Non à la privatisation du Musée d'Art et d'Histoire

En Ville de Genève, une alliance allant du PS au MCG s’apprête à approuver le projet de rénovation-extension du Musée d’Art et d’Histoire (MAH) basé sur un « partenariat public-privé » qui entraînera la mainmise par un milliardaire du pétrole sur le plus grand musée public de Suisse.

En contrepartie de 40 millions et du dépôt de ses collections, ce privé s’offre une infrastructure de premier ordre et conditionnera lourdement la politique muséale. solidaritéS avec Ensemble à Gauche refuse cette privatisation parce que la politique culturelle doit rester en mains publiques, au service de toute la population et non au service d’intérêts privés. Nos camarades, élu·e·s municipaux, Tobia Schnebli et Maria Pérez représentent Ensemble à Gauche au sein de la commission municipale saisie du projet qui passera en plénière du Municipal prochainement. Nous leur posons ici deux questions. [Réd.]

 

 

 

Pourquoi peut-on parler dans cette affaire de mainmise du privé sur le MAH?

 

Tobia Schnebli: Dans l’article 1 de la convention qui lie la Ville de Genève à la Fondation Gandur pour l’Art (FGA), il est stipulé que la Ville doit «tenir la FGA régulièrement informée de la politique générale du MAH en matière d’acquisition, de planification d’expositions, de médiation et de tout autre sujet ayant une incidence sur le partenariat entre la Ville de Genève et la FGA sur lequel elles se concerteront.» La fondation Gandur s’octroie donc un droit de codécision et de veto sur les choix culturels du MAH et de la Ville.

Cette privatisation ouvre grand les portes à la marchandisation des biens culturels (Gandur représente à lui tout seul près de 30 % du marché de l’art ancien de Méditerranée et du Moyen-Orient). Elle est d’autant plus problématique si l’on considère les critères qui président aux choix de M. Gandur : «Dans un musée, ce sont les belles choses qui me plaisent, je me fiche des morceaux de bronze cassé.» (Interview dans Le Temps 27.12.2014). Cela répond beaucoup plus à un projet culturel tapageur et utilitariste (fait pour « vendre Genève » aux touristes et aux consommateurs de culture « de prestige ») qu’à un projet culturel qui permette à la société et aux ha-bi-tant·e·s de connaître le patrimoine culturel de l’humanité.

 

 

Avez-vous obtenu des chiffres pour quantifier les charges incombant à la Ville pour la gestion du prêt des collections de M. Gandur?

 

Maria Pérez: Le département de Sami Kanaan a refusé de chiffrer ces coûts (mise à disposition de locaux, bureaux, salle de conférence, organisation d’expositions de la FGA, conservation de ses collections, assurances…) avec l’argument que de toute manière «la valeur des collections et son impact sur la venue du public est inestimable». Or M. Gandur est un grand acheteur d’œuvres d’art et de pièces archéologiques mais son parcours montre que c’est surtout un businessman, pas un philanthrope.

On ne peut parler de don, dès lors qu’il est conditionné à des charges que le contribuable genevois va devoir assumer sur 99 ans ! C’est au mieux un échange dont il faut peser les termes. Il est donc regrettable que dans ce dossier Sami Kanaan, magistrat PS en charge de la Culture, n’ait pas voulu faire la lumière sur les coûts faramineux induits par ce partenariat privé qui engage les deniers publics pour un siècle. La convention est totalement déséquilibrée et en défaveur de la Ville. La rénovation du bâtiment est nécessaire, mais elle doit se faire à d’autres conditions et pas par un bradage de biens publics pour subventionner un milliardaire.