À lire!
Florence Gauthier
Triomphe et mort de la révolution des droits de l’homme et du citoyen, 1789–1795–1802
Ed. Syllepse, 2014
Maître de conférence en histoire moderne à l’Uni de Paris-VII, fondatrice du site revolution-francaise.net, Florence Gauthier avait publié Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789–1795–1802 (Paris, PUF, 1992). Le présent ouvrage en est une réédition, avec une bibliographie augmentée et une introduction.
Ces dates marquent le début et la fin d’une dynamique, ouverte par la révolution française :
1789 la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26.8.1789), exposant « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme »?;
1795 la Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen (22.8.1795), parlant « des droits de l’homme en société »?;
1802 rétablissement par le premier consul Bonaparte dans les colonies françaises de l’esclavage, aboli en 1794 par la Convention nationale.
« L’historiographie de la Révolution française du 20e siècle a tenté de séparer une révolution dite de la liberté et des droits humains (1789-1791), suivie d’une autre révolution, celle de l’égalité sans les droits de l’homme (1792-1794) » (Permanences de la révolution. Montreuil, La Brèche, 1989).
Contre ces thèses de François Furet (ex-stalinien des années 1950, devenu penseur libéral), Florence Gauthier situe la rupture, lors du 9 Thermidor an II (27 juillet 1794) : ce jour-là, une coalition hétéroclite au sein de la Convention nationale fit arrêter Maximilien Robespierre et ses proches, qui furent guillotinés le lendemain.
Robespierre, rappelons-le, était intervenu à l’Assemblée constituante (1789-1791) et à la Convention nationale (1792-1794) contre le suffrage censitaire et la constitutionnalisation de l’esclavage, pour le droit à l’existence et pour mettre des limites au droit de propriété.
Florence Gauthier estime que « la thèse, ou plutôt la fiction, répandue dans les pays occidentaux depuis la Seconde Guerre mondiale, selon laquelle le ‹ capitalisme ›, habillé aujourd’hui en ‹ économie de marché › porte dans ses flancs ‹ la › démocratie et les ‹ droits de l’homme ›, est historiquement fausse » (Introduction, 2014). Elle remonte donc aux sources du droit naturel, invoqué dans les déclarations de 1789 et 1793 : Emmanuel Kant et Ernst Bloch, la Révolution anglaise des années 1640-1660, les jésuites du Paraguay, le jésuite Juan de Mariana (défenseur du tyrannicide et de la souveraineté populaire) et chez Bartolomé de Las Casas, défenseur des Indiens. Cette approche originale mérite d’être connue et discutée. 7
Hans-Peter Renk
Gilles Perrault
Dictionnaire amoureux de la résistance
Ed. Plomb 2014, 499 pages
Si vous lisez le Dictionnaire amoureux de la Résistance de Gilles Perrault, et que vous n’êtes pas un habitué de la collection des Dictionnaires publiée chez Plon, nul doute que pour la première fois, vous allez savourer la lecture d’un tel ouvrage de l’Alpha à l’Oméga. On devine en feuilletant cet opuscule, avec quel plaisir la plume de l’auteur a tracé cette carte, certes lacunaire, de la Résistance française. Le sujet est sérieux, mais l’humour, comme l’ironie, donnent de la saveur à chacune des entrées de ce dictionnaire passionné.
Sous la lettre S, comme Sectarisme : Il est des coups de projecteur qui font mal, Gilles Perrault évoque une Résistance sans fard. Par exemple le sinistre sort réservé à un groupe de résistants trotskystes s’évadant de la prison du Puy, en compagnie de membres du Parti communiste français qui vont les liquider. Parmi les victimes, le fondateur du Part communiste italien, Pietro Tresso entré en dissidence.
Lettre T, comme Travail allemand : Des soldats de la Wehrmacht vont épouser la cause de la résistance française, tel le tout jeune Hans Heisel. Soldat de l’occupation à Paris, il adhère au Parti communiste allemand clandestin, il acceptera de donner son pistolet afin qu’un résistant abatte le Stand-arten-führer Julius Ritter !
Lettre I, comme Indignez-vous ! C’est la merveilleuse figure de Stéphane Hessel, qui renaît sous cette lettre. Ce grand résistant, allemand naturalisé français, déporté à Buchenwald. Il évoque le programme du Conseil national de la résistance, « Eclosion d’une presse libre et indépendante des puissances capitalistes, nationalisation des grands moyens de production, du système bancaire, et des assurances […] mais pourquoi ce qui fut possible dans une France ruinée par quatre années d’Occupation, ravagée par les batailles libératrices, deviendrait-il impossible dans la France d’aujourd’hui » ?
Gilles Perrault nous fait voir que la résistance ne naît pas toujours du néant, qu’elle joue avec le hasard parfois, comme notre vielle amie la Taupe, chère à Karl Marx, qu’elle peut avoir été enfantée dans les combats, souvent perdus, du passé, mais qu’elle jette toujours un pont vers les combats futurs pour la dignité humaine.
Daniel Kunzi