Le test des élections andalouses

Le test des élections andalouses : Podemos, un grand pas en avant... mais insuffisant

Les élections à la Communauté autonome d’Andalousie ont été convoquées de façon anticipée par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) : une décision opportuniste, dans une région qui constitue son fief, et où ce parti développe un clientélisme électoral forcené auprès des secteurs les plus pauvres de la société. Elles constituent cependant un test par rapport à deux éléments fondamentaux du panorama politique de l’Etat espagnol : le degré d’affaiblissement des partis du régime (PSOE et PP) et les perspectives de PODEMOS.

 

Les résultats montrent que, malgré la participation supplémentaire de 132 000 élec­teurs·trices, les partis institutionnels andalous – Partido Popular (PP), PSOE et Izquierda Unida (IU), le PSOE et IU ayant co-gouverné depuis 2012 – ont perdu 789 000 voix, soit 22 % des suffrages lors des élections de 2012 (PP : 506 000, PSOE : 118 000; IU : 165 000). Le parti le plus affecté a été IU, qui a perdu 38 % de ses suffrages.

 

 

Premières leçons

 

Ces résultats, et surtout l’irruption de PODEMOS (590 000 suffrages, 14,9 %) et de Ciudadanos (parti de centre-droit, basé sur la dénonciation de la corruption, qui a obtenu 369 000 suffrages, 9,28 %), signalent un déplacement électoral en Andalousie. Du jamais vu depuis la transition post-franquiste, qui réduit à néant la perspective – réaliste en 2012 – d’une usure du PSOE, au pouvoir depuis 35 ans, conduisant le PP au pouvoir, selon un jeu d’alternance gauche-droite, comme au niveau national. Cela montre aussi l’énorme prix politique payé par IU pour avoir participé à une coalition gouvernementale avec le PSOE.

Après les élections européennes de mai 2014 et l’irruption fulgurante de PODEMOS sur la scène politique espagnole, ces élections sont aussi un test du degré d’usure des partis du régime et des possibilités pour PODEMOS de constituer une alternative gouvernementale. 

Or, les élections andalouses montre qu’il est encore loin de disposer de l’appui populaire nécessaire pour atteindre cet objectif. Premièrement, parce que l’affaiblissement prévisible des partis du régime de 1978 (PP-PSOE) se limite à un recul électoral (important pour le PP, moindre pour le PSOE). Mais ces deux formations obtiennent cependant ensemble 62 % des suffrages. Bien que les élections andalouses indiquent la possibilité d’un rejet radical du régime et des politiques d’austérité, on est loin d’une alternative de rechange.

PODEMOS, une déception ?

 

Il est possible que le cadre andalou, pour ce qui est de l’usure des deux partis de l’alternance (PP et PSOE), ne soit pas extrapolable à l’échelle du pays, où elle est très supérieure (surtout pour le PSOE), mais il faudra attendre un peu pour le vérifier. De ce point de vue, les prochaines élections municipales du 25 mai fourniront des indications plus complètes.

Le PSOE a convoqué ces élections de manière anticipée, profitant du processus de structuration interne (élection des organes dirigeants) de PODEMOS en Andalousie, forçant la nouvelle formation à faire un « contre la montre » pour ce scrutin : candidatures, programme, équipe, campagne, ressources financières, etc. Pour cette raison, il faut se méfier de ne pas sous-évaluer le pas franchi par PODEMOS – devenu la 3e force politique d’Andalousie. La réalité est en effet bien autre.

Il était impensable qu’une formation politique anti-régime et anti-austérité – récemment créée, et en début de structuration, dans un contexte de recul social, en l’absence d’une dynamique de forte mobilisation contre les politiques d’austérité et les mesures liberticides – puisse sortir en tête de ces élections. Ceci, malgré une participation massive aux meetings de PODEMOS (plus de 140 en 15 jours) durant toute la campagne, dont le dernier, à Dos Hermanas (Séville), a rassemblé 17 000 personnes.

 

 

Transformer l’essai

 

La condition pour arriver en tête serait l’affaiblissement total des partis traditionnels, ce qui n’est, pour le moment, pas à l’ordre du jour. De plus, l’exemple de SYRIZA montre que pour y arriver, non seulement le PSOE devrait suivre le chemin du PASOK grec, mais il faudrait aussi une forte dynamique sociale. Or, ce dernier élément est absent pour l’instant dans le cas espagnol.

Deuxièmement, il faut tenir compte du faible « rôdage », de l’enracinement insuffisant de PODEMOS dans la société et dans les mouvement sociaux, par-delà son écho dans les médias et les réseaux sociaux. Un exemple : Teresa Rodríguez (eurodéputée et tête de liste pour ces élections), qui a développé un large travail d’engagement et de solidarité avec les gens les plus touchés par l’austérité et les secteurs en lutte (fabriques en grève, expulsions…), a réussi à obtenir le plus grand nombre de voix à Cadix, une capitale provinciale, où dominait jusqu’ici le PP.

Maintenant, PODEMOS-Andalousie devra clarifier son profil politique au Parlement régional, où les pressions pour appuyer l’investiture du PSOE – qui n’a pas obtenu la majorité absolue, et qui ne peut pas même l’atteindre avec l’appui de IU – seront fortes, y compris de la part de la direction nationale de PODEMOS. Mais au-delà, l’important est d’avancer dans la structuration du mouvement et de tisser des liens pour s’enraciner dans la société et concevoir un travail à long terme. Afin que les 15 sièges obtenus, comme le disait Teresa Rodríguez dans son bilan électoral, soient «les yeux, les oreilles et les bras des gens de la rue», servent à empêcher la poursuite des expulsions, les fermetures d’entreprise, ou le démantèlement de la santé et de l’enseignement public.

 

Josu Egireun et Manuel Gari

Pour solidaritéS. Traduction de l’espagnol : Hans-Peter Renk