Signe-t-on la fin de toute critique à l'Université?

Après plus de quatre ans de crise économique on annonce l’absurde dissolution de la faculté des Sciences Economiques et Sociales (SES) à l’Uni de Genève, une initiative qui marquerait la fin du dialogue entre économie et sciences sociales, séparation d’une symbolique très forte forçant à accepter la domination de l’économie sur la société.

En effet, le rectorat a annoncé le 6 février, son vœu de scission entre disciplines économiques d’un côté (sciences économiques et Hautes Etudes Commerciales) et disciplines des sciences sociales de l’autre (science politique, sociologie, géographie), une scission s’inscrivant dans la logique des accords de Bologne poussant l’Uni de Genève à une logique concurrentielle.

HEC Genève veut sortir de la Faculté SES afin de hausser sa « cote » sur le « marché » de l’éducation. La nouvelle Fac d’économie créée, pourrait se classer en meilleure position parmi les Universités du globe. Un souhait de l’Université d’offrir aux entreprises une gamme d’étu­diant·e·s munis d’une formation de « qualité supérieure », à l’inverse des étudiant·e·s de sciences sociales dont la spécialisation passerait à la trappe.

Melting-pot à problèmes

Cette décision n’entraînerait pas un simple cloisonnement entre deux pôles fondamentaux de l’Uni mais mènerait à la perte de nombreux bachelors au profit d’un seul, réunissant toutes les disciplines des sciences sociales. Ce melting-pot peu alléchant conduirait à des problèmes: amphis bondés, ambiance de travail dégradée, motivation réduite… Si Genève pourrait connaître un afflux d’étu­diant·e·s étran­ger·e·s au canton grâce à la nouvelle Fac HEC, elle verrait partir nombre d’étudiant·e·s fuyant le manque de spécialisation des sciences sociales.

En outre, la logique de la réforme néo­libérale que subit l’Uni de Genève, amène celle-ci à engager un maximum de profs renommés mondialement afin d’élever sa note internationale. Malheureusement, beaucoup de ces enseignants ne servent que de figure de proue, étant donné qu’ils enseignent souvent peu d’heures, privilégiant recherche et publications dans des revues réputées. Ainsi le prestige de l’Université augmente tandis que la qualité des cours reste inchangée.

Nous sommes dans une période cruciale de choix pendant laquelle nous avons plus que jamais besoin d’une vision pluridisciplinaire pour faire face aux problèmes qui abondent. Restreindre cette vision à un seul champ de recherche imposerait un handicap sérieux. Le bachelor de socio-économie qui souligne l’importance d’une telle unité dans les études, pourrait disparaître si la dislocation aboutissait. Dès 2014 ce bachelor réunissant des cours de sociologie et d’économie pourrait être juste un souvenir pour ceux qui voient d’un mauvais œil la recherche d’une économie alternative.

Faire converger les luttes

Une mobilisation étudiante est donc indispensable pour construire un projet ne remettant pas en cause la liaison entre économie et sciences sociales. Celle-ci doit a contrario être repensée pour être renforcée. Nous devons défendre les acquis pédagogiques, mais il est autant de notre devoir d’indiquer le chemin d’une Université nouvelle, partenaire des étudiants et non relais de l’idéologie dominante.

Dans le cadre de la lutte contre la hausse des taxes, les étudiant·e·s ont su se mobiliser, pour faire passer leur message. Les attaques du modèle économique actuel n’épargnent pas non plus la fonction publique comme on a voir lors des votations sur la fusion des caisses de retraites. Il faut sans attendre faire converger les luttes et s’unir, afin de stopper la néo­libéralisation des études, à Genève, en Suisse ou ailleurs… Des réseaux étudiants se forment ici dans ce but et il est essentiel de les soutenir. Ces réseaux doivent comprendre le personnel de l’Université ainsi que le reste de la société qui doit y voir une grave menace pour son avenir.