«Facture sociale»

«Facture sociale» : Les petites communes riches tirent leur épingle du jeu

L’accord financier passé entre l’Etat et l’Union des communes vaudoises a été salué à l’unanimité par la droite et la gauche gouvernementale au Grand Conseil. Cet accord portait en particulier sur la répartition du financement de ce que les milieux politiques dominants appellent la facture sociale. Derrière cette unanimité parlementaire – moins les voix du groupe « La Gauche » – se cache pourtant un système fiscal injuste.

 

Ces dernières années, la majorité bourgeoise des Chambres fédérales a décidé plusieurs réformes importantes de la politique dite sociale : révisions de l’assurance invalidité, de l’assurance chômage, etc. Toutes ces révisions ont en commun de provoquer d’importants reports de charges sur les cantons et les communes. Un exemple récent parmi d’autres : en 2008, la Confédération a cessé d’accorder des subventions (60 millions) pour les institutions en charge des handicapé·e·s adultes, désormais entièrement à la charge des collectivités publiques subalternes.

Ces décisions procèdent d’une politique consciemment menée par la droite au niveau fédéral, aux fins de fragiliser les budgets des cantons et communes et de susciter des plans d’économie sur les prestations accordées à la population. L’un dans l’autre, en quinze ans, les reports de charge sur les communes vaudoises ont ainsi passé de 150 à 640 millions par an. 

 

Déséquilibres

Dans ce contexte, l’Etat de Vaud, dont les finances sont au beau fixe, a certes consenti à accroître son effort pour soulager les communes, à travers l’accord qui vient d’être ratifié par le Grand Conseil : ainsi, dès 2016, les prestations sociales et les soins à domicile seront assumés à deux-tiers par le canton, contre une répartition moitié-moitié aujourd’hui. Mais ce pas en avant est loin d’être suffisant. D’abord, parce que le canton offre d’une main ce qu’il reprend de l’autre : le Conseil d’Etat s’est notamment engagé auprès des milieux patronaux à baisser d’un point l’imposition sur le bénéfice des entreprises d’ici 2016 (0,5 point de baisse au budget 2014), ce qui aura un impact négatif sur les recettes fiscales des communes.

Surtout, avec cet accord, les reports de charges liées aux dépenses sociales n’en continuent pas moins de pénaliser les grandes communes urbaines, au profit des petites communes riches. Prenons un exemple : selon les chiffres du service statistique de l’Etat de Vaud (SCRIS), le revenu annuel médian à Lausanne et Renens est d’environ 58 000 francs. A Jouxtens-Mézery, il est deux fois plus élevé. Or, le taux d’imposition communal à Lausanne est de 79 points (78,5 à Renens), contre 59 à Jouxtens-Mézery. En clair, moins les habitant·e·s d’une commune sont riches, plus ils·elles paient d’impôt pour la « facture sociale ». Sans compter que les habitant·e·s de Jouxtens-Mézery profitent des infrastructures (culturelles, sportives, etc.) financées par les grandes communes comme Lausanne. Il s’agit d’une spirale infernale qui profite aux « ghettos de riches » : Jouxtens-Mézery peut fixer un taux d’impôt deux fois plus faibles que Lausanne, tout en dégageant les mêmes recettes par habitant. L’instauration d’un taux d’imposition communal unique serait une étape indispensable, à l’échelle cantonale, pour limiter ces avantages indus : vu les rapports de force politiques au Grand Conseil, cette proposition relève hélas de l’utopie. 

 

Hadrien Buclin