Élection parlementaires et européennes
Élection parlementaires et européennes : Percée de la gauche de gauche en Belgique
Les quelque huit millions de citoyen·ne·s belges qui se sont rendus aux urnes dimanche 25 mai était appelés renouveler leurs représentant·e·s au Parlement européen mais aussi au Parlement fédéral ainsi qu’aux trois Parlements régionaux (Flandre, Bruxelles et Wallonie). Sans surprise, les problématiques européennes n’ont occupé qu’une place mineure dans la campagne.
Avec une Wallonie qui vote majoritairement à gauche (PS et Ecolo) et une Flandre qui vote majoritairement à droite (démocrates-chrétiens, libéraux, nationalistes, fascistes et populistes), l’Etat fédéral Belgique devient de plus en plus difficile à gouverner. Cette difficulté s’est manifestée spectaculairement après le scrutin fédéral de 2010 : suite au succès des nationalistes flamands de la NVA, le pays était resté 541 jours sans gouvernement fédéral…
La coalition mise en place à la fin de 2011 associait les partis socialistes, libéraux et démocrates-chrétiens du nord et du sud du pays, sous la houlette du Premier ministre socialiste francophone Elio Di Rupo. Confronté à la surenchère à la fois nationaliste et ultra-libérale de la NVA dans l’opposition, le PS décida alors d’assumer une nouvelle réforme non démocratique de l’Etat, couplée à une politique antisociale d’une grande brutalité : 21 milliards d’euros d’assainissement budgétaire, allongement de la carrière, chasse aux chômeurs·euses, traque des demandeurs·euses d’asile… Dimanche 25 mai, on a donc fait les comptes de cette politique.
Poussée à gauche
En Flandre, les libéraux, les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates se sont légèrement redressés. Mais la NVA, de son côté, a siphonné ce qui était (encore) plus à droite sur l’échiquier – notamment le Vlaams Belang (fasciste) qui perd à peu près les deux tiers de ses voix. Résultat : même si le camp de la droite nationaliste, fasciste et populiste flamande recule globalement, la NVA de Bart De Wever est plus difficilement contournable que jamais et d’autant plus résolue à peser qu’elle est soutenue par le patronat flamand.
En Wallonie et à Bruxelles, la social-démocratie limite la casse et reste le premier parti, ce qui lui permet de prendre la main pour la formation des coalitions régionales. Les deux autres partenaires de la coalition fédérale reculent, principalement les libéraux qui perdent sur leur droite au profit du FDF à Bruxelles et du Parti Populaire (droite extrême) en Wallonie. Mais, globalement, le camp de la droite libérale se renforce. Par ailleurs, les Verts francophones (Ecolo), contrairement à leur amis flamands de Groen ! subissent une très lourde défaite, qui les contraindra à quitter les exécutifs régionaux.
Dans la classe ouvrière, le mécontentement face à l’austérité et au bilan de la social-démocratie (au pouvoir sans discontinuer depuis 1987) s’est traduit par une forte poussée à gauche. Celle-ci est surtout perceptible dans le Sud du pays, où les listes PTB-GO ! (Parti du Travail de Belgique – Gauche d’Ouverture : listes de rassemblement autour du PTB, avec la LCR et le PC, soutenues par des personnalités et des syndicalistes) réalisent une magnifique percée, surtout dans les régions industrielles de Liège et du Hainaut : deux députés feront leur entrée au Parlement fédéral, deux au Parlement wallon et quatre au Parlement bruxellois.
Au Nord, le PVDA (équivalent du PTB) accueillait sur ses listes des candidat·e·s d’ouverture, notamment des membres de la LCR-SAP (section belge de la IVe Internationale). Il fait plus de 8 % dans le canton d’Anvers mais manque le siège à deux mille voix près au niveau de la province.
Les pronostics sur la prochaine coalition sont plus hasardeux que jamais. Une seule certitude : de nouvelles vagues d’austérité sont programmées, il faudra se battre, et combattre la ligne cogestionnaire des bureaucraties syndicales. Nul doute que la percée de la gauche politique encouragera la gauche syndicale dans cette voie.
Daniel Tanuro
Bruxelles, 29 mai 2014