Droit de grève amputé? à Genève ce 14 octobre: non!

 

Quatre membres du PS genevois ont pris la plume adns le Courrier de Genève du 3 septembre, pour s’étonner de la position unanime de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) appelant au NON à la constitution trompeuse et rétrograde soumise au vote populaire le 14 octobre à Genève.

Les auteurs de ce texte prétendent « peiner à comprendre la position syndicale». Ils vantent un projet qui est « soutenu par le Parti socialiste, les Verts et les autres partis gouvernementaux…» contre les « extrêmes de l’échiquier politique», où ils classent apparemment les syndicats du canton.

Ils affirment que le projet ne comporte « aucun recul démocratique, social ou écologique par rapport à la constitution actuelle…» – ce qui est mensonger – et prétendent même que « indiquer que l’action de l’Etat est complémentaire à celle du privé est un progrès…»

La CGAS (qui regroupe l’ensemble des syndicats genevois) a répondu cette semaine de manière plus complète à celles et ceux qui prétendent qu’« un NON le 14 octobre sera avant tout une victoire de la droite populiste», comme si le poids de toutes les organisations de gauche genevoises – sauf le PS –, l’avis des syndicats unanimes et des nombreuses associations engagées pour le NON (AVIVO, GSsA, ContrAtom, Marche Mondiale des Femmes, MPF, …et des dizaines d’autres) pouvaient être balayé du revers de la manche. Et le comble c’est que lesdits populistes (MCG et UDC) ont vu leurs représentant·e·s à la Constituante… voter OUI au projet, à l’unisson des constituants du PS signataires de ce douteux plaidoyer et des « partis gouvernementaux » dont ils se revendiquent.

Nous reviendrons donc ici sur un seul point, soit la citation en épigraphe dudit papier qui affirme : «Le projet de Constitution genevoise est […] un peu plus favorable aux travailleurs que la constitution fédérale, puisqu’il instaure explicitement un «droit» de grève.»

Cet argument est trompeur. L’article intitulé « droit de grève » introduit dans le projet genevois reprend trait pour trait le contenu de la constitution fédérale, votée en 1999 – y compris le droit « symétrique » au lock-out patronal. Texte que solidaritéS, comme le PdT avaient rejeté, alors que le PS genevois – rappelons-le en passant – laissait alors la liberté de vote.

Cette disposition fédérale dit que « la grève et le lock-out sont licites» en y mettant – et c’est là que le bât blesse – les conditions suivantes : ces actions doivent « se rapporter aux relations de travail» et être « conformes aux obligations de préserver la paix du travail…» La grève est licite, c’est donc bien un droit, garanti par la constitution suisse. Le fait que le projet genevois emploie la formulation « Droit de grève » (un droit par ailleurs garanti dans la Charte sociale européenne) ne rajoute rien en réalité… et sert ici, quand on l’agite, à escamoter – de manière trompeuse – ces restrictions inacceptables qu’on cherche à nous faire avaliser par un OUI populaire renouvelé, puisqu’elles sont reprises – à l’identique – dans le projet genevois.

La Charte sociale européenne reconnaît le «droit des travailleurs […] à des actions collectives en cas de conflits d’intérêt, y compris le droit de grève…» Mais en Helvétie, une grève ne saurait avoir lieu «en cas de conflit d’intérêt», il faut que cette mesure de lutte «se rapporte aux relations de travail». Comme l’expliquait à la Constituante genevoise l’ancien secrétaire patronal Michel Barde l’an dernier : «Il peut y avoir une grève dans une entreprise de fabrication de chaussures, et si, par solidarité, une entreprise qui fabrique de la confiture et qui n’a rien à voir avec la fabrique de chaussures se met en grève, on se trouve exactement dans la situation décrite ici, c’est-à-dire qu’il faut que la grève se rapporte à une situation qui a lieu dans l’entreprise concernée.» Thatcher n’aurait pas dit mieux !

En clair, toute grève de solidarité entre travailleurs d’entreprises distinctes serait interdite, toute grève avec des objectifs politiques dépassant le cadre d’une seule entreprise, serait interdite… En nous demandant de voter OUI à cette disposition, et en la saluant comme un progrès, on nous demande de porter un jugement d’illégalité, réactionnaire et rétrograde, notamment sur :

– La grève générale de 1918 qui revendiquait : l’élection du parlement à la représentation proportionnelle, le droit de vote et d’éligibilité des femmes, le droit au travail pour tous, la semaine de 48 heures, l’AVS…

– La grève du 12 novembre 1932 à Genève, décidée par l’assemblée de l’Union des syndicats du canton de Genève – contre le préavis du PS d’ailleurs – pour protester contre le massacre de manifestants antifascistes par l’armée. (La condamnation de cette grève de solidarité antifasciste et antimilitariste est « dans le ton » d’un texte qui prévoit l’appel à l’armée pour la « sécurité » intérieure.)

– La grève des 5000 métallos genevois – dont le soussigné – qui ont quitté leurs usines au matin du 3 mars 1982, à l’appel de la FTMH (et sans guère d’égards pour la « Paix du Travail » susmentionnée) pour se retrouver à la Place Neuve et monter à l’Hôtel-de-Ville déposer une pétition exigeant l’intervention de l’Etat pour défendre le secteur industriel genevois.

– La grève des femmes du 14 juin 1991 pour exiger la concrétisation de l’article constitutionnel sur l’égalité entre femmes et hommes voté dix ans plus tôt et l’application du principe à travail égal – salaire égal…

Et si des salarié·e·s genevois avaient imaginé un instant organiser un débrayage de solidarité avec les employé-e-s de la multinationale Merck-Serono, victimes du plus gros licenciement collectif de l’histoire du canton… cet article aurait pu être brandi par la droite genevoise pour les condamner, s’il avait été approuvé par un vote populaire. Au nom de la dignité et des droits des travailleurs-euses, c’est donc à un NON que nous appelons les salarié·e·s genevois à voter en octobre ! 

Pierre Vanek