposent pour subvenir aux besoins de leurs familles, faire des dettes ou mettre en gage l’équipement du ménage pour payer l’avortement. D’autres ont recours au vol ou à la prostitution pour se procurer l’argent. Des études américaines ont montré que la maltraitance d’enfants et le nombre de suicides ont augmenté après la fin du financement public de l’avortement par l’assurance pour les pauvres (Medicaid).

     L’aboutissement de cette initiative a tellement exaspéré les féministes qu’elles ont créé un groupe « Avortement libre et gratuit » (ALG) pour informer les citoyen·ne·s. Le comité est composé pour moitié de jeunes femmes, ce qui ravit les « vieilles dames indignes ». Il va créer un site, qui sera ouvert le 8 mars prochain (www.comite-alg.org) et organiser différentes manifestations. La première aura lieu le 8 mars 2012 dans la zone piétonne du Mont-Blanc dès 17 h 00. Nous tiendrons un stand, distribuerons des papillons, ferons un jeu avec les passant·e·s, scanderons une chanson, danserons… Rejoignez-nous habillée de rouge si possible.

 

Huguette Junod