Clause de sauvegarde... du capital par la xénophobie!

Alors que le Conseil fédéral active la clause de sauvegarde, il est plus nécessaire que jamais de revenir sur les conditions d’une politique xénophobe qui refuse toute protection aux salarié·e·s.

Le 26 avril dernier paraissait le dernier rapport annuel du Conseil fédéral sur les mesures d’accompagnement. Un rapport édifiant qui, année après année, montre non seulement l’absence de contrôles dans les entreprises (6 % des entreprises suisses ont fait l’objet d’un contrôle des salaires l’année dernière), l’absence de sanctions contre les employeurs (seul ¹⁄? des infractions sont sanctionnées par les Commissions paritaires), mais surtout l’augmentation des cas de sous-enchère salariale. Ainsi, en 2012, le taux d’infractions dans les secteurs sous convention collective de travail est passé de 35 % à 42 % !

Deux jours avant ce rapport, le Conseil fédéral annonçait qu’il allait activer la clause de sauvegarde pour les ressortissant·e·s de l’Union européenne en réintroduisant (pour une année) le principe du contingentement. Dans son communiqué de presse, il explique qu’il veut «faire en sorte que l’immigration soit non seulement bénéfique sur le plan économique, mais aussi supportable d’un point de vue social».

Le message est clair : s’il faut trouver un responsable au dumping salarial, il est à chercher du côté de l’im­migré·e. Dans le même communiqué, le Conseil fédéral ne dit-il pas d’ailleurs qu’il faut renforcer les mesures d’accompagnement «à l’encontre des faux indépendants» ? Ne dit-il pas aussi que «les autorités doivent continuer de combattre fermement les violations du droit des étrangers et les abus à la sécurité sociale» ?

 

Un trompe-l’œil xénophobe

Le discours est clair : l’immigré·e serait responsable du dumping salarial. Les autorités alimentent ainsi un fond xénophobe auprès des salarié·e·s tout en repoussant tout renforcement de leurs droits.

Ce n’est pas un hasard si quel­ques semaines avant sa prise de position sur la libre circulation des personnes, le Conseil fédéral se prononçait vigoureusement contre l’initiative pour un salaire minimum à 4 000 francs.

La clause de sauvegarde n’est en définitive qu’un trompe-l’œil. Non seulement le contingentement sera extrêmement limité en nombre, mais il pourra être aisément contourné puisque ni les permis G (frontaliers), ni les permis L (séjours de moins d’une année), ni les séjours de brèves durées (90 jours – non soumis à autorisation) ne sont concernés. Pire, le passage du permis B (d’une durée de 5 ans) au permis L va précariser le statut de nombreux res­sor­tis­sant·e·s qui seront plus encore à la merci de leurs employeurs (dépendants de leur emploi pour le renouvellement de leur permis).

Un trompe-l’œil au service des forces populistes et xénophobes qui, depuis l’entrée en vigueur des accords bilatéraux, canalisent le mécontentement des sa­la­rié·e·s en jouant sur la xénophobie?; pointer l’immigration comme seule responsable des problèmes qui touchent les travailleurs.euses suisses permet ainsi aussi de couvrir le patronat.

L’accentuation des écarts salariaux, l’appauvrissement des couches les plus défavorisées de la population sont ainsi gérés socialement par la montée de forces populistes et xénophobes qui multiplient les initiatives, au fur et à mesure que la crise s’accroît.

 

L’asile en bouc émissaire du business

La votation sur l’asile du 9 juin prochain est symptomatique de ce rôle de divertisseur public joué par l’UDC. Faire croire à la population que les problèmes viendraient de quelques requérant·e·s d’asile pour mieux pouvoir continuer son business (notamment en accueillant bras ouvert les géants du négoce des matières premières).

L’écran de fumée xénophobe pollue cependant toujours plus l’espace public et politique. A Genève, les affiches du MCG qualifiant les frontaliers « d’ennemis des Genevois » trouvent leur traduction dans la préférence cantonale à l’embauche?; désormais appliquée dans plusieurs services de l’Etat, cette politique n’est que la traduction cantonale de l’alignement du conseil fédéral sur les positions xénophobes de l’UDC (quelques mois avant la votation de l’initiative contre l’immigration de masse).

Dans ces conditions, il devient primordial pour le mouvement syndical comme pour l’ensemble des forces progressistes de se doter d’un programme d’urgence sociale à même de synthétiser une série de revendications redonnant une unité et un sens de classe au salariés.

La campagne pour un salaire minimum va dans le bon sens. Elle ne constitue pas cependant un programme pour les salarié.e.es et ne saurait donc suffire.

Le renforcement des protections des salarié·e·s contre les licenciements, des contrôles et des sanctions contre les abus des patrons sont d’autres axes sur lesquels le mouvement syndical doit clairement avancer. Début juin, une Assemblée des délégué·e·s de l’Union syndicale suisse (USS) devra définir de nouvelles revendications en matière de mesures d’accompagnement. Il s’agit là d’une occasion à saisir pour avancer des revendications allant au-delà des commissions tripartites et des mini-avancées techniques sur la possibilité de rendre obligatoire les conventions collectives de travail.

Au niveau politique, il est temps aussi de retrouver une boussole liant les questions de droit du travail aux questions de droit au logement et aux transports.

 

Joël Varone