Crise climatique

L’initiative Ecopop puise dans l'arsenal xénophobe et raciste mais s’épuise au parlement fédéral

En voulant réduire le solde migratoire annuel en Suisse (taux de différence entre l’immigration et l’émigration) à 0,2 % de la population permanente sur une moyenne de trois ans et en détournant 10 % du budget de l’aide au développement « pour promouvoir la planification familiale volontaire », l’initative Ecopop prétend résoudre la crise environnementale par la fable malthusienne de la réduction démographique, ce que notre journal a déjà dénoncé dans de nombreux articles (cf nos 188, 189, 220, 234, 243 et 243).

Manifestation nationale contre l’initiative Ecopop, Berne, 4 novembre 2014
Manifestation nationale contre l’initiative Ecopop, Berne, 4 novembre 2014

Cette 17e initiative xénophobe intitulée « Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles » a été lancée en 2011. Elle est issue de l’association Ecologie et Population, créée en 1971 par un groupe d’intellectuels se référant aux thèses malthusiennes. Des personnalités comme Philippe Roch (PDC), Thomas Minder (UDC) ou Franz Weber soutiennent l’initiative. Dans le courant fondamentaliste de l’écologie politique, les auteurs s’inspirent des idées du pasteur Thomas Malthus : partant de la fausse idée que la croissance démographique est plus rapide que la croissance de la production alimentaire, il faudrait limiter la natalité, et en particulier chez les pauvres qui n’ont pas les moyens de se nourrir (Essai sur le principe de la population, 1798). Malthus a été influencé par le pasteur et médecin anglais Joseph Townsend, lequel avait déjà défendu l’idée qu’il fallait cesser d’aider les pauvres, car les lois naturelles doivent réguler l’équilibre naturel entre les classes sociales, selon le principe de la sélection naturelle.

Ignorer les causes du réchauffement

L’idée de base de cette initiative, en s’attaquant brutalement à l’immigration, est de semer l’illusion de pouvoir laisser la question du réchauffement climatique à la frontière. Elle prétend défendre la qualité de vie des Suisses contre les envahisseurs étrangers. Comme si pour réduire l’empreinte écologique, il suffirait d’empêcher les étrangers de venir sur le sol suisse. Pareille démagogie simpliste ne résiste pas une seconde à l’analyse des causes du réchauffement climatique reconnues par le GIEC : l’augmentation croissante des gaz à effet de serre est le résultat du mode de production et de consommation capitaliste établi sur l’ensemble de la planète, creusant toujours plus le fossé des inégalités entre les pauvres et les riches. Cette réalité, l’initiative cherche à la cacher sous le tapis du « mode de vie des Suisses à préserver », même si ce tapis est tissé de l’exploitation des pays pauvres, et du productivisme qui nous conduit au désastre. 

Pour le gouvernement et la délégation suisse au Comité mixte sur l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALPC) dans le cadre des relations entre la Suisse et l’Union européenne, les difficultés liées à l’initiative de l’UDC « Contre l’immigration de masse » ne sont de loin pas résolues. L’initiative Ecopop apparait comme un épouvantail, non conforme à l’ALCP, et inquiète fortement les représentants européens. L’UE a réaffirmé son opposition aux quotas et à la préférence nationale dans le recrutement, alors que la Suisse pense pouvoir renégocier l’accord. Le retour au contingentement, conséquence  de l’acceptation de l’initiative « Contre l’immigration massive » en février satisfait pour le moment l’UDC et une partie du patronat. Pour la droite dure, Ecopop fait donc dans l’excès, et ne trouve plus aucun soutien des partis représentés à Berne.

Le danger de solutions faussement raisonnables

L’initiative Ecopop vient ainsi d’être rejetée par les deux chambres parlementaires fédérales, et la votation populaire est envisagée pour novembre de cette année. Cette initiative reste dangereuse car elle se donne une apparence « raisonnable ». Se référant dans son argumentaire au solde migratoire européen, évalué à 0,17 % en 2012, le seuil de 0,2 % parait « acceptable » aux initiants. En réalité, cela signifie réduire de plus de 80 % le nombre d’étrangers accueillis par année en Suisse. Le solde migratoire a déjà diminué de 50 % entre 2008 et 2012 où seuls 45 000 étrangers ont été autorisés à rester sur le sol helvétique. L’initiative veut abaisser ce seuil à 16 000 par an. Tous les partis rassemblés sous la coupole, y compris l’UDC dénoncent une telle démesure : 9000 étrangers sont de fait accueillis chaque année par mariage, 5000 sont dans un statut provisoire, dont les requérants d’asile, et 2000 restent «comme main-d’œuvre pour l’économie»

Nous devons dénoncer et combattre ces fausses solutions à la crise du capitalisme portées par la vague brune européenne en montrant qu’elles n’ont qu’un seul but : diviser toujours plus les salarié·e·s et les plus faibles en détournant l’attention et la colère légitime contre les vrais responsables de la crise sur des boucs émissaires. Pour contrer et remonter le courant, il n’y a que cette lutte combinée incessante qui soit possible : surmonter les divisions et promouvoir une société écosocialiste, féministe, solidaire, économe en énergie, sans énergies fossiles, en aidant les pays du Sud à réaliser la transition énergétique dont ils ont, eux aussi, un urgent besoin. La nécessité du dépassement du capitalisme reste la seule réponse permettant de réduire réellement les inégalités. Utilisons la campagne avant la votation de novembre pour défendre notre projet comme alternative au désastre programmé.

Gilles Godinat