Fermeture de Merck Serono

Fermeture de Merck Serono : Vers un centre de recherche sous contrôle public?

 A l’heure où nous mettons sous presse, la direction de la multinationale allemande confirme son « plan de restructuration » annoncé le 24 avril dernier, impliquant la fermeture du site de Sécheron (1250 salarié·es) à la mi-2013, ainsi que celui de Coisins (80 salarié·es) en 2014. Le personnel et UNIA, en lutte depuis près de deux mois, entendent bien durcir le ton. Les autorités genevoises et helvétiques vont-elles enfin s’engager pleinement à leurs côtés, et avec quels objectifs ?

 

Depuis l’annonce de la fermeture du site de Sécheron, les autorités politiques communales, cantonales et fédérales se sont dites unanimement « choquées » par le plus grand licenciement de l’histoire de l’Arc lémanique. Dès le départ, les réactions de fausse surprise et les oraisons funèbres insincères se sont succédées pour pleurer la mort du site, programmée dès décembre 2010 déjà, date à laquelle la restructuration du site genevois de Merck Serono laissait présager sa fermeture.

 

Des premières réactions timides

Les parlementaires municipaux puis cantonaux, par le biais d’un texte signé par tous les partis politiques, ont réagi en demandant clairement au Conseil d’Etat de sauver les emplois et le centre biotechnologique, unique de par ses compétences scientifiques. L’énorme travail de mobilisation du personnel a abouti à des propositions concrètes à l’adresse de la direction et des autorités politiques afin de poursuivre les activités sur place et même de les développer (cf solidaritéS n° 208 et 209).

     Quelle posture les autorités politiques pouvaient-elles adopter face à une telle force de proposition de la part du personnel qui jusqu’à il y a deux mois en arrière n’aurait pas imaginé se découvrir une fibre syndicale et surtout une force combative face à l’arrogance des représentants du Capital, retranchés depuis deux mois dans leur tour d’ivoire, avant de dévoiler leur décision de vie ou de mort sur le Travail ? Elles ont oscillé tour à tour entre une compassion modérée mais convaincante, une gratitude démesurée envers le personnel (leur permettant de se décharger de leurs propres missions), une implication faussement dévote ou encore une combativité en sourdine : bref, un « silence assourdissant », comme l’a qualifé le rerpésentant syndical d’UNIA Alessandro Pelizzari.

     Mardi 12 juin 2012, une grève d’un jour a permis de s’attirer enfin un soutien de la part des autorités politiques fédérales et cantonales, alors que les autorités municipales oeuvraient déjà publiquement aux côtés du personnel et du syndicat. Le conseiller fédéral Johann Schneider-Amman annonçait sa volonté d’associer les autorités fédérales aux solutions proposées par les représentants du personnel, réunis sur la place des Nations à l’occasion de la Conférence internationale du travail. Ce meme jour, le conseiller d’Etat François Unger a participé pour la première fois aux discussions de ladite « Task force », un groupe de travail composé de représentants des mondes politique, économique, scientifique et académique, mis sur pied pour étudier la viabilité des solutions proposées par le personnel. Le lendemain, une pétition munie de 15 000 signatures, récoltées en 1 mois, a été déposée par les salarié-es à Berne pour réclamer un plus grand soutien de la part de la Confédération. Pourtant, encore aujourd’hui aucune promesse de soutien financier n’a vu le jour !

 

« Cluster » lémanique en biotechnologies ?

Lundi 18 juin, la « Task force » s’est dite particulièrement intéressée par une des propositions élaborées par le personnel, à savoir la création d’un « centre polyvalent de la recherche en biotechnologies ». La nouveauté dans le combat des employé-es réside justement dans l’idée de créer, avec ou sans Merck Serono, un institut de pointe qui permettrait à la fois de conserver tous les emplois. Contrairement à d’autres solutions proposées il n’y a pas si longtemps pour le sauvetage du site de Novartis de Nyon-Prangins, les propositions ne s’apparentent pas à une forme « d’allègement fiscal » accordé par les autorités… Cette fois, la participation des cantons de Genève et de Vaud, de la Confédération ainsi que d’acteurs publics tels que les Universités de Genève et Lausanne, des centres de recherches et des hôpitaux, permettrait la réalisation de ce « cluster » lémanique de biotechnologies, en vue d’atteindre des objectifs d’utilité publique. La véritable innovation pourrait donc être celle de muer, de se défaire de l’ancienne structure afin de créer un centre indépendant, dans le bâtiment actuel ou ailleurs.

     Mardi 19 juin, confirmant sa décision de fermeture du site genevois, la direction de Merck Serono a annoncé quelques « améliorations » à son plan social, histoire de faire passer la pilule et cherchant à désamorcer, en vain, la contestation des travailleurs·euses. Parmi ces risibles consolations, des indemnités relevées, des facilitations pour le transfert des employé-es et de leur famille vers d’autres sites, ou encore l’âge de la préretraire abaissé de 58 à 56 ans. Mais la direction prévoit également un fonds de 30 millions d’euros, destiné à soutenir la « création d’entreprises par les employé-es. » Merck Serono n’exclut pas de participer à la « Task force » à l’avenir, si ce fonds peut servir à financer le projet retenu. La « Task force » a d’ores et déjà annoncé que 30 millions ne seraient pas suffisants. Les pouvoirs politiques ont su nous montrer leur réactivité pour sauver le capitalisme : on se souvient des 68 milliards pour sauver UBS, débloqués en l’espace d’une nuit. Sauront-ils faire usage de leurs prouesses dans une visée d’utilité publique, avec la garantie du maintien de 1500 emplois à Genève et dans le canton de Vaud, et pourquoi pas la création de nouveaux postes de travail ? Les salarié-es entendent bien poursuivre leur lutte en ce sens.

 

Vera Figurek, Giulia Willig