Merck Serono:

Merck Serono: : Quel bilan pour quelles perspectives?

 Le 9 août dernier, le personnel de Merck Serono réuni en Assemblée générale décidait à une large majorité de signer un accord autour du plan social avec sa direction.

Malgré une mobilisation qui en aura surpris plus d’un, le personnel et le syndicat Unia n’auront pas réussi à faire reculer la direction allemande du groupe.

 

L’entreprise fermera ses portes et le plan social obtenu n’aura été modifié que dans ses marges. C’est d’ailleurs la mort dans l’âme que la plupart des employé·e·s l’ont voté le 9 août dernier. Toutefois, malgré l’accord, la mobilisation sur le site demeure : forts de leur expérience, les « Merck Serono » entendent bien défendre à présent leur projet de Biotech center financé par les pouvoirs publics. Parallèlement, ils-elles entendent aussi créer le débat sur l’absence de protection pour les salarié·e·s en Suisse en cas de licenciement collectif. L’occasion de tirer un premier bilan de cette expérience syndicale.

 

 

Col bleu, col blanc, site industriel de production, de recherche, entreprises locales, multinationales : différenciations nuisibles

A l’instar de la Conseillère administrative socialiste de la Ville de Genève, Sandrine Salerno, qui déclarait au lendemain de l’annonce de la fermeture du site ne pas trop se soucier de l’avenir des cols blancs de Merck Serono, de nombreux militant·e·s croyaient une mobilisation du personnel du site illusoire et impossible. Se basant sur des différenciations en partie surannées entre cols bleus et cols blancs, employé·e·s d’entreprises locales et de sièges de multinationales, ces militant·e·s ont largement sous-estimé l’ancrage des « Merck Serono » au monde du salariat.

     Il faut d’ailleurs souligner à ce propos que l’engagement dans le mouvement a été beaucoup plus marqué parmi le personnel Merck Serono que parmi les sous-traitant·e·s qui travaillaient pourtant dans des secteurs où la présence syndicale était plus marquée (employé·e·s du nettoyage, de la cafétéria,…)

 

Une mobilisation possible…

Avant l’annonce de fermeture, le 25 avril dernier, il n’y avait pratiquement aucune présence syndicale sur le site. Merck Serono représentait un de ces nombreux déserts syndicaux. Le personnel n’avait jamais mandaté un syndicat ni n’avait jamais réellement essayé de s’organiser collectivement.

     En quelques semaines pourtant, il s’est montré capable, d’une part, de se doter d’une représentation du personnel active et efficace et d’acquérir les rudiments d’un fonctionnement collectif et démocratique ; d’autre part, d’organiser et de participer à toute une série de mobilisations : allant des pauses de protestation à la participation au 1er mai, pour aboutir à plusieurs journées de grève, en passant par des manifestations à Darmstadt (siège de l’entreprise à quelques kilomètres de Frankfort) ou encore par le lancement d’une pétition.

     Cette expérience a constitué un véritable apprentissage en accéléré de la réalité de la lutte de classe et de la lutte syndicale pour des dizaines d’employé·e·s de Merck Serono. Une expérience que trop peu de militant·e·s ont l’occasion de vivre en Suisse…

 

…Mais dans le désert

Malheureusement, cette expérience aura largement souffert de l’absence de soutiens décisifs dans sa lutte.

     Il n’est guère besoin d’insister sur les orientations politiques des autorités politiques (Canton et Confédération) qui préfèrent faire de la promotion économique à coup de dumping fiscal et d’absence de conflit social, plutôt que de se battre contre les destructions d’emplois. Mais force est de relever l’absence de dynamique sociale autour de la fermeture du site. Quand bien même nous avions affaire au plus important licenciement collectif de l’histoire du bassin lémanique, ce licenciement n’a pas entraîné de vague de protestations au sein de la population ni n’a pu déboucher sur un large soutien équivalent  à celui qui avait suivi, en leur temps, les annonces de fermetures de Novartis à Nyon ou des Officine à Bellinzona.

     Le congédiement collectif de Merck Serono n’a aussi marqué que très marginalement l’élection partielle au Conseil d’Etat genevois qui a pourtant eut lieu en pleine phase de mobilisation. Intervenant dans une dynamique sociale plutôt morne, la mobilisation des « Merck Serono » n’a pas pu trouver plus d’écho quant à la nécessité d’étendre le mouvement aux autres sites de l’entreprise, eux aussi pourtant touchés dans le cadre d’une restructuration à l’échelle mondiale.

     Les « Merck Serono » de Genève auront ici buté contre l’absence de politique syndicale coordonnée au niveau européen et une culture très corporatistes des représentant·e·s du personnel, notamment en Allemagne, privilégiant la défense de leur site au détriment des autres. Ce qui aurait pu être le foyer d’un mouvement de protestation s’élargissant à l’ensemble des sites Merck Serono frappés par la restructuration en cours, n’aura été finalement qu’une exception. L’entreprise a sans conteste réussi à diviser les salarié·e·s (entre sites) pour mieux imposer sa politique.

     Notons enfin que l’absence d’obligation de plan social, les facilités de licenciement en Suisse et autres insuffisances de protection légale des salarié·e·s en cas de licenciement collectif auront lourdement pesé sur la mobilisation et son résultat.

     C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le personnel de Merck Serono entend bien créer le débat lors de cette rentrée automnale pour améliorer le cadre légal et donner des droits aux salarié.e.s en cas de licenciement collectif. Une initiative à laquelle nous ne pouvons qu’encourager les lecteurs de SolidaritéS à participer. 

 

Jean Masci