Hôpital neuchâtelois (HNE))
Hôpital neuchâtelois (HNE)) : Le canton dit non au site unique
Le 24 novembre dernier, la population neuchâteloise devait voter 4 objets cantonaux, dont 3 relatifs au système de santé. Elle devait notamment se prononcer sur les « options stratégiques pour l’Hôpital neuchâtelois » – plan de répartition équitable des missions entre les hôpitaux de Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, voté par le Grand Conseil le 26 mars 2013 – suite au référendum de la droite, soutenu par les intérêts privés qui investissent le secteur. Soucieuse de maintenir cet équilibre, les citoyen·ne·s ont accepté ces options par 63 % des voix (participation à 49,86 %).
Nous avons souvent évoqué, dans ce journal, les problèmes – pour dire le moins – soulevés par la « réforme » du système hospitalier neuchâtelois, au rang desquels nous pouvons citer la centralisation, l’autonomisation (2005) et la privatisation, donnés pour exemple dans le rachat de la Providence par Genolier et les volontés exprimées par la droite de démanteler le système de santé public, tout en encaissant hypocritement les subventions allouées aux missions d’intérêt général couvertes par le service public.
La situation est complexe. En effet, si la centralisation des soins est effective et pourrait mener, si des choix décisifs en terme de médecine de proximité étaient pris, à une politique de répartition intelligente, les forces capitalistes en marche cherchent à forcer la donne en faveur du site unique Pourtalès-Providence, sensé répondre efficacement aux besoins de la population. Or, le canton compte deux villes de taille similaire et une géographie particulière qui lui demande de réfléchir soigneusement à l’emplacement d’un tel site. Dès les années 1960, l’idée d’un hôpital central, consacré aux soins aigus et situé dans le bas Val-de-Ruz, est exprimée comme une possibilité de développement.
Se heurtant aux coûts et une volonté déjà présente de capitaliser sur l’expansion des structures déjà en place, cette idée, comme du reste celle de maintenir des services de proximité (urgences, maternité) est aujourd’hui toujours balayée par les milieux libéraux.
Une restructuration dans la douleur
Depuis, le système de santé à Neuchâtel a bien changé : des hôpitaux ont été démantelés (les Cadolles, Val-de-Travers), privatisés (La Providence), plusieurs maternités ont été fermées, les soins se sont concentrés sur les villes du Haut et du Bas. Dans ce processus se sont de plus greffées les intentions des milieux privés de la santé, comme Genolier, de faire main basse sur le système de santé et, subsidiairement, de faire sauter la CCT santé 21. Toujours désireux de « rationaliser » les coûts, le Conseil d’État a œuvré plus d’une fois, souvent de manière rusée et habile, en ce sens. Chemin-faisant s’est pourtant exprimée l’idée de démanteler l’hôpital de La Chaux-de-Fonds, afin de concentrer tous les soins aigus à Pourtalès.
Ce projet libéral de centralisation à marche forcée a évidemment cristallisé la haine des habitant·e·s de La Chaux-de-Fonds et exacerbé des tensions déjà palpables dans la restructuration des HES ou le vote du Transrun (RER neuchâtelois). C’est pour mettre fin à ce conflit, où la censure comme l’interdit ont régné en maîtres, que le Grand Conseil a accepté le décret portant sur les options stratégiques du Conseil d’État pour l’établissement hospitalier multisite, qui validait une répartition égale des missions hospitalières. Immédiatement, les tensions entre le haut et le bas du canton se sont apaisées de manière significative ; ce qui démontrait le bien fondé des options prises. Le volume des capitaux en jeu (et des bénéfices relatifs bien sûr), que les spécialisations entraînent forcément est, à n’en pas douter, le moteur principal de la motivation des référendaires pour qui la volonté exprimée des populations ne relève pas de l’intérêt général. La population neuchâteloise ne s’est toutefois pas laissée prendre au jeu mensonger des coûts et a maintenu, même dans le Bas où les options sont passées à 55 %, son souhait de voir maintenir un minimum de deux hôpitaux et un partage des missions.
Médecine de proximité balayée : la Chancellerie peut souffler
Le caractère de ce vote crucial a eu cependant l’effet néfaste d’évincer complètement l’initiative dite « pour une médecine de proximité », qui prévoyait le maintien d’un troisième site au Val-de-Travers et finalement rejetée à 57 % des voix (participation à 50 %). SolidaritéS soutenait cette initiative, car c’est celle qui se rapprochait le plus de notre vision de la santé, basée sur des soins de proximité accessibles à tous, avec urgences, maternités et bloc opératoire, mais elle n’avait aucune chance d’être comprise dans le duel livré autour du site unique. Hasard du calendrier, bévue de l’administration ou volonté délibérée de torpiller une initiative qui risquait d’être aussi acceptée en étant votée seule (?), il n’en demeure pas moins que le plan stratégique du CE, soumis au référendum, s’opposait frontalement à l’initiative « pour une médecine de proximité ». En cas de double-oui, c’est face à un vide juridique et constitutionnel que l’administration cantonale et le gouvernement auraient du se confronter ! Donnée, médiatiquement, largement perdante, l’initiative a pourtant fait un bon score, confirmant, si besoin est, que la population neuchâteloise tient à une médecine de proximité, des soins de qualité délivrés par le service public et garantis par une CCT, ce que solidaritéS a toujours défendu.
Camille Jean Pellaux & François Konrad