Heures d'ouverture des magasins

Heures d'ouverture des magasins : Coup de frein ou simple manoeuvre électorale?

Le 24 septembre dernier, à une voix près, celle de son président socialiste Claude Hêche, le Conseil des Etats refusait d’entrer en matière sur le projet de loi fédérale sur les heures d’ouverture des magasins (LOMag).

Concocté par les principaux patrons du commerce de détail  (COOP, Migros, Manor,…) et relayé par le parlementaire tessinois Filippo Lombardi, le projet de loi vise à obliger les cantons à adopter un cadre horaire permettant aux commerces d’ouvrir au minimum de 6 h à 20 h les jours de semaine et de 6 h à 19 h le samedi.

La Commission de l’économie du Conseil des Etats avait recommandé l’entrée en matière sur ce projet, tout en y introduisant une « concession » (accordée d’avance par les grands détaillants) : la fermeture à 18 h le samedi.

L’idée patronale derrière la LOMag était simple : le patronat ne goûtant guère à la démocratie, il s’agissait d’imposer aux cantons récalcitrants des horaires qu’ils ont refusé au cours des dernières années suite à une quinzaine de référendums cantonaux. Dans la mesure où l’agglomération zurichoise compte pour beaucoup démographiquement et a déjà des horaires étendus, les patrons voulaient imposer les voix zurichoises aux forces référendaires.

Le Conseil des Etats étant dominé par les partis de droite qui sont tous acquis à ce projet de loi (PS et Verts n’ayant que 13 voix sur 46), le vote devait n’être qu’une simple formalité. C’était sans compter que durant la procédure de consultation, l’ensemble des cantons à l’exception du Tessin se sont montrés opposés à ce projet de loi qui porte atteinte à une compétence cantonale. La Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie avait même récemment écrit aux sénateurs pour les inviter à refuser l’entrée en matière.

A quelques semaines des élections fédérales, il semble que plusieurs Conseillers d’Etat ont eu le souci de leur ré-élection, à l’image d’un Urs Schwaller (PDC fribourgeois – la population fribourgeoise s’étant régulièrement prononcée contre les extensions d’horaires avec le soutien de l’Eglise) ou d’un Raphaël Comte (PLR neuchâtelois – seul canton à avoir refusé l’augmentation du temps d’ouverture des shops des stations-services). C’est ainsi que, par 19 voix contre 18, le Conseil des Etats a refusé l’entrée en matière.

 

 

Coup de frein ?

 

La décision du Conseil des Etats n’enterre toutefois pas définitivement le projet qui sera soumis au Conseil national. Si le Conseil national accepte l’entrée en matière, il repassera au Conseil des Etats. C’est seulement si le Conseil des Etats refuse une deuxième fois l’entrée en matière que le projet sera enterré. La fragile majorité qui s’est exprimée le 24 septembre aura bien du mal à se confirmer une fois les élections fédérales passées.

Parallèlement, avec l’abandon du taux plancher, le patronat a repris l’offensive au niveau des cantons. Alors que ces 5 dernières années les patrons avaient pratiquement tout misé sur le projet de LOMag et abandonné ses campagnes cantonales, ces derniers mois ont vu une réactivation des projets de libéralisation des horaires à l’échelle cantonale. A Genève en particulier, plusieurs projets de loi ont été déposés en complément à la LOMag, visant à fermer les commerces jusqu’à 19 h les samedis et autorisant les magasins à ouvrir jusqu’à quatre dimanches dans l’année.

 

 

Mobilisation des salarié·e·s ?

 

La majorité des quelques 300 000 vendeurs sont des vendeuses. La part du travail à temps partiel ne cesse de croître dans un secteur où l’organisation collective peine à s’imposer et où les droits des salarié·e·s se résument bien souvent au minimum légal.

La question du cadre horaire est ainsi non seulement une question sociétale (recherche d’une société de consommation où tout peut s’acheter tout le temps, où les centres commerciaux deviennent des lieux de rencontre et d’animation de quartier,…) mais également une question syndicalo-politique : elle fait partie intégrante de la défense des intérêts des salarié·e·s de ce secteur et au-delà.

Devant l’absence de concessions faites aux vendeuses (par exemple des jours fixes de congé, un salaire minimum, des limites à la flexibilité horaire, au travail du soir,…), la question de l’organisation syndicale du personnel de vente devient un enjeu d’autant plus important qu’il peut être l’occasion de luttes politisantes et devrait donc faire l’objet d’une attention toute particulière (pour ne pas dire d’un engagement tout particulier) des forces qui se réclament de l’anticapitalisme.

La lutte contre l’extension des heures d’ouverture des magasins permet de faire la jonction entre les combats menés contre le système productiviste-­consumériste du capitalisme contemporain et pour des droits syndicaux sur les lieux de travail.

Joël Varone