Livres en lutte - Tour d'horizon de l'édition alternative
Tour d’horizon de l’édition alternative
En attendant le retour du journal « solidaritéS » à la mi-août, nous vous proposons quelques suggestions de lectures d’été. Comme toujours, notre rubrique «Livres en lutte» met en avant des ouvrages, dont l’initiative revient aux multiples petits éditeurs indépendants critiques. Ces derniers n’ont cessé d’œuvrer pour rendre accessibles des textes inédits et des idées critiques; malheureusement ils connaissent toujours les mêmes soucis financiers et doivent faire face au monopole des grandes maisons d’édition pour être visibles en librairie. Pourtant, un public potentiel existe dans le monde francophone pour cette offre riche et très diversifiée. En voici quelques exemples.
Collectif
De la Skohlè au chill : repenser le temps libre
Lausanne, VV Press, 2014
Temps libre, oisiveté, improductivité, farniente… A une époque qui nous enjoint d’être constamment productifs·ves, où la rentabilisation dicte notre emploi du temps dans la nécessité de concevoir toute vie présente, passée et future sous l’aspect exclusif d’une carrière à construire, l’individu est en permanence mobilisé. Dès lors, le temps libre apparaît souvent comme un angle mort dans les multiples perspectives visant à penser l’époque actuelle. Suite à un colloque expérimental sur cette thématique en 2013, ce livre est le fruit d’un travail collectif et autogéré et aborde cette thématique sous différents angles: économique, esthétique, politique, etc. Il est possible de le commander en écrivant à : stephanie.monay@unil.ch
Samuel Bouron et Maïa Drouard (dir.)
Les beaux quartiers de l’extrême droite
Numéro spécial de la revue « Agone », 2014
Le Front national en particulier et l’extrême droite en général aiment à se présenter comme les portes-parole de la colère des « sans-grade ». Se réclamant d’une légitimité « par en bas », les réactionnaires d’aujourd’hui opèrent un important travail de normalisation qui prend appui sur différentes fractions du champ du pouvoir avec la complicité d’une partie de la grande bourgeoisie et des élites. On connaît mal les alliances que certains leaders et militants tissent dans ces lieux. Prenant appui sur les codes de la sociabilité mondaine, se diffusant dans les « clubs », les vernissages, les salons académiques, ces entrepreneurs en réaction assurent un mélange souvent imprévisible de références de droite et de gauche qui entretient toutes les confusions sans nuire, hélas, à l’efficacité. Ce numéro explore quelques aspects d’une nébuleuse qui, plus ou moins formellement, mais objectivement, constitue le terreau qui permet à l’extrême droite de commencer à jouer un rôle social dont elle a longtemps été privée.
Martine Chaponnière, Farinaz Fassa, Helene Füger, Nadia Lamamra, Françoise Messant (éds)
« Nouvelles Questions Féministes » Vol. 33 : Apprentissages entre école et entreprise
Lausanne, Editions Antipodes, 2014
Au carrefour entre système scolaire et marché du travail, la formation professionnelle est un espace particulièrement intéressant à soumettre à l’analyse féministe. Lieu majeur de socialisation professionnelle, elle produit de futur·e·s travailleuses et travailleurs destiné·e·s à des professions fortement sexuées et ségréguées. A partir d’éclairages français, allemands et suisses, ce numéro met au jour quelques invariants: l’interdiction de transgresser les frontières du genre, la perpétuation de la division sexuelle du travail et des stéréotypes de genre et enfin la peur de l’avancée en mixité.
Raewyn Connell
Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie
Paris, Amsterdam, 2014
Articulant théorie et récits de vie, Raewyn Connell dessine une cartographie complexe et nuancée des masculinités. Elle met au jour l’existence, au sein de l’ordre de genre, d’une masculinité hégémonique qui vise à assurer la perpétuation de la domination des hommes sur les femmes. Contre tout masculinisme, Connell nous montre que la masculinité hégémonique, sans cesse ébranlée et mise à l’épreuve dans le vécu des hommes, n’est ni définitive ni le seul schéma de masculinité disponible. On ne peut alors l’analyser sans s’intéresser à ses pendants, les masculinités complices, subordonnées ou encore marginalisées.
Jeremy Scahill
Dirty Wars. Le nouvel art de la guerre
Montréal, Lux, 2014
Dans cette captivante enquête qui prend la forme d’un thriller, Jeremy Scahill braque le projecteur sur les manœuvres clandestines du Joint Special Operations Command (JSOC), ce corps d’armée placé directement sous les ordres de la Maison-Blanche, muni d’un permis de tuer en toute impunité et pour qui le monde est un champ de bataille. De l’Afghanistan au Yémen, en passant par le Pakistan, la Somalie et les Etats-Unis, le journaliste donne la parole aux victimes de cette sale guerre, les familles anéanties, femmes et hommes qui doivent choisir entre la douleur résignée et le djihad contre l’Amérique sanguinaire.
La lecture de ce chef-d’œuvre d’investigation fait l’effet d’un électrochoc. Scahill nous mène loin des fronts officiels, là où vont trop peu de journalistes et où l’Etat prend goût à d’inavouables pratiques.
Tiré et adapté des présentations des éditeurs.