Niger, semaine nationale contre la dette

Niger, semaine nationale contre la dette

«On en a marre, l’Afrique en a marre, marre, marre…» Ce refrain d’une chanson phare d’un groupe reggae ivoirien1 passe comme un leitmotiv sur les radios, dans les rues et mêmes dans les aéroports de certains pays francophones d’Afrique de l’Ouest.


A l’instar du peuple palestinien, les Africains et Africaines subissent depuis trop longtemps les effets de l’impérialisme. A l’instar de tous les peuples du Tiers-Monde, de cette périphérie, leurs vies sont continuellement conditionnées et soumises aux conséquences dramatiques des échanges économiques inégaux, aux dictats d’un commerce international qui ne profite qu’à quelques-uns. Il n’est pas nécessaire d’être un ou une politologue averti-e pour immédiatement saisir l’ampleur des dégâts humains, écologiques, économiques et politiques qu’endure l’Afrique depuis la colonisation (pour ne remonter qu’à des temps modernes). Il suffit juste de poser ses pieds au Mali, au Burkina-Faso ou au Niger.


Au Niger, les étudiants n’ont plus eu de diplômes depuis six années consécutives, et ce à cause de fermetures de l’université suite aux grèves d’étudiants-es réclamant plus de moyens, Ces derniers mois, l’armée a investi le campus de Niamey, tout comme ce fut le cas à Ouagadougou au Burkina-Faso. Résultat, en cette fin d’année académique les étudiantEs n’avaient plus d’endroits où loger, de place bon marché où manger et erraient littéralement dans les rues de la capitale.

Une société civile en éveil

La situation et l’avenir de nombre des ces pays africains laissent songeur-se. Cependant, ces quelques exemples ne peuvent pas dresser un tableau pessimiste. Une solide société civile est en train de se construire dans ces pays. Elle est dynamisée par des syndicalistes issuEs des quelques centrales encore autonomes, mais aussi différents membres émanent d’associations civiles et sociales. Identifiant les causes du sous développement, un réseau national contre la dette et pour le développement (RNDD) s’est créé au Niger, il y a à peine un an. Il s’est montré très actif et a organisé une fructueuse semaine nationale contre la dette, fin décembre 2002, à laquelle une délégation internationale du Comité pour l’annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) a participé. Elle a été sanctionnée par une remise mémorable de 4000 pétitions citoyennes2 demandant l’annulation inconditionnelle de la dette au siège de la Banque Mondiale.


Ce réseau veut lutter contre la soit disante fatalité du sous-développement ou mal développement. Les responsables de la situation africaine sont clairement identifiés: une classe politique corrompue et détournant les biens et richesses nationaux, mais aussi les effets de la dette extérieure contractée par leurs pays et l’application des premiers plans d’ajustements structurels consécutifs. La société civile critique aussi les nouvelles initiatives de réduction de la pauvreté (dite initiative PPTE) avec ses Documents de Réduction Stratégique de la Pauvreté (DRSP) mis en place par les institutions financières internationales devant l’échec flagrant des PAS dans la réduction de la pauvreté et dans le paiement de la dette. Cette initiative est destinée à garantir la pérennité des remboursements de la dette publique des pays pauvres sous couvert de préoccupations sociales. Cela permet encore mieux à la Banque Mondiale, pour ne citer qu’elle, à s’ingérer dans les affaires politiques des pays pauvres.

Un contrôle citoyen

Le RNDD s’est aussi chargé d’une mission essentielle de conscientisation des citoyens-nes et des organisations politiques. Le même processus est en bonne voie au Nord, la différence est que le Nord a beaucoup plus de moyens pour se mobiliser. Cependant, le matériel est une chose et la volonté une autre. L’activisme de la société civile nigérienne en est un bon exemple et la référence à Thomas Sankara est sur toutes les lèvres.


Le RNDD, à travers son coordinateur national I. Yacouba, exprime clairement son ambition de créer un rapport de force avec l’Etat, dans le but de renverser les perspectives en matière de financement du développement. L’argent dégagé ne doit plus aller au remboursement des intérêts d’une dette qui a été déjà payée sept fois, mais à la satisfaction des besoins élémentaires du peuple nigérien et africain. L’annulation de la dette est selon I. Yacouba, et pour beaucoup d’autres activistes du monde entier, la condition essentielle qui apportera la démocratisation et le développement, l’aspiration vers un mieux-être. En effet, les fonds dégagés pour le développement devront être attribués dans la plus grande transparence, ce qui implique un contrôle citoyen, des réformes parlementaires et de la vie politique, une plus grande participation de chacun et chacune (la participation des femmes n’est pas une chose acquise et mérite un travail conséquent) et surtout, c’est aussi le point le plus passionnant du débat, des recherches sur des modes de développement alternatif. Il ne s’agirait pas de répéter les erreurs du passé comme la construction de ces «cathédrales dans le désert» ou ces «éléphants blancs». Il s’agira d’instaurer la démocratie, la liberté, la solidarité et l’égalité…


Pendant la semaine contre la dette au Niger, les Etats-Unis ont accusé le Niger de vendre l’uranium à l’Irak, …l’injustice n’a décidément pas de limites.


Julie DUCHATEL

  1. Il s’agit de Tiken Jah Fokoli sur l’album «Françafrique», 2002, Barclay.
  2. Le nombre de pétition s’étend aujourd’hui à 17 000. La campagne de pétition s’arrêtera le 19 juin, date mondiale de lutte contre la dette.