Un non grec le 5 juillet serait une victoire pour nous tous
Face à l’intransigeance sans borne de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI), le gouvernement de SYRIZA n’a pas voulu capituler en rase campagne. Il a refusé de signer un nouveau mémorandum du même tonneau que ceux qu’avait imposé la droite. Après tout, son arrivée au pouvoir, le 25 janvier 2015, n’avait-il pas été le résultat de plusieurs années de résistance opiniâtre, marquées par plus de 30 grèves générales, par des manifestations de rue sans nombre, par des occupations… pour faire pièce à un plan d’ajustement structurel d’une brutalité inouïe ?
Aujourd’hui, 80 % des Grecs·ques ont réduit leurs achats de produits de première nécessité, 20 % d’entre eux ne parvenant plus à s’alimenter correctement. En effet, 30 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et 300 000 ménages ne disposent plus d’aucun revenu. Le chômage touche un quart des personnes en âge de travailler et plus de la moitié des jeunes. Plus de 3 millions d’habitant·e·s, sans considérer les sans papiers, n’ont plus accès à la santé publique. En raison des coûts prohibitifs de la vaccination, un nombre croissant d’enfants ne sont plus protégés contre la coqueluche ou la rougeole. L’incidence des maladies infectieuses, y compris du VIH, augmente de façon exponentielle, tandis que le taux de suicide explose…
L’obstination des « institutions » à refuser toute concession, même la plus modeste, ne pouvait donc être interprétée autrement que comme la volonté de punir le peuple grec de refuser la potion amère des milieux financiers, et ses autorités d’avoir pu imaginer un moment discuter l’oukase d’« institutions » à leur botte. Pourtant, le samedi 27 juin, le gouvernement d’Athènes unanime annonçait sa décision de soumettre au vote du parlement une proposition de référendum sur « la dernière offre » de la Troïka, assortie d’une consigne de rejet. Le lendemain, la Vouli adoptait cette proposition par 178 voix, sur 298 député·e·s présents, contre l’avis de la droite (Nouvelle démocratie) et du PASOK (Parti socialiste) réunis, et sans l’appui du Parti communiste, qui proposait… un autre référendum.
Aujourd’hui, les ministres des finances de l’Union européenne sont bien obligés d’envisager un défaut de paiement de la Grèce, qui pourrait être décidé démocratiquement par le peuple. Alors que les commentateurs s’attendaient à un « accord » très défavorable au gouvernement de SYRIZA et se demandaient comment un parti élu pour combattre l’austérité se débrouillerait pour faire avaler cette couleuvre à ses électeurs·trices, l’arrogance de la Troïka a engagé une confrontation politique inattendue qui pourrait redonner la main aux forces populaires.
Un non le 5 juillet marquerait une défaite des « institutions », en dépit de la véritable tentative de coup d’Etat financier en cours (panique bancaire ourdie de l’extérieur). Elle rallumerait l’espoir et relancerait la mobilisation dans le camp populaire, donnant tout son sens à l’avis préliminaire de la Commission d’audit de la dette grecque, qui l’a déclarée illégale, illégitime et odieuse. Un non massif du peuple grec ouvrirait une page nouvelle dans la vie politique de l’Europe. C’est pourquoi, nous sommes pleinement solidaires de cet appel à la dignité, que la gauche suisse devrait comprendre comme une incitation à dénoncer aussi les agissements de sa propre place financière, qui travaille main dans la main avec Francfort, Bruxelles et le FMI pour le dépeçage de la Grèce.
Jean Batou