Énergies renouvelables et terres rares

Énergies renouvelables et terres rares : Exemple d'un mariage délétère

Les énergies renouvelables sont souvent décrites comme une alternative aux énergies fossiles et un possible secteur de croissance «vert». Cependant, le développement de sources d’énergie telles que l’éolien repose notamment sur l’exploitation des terres rares, dont l’extraction est particulièrement coûteuse et polluante.

Les terres rares, ou lanthanides, forment un groupe de métaux très similaires par leurs caractéristiques et leurs propriétés. Ils sont utilisés pour la production d’aimants à forte puissance, de génératrices, d’écrans tactiles et autres produits de haute technologie que l’on retrouve dans des domaines aussi divers que la communication et la médecine, en passant par l’armement. Contrairement à ce qu’indique leur nom, ces 14 éléments sont relativement abondants à la surface de la terre.

Leur extraction est particulièrement coûteuse et polluante, car le minerai de terres rares contient également de grandes quantités d’uranium et de thorium radioactifs ainsi que des métaux lourds. Ils doivent être traités et stockés, afin d’éviter un empoisonnement grave et durable de l’environnement et des personnes exposées. A cela s’ajoute la production de déchets miniers standards: sulfures, fluides acides, poussières, etc.

Malgré ces difficultés, la production annuelle mondiale des lanthanides, quasi inexistante en 1950, devrait atteindre ~160 000 tonnes en 2016. Les Etats-Unis ont tenu la première place des pays producteurs de terres rares jusqu’à être détrônés dans les années 90 par la Chine, seul Etat à avoir continuellement investi dans l’exploration et l’exploitation de ces métaux. Aujourd’hui, plus de 95 % des lanthanides sont produits en Chine, lui conférant ainsi un quasi monopole sur cette ressource.

Le prix d’un tel atout économique et stratégique est payé par les ouvriers·ère des mines, dont une proportion alarmante meurt du cancer avant 30 ans, probablement dû à la proximité des déchets de mine radioactifs, ou souffre de maladies des poumons causées par l’inhalation de poussières toxiques. En 2005, une étude menée par Xu Guangxian, considéré comme le père de la chimie des terres rares en Chine, a démontré que le fleuve Jaune, qui représente la principale source d’eau pour près de 150 millions de personnes, était également contaminé par du thorium radioactif à proximité des mines de terres rares.

Depuis les années 2000, le gouvernement chinois a annoncé sa volonté de renforcer les mesures visant à augmenter la sécurité relative à l’exploitation des terres rares. Cette volonté se heurte toutefois à la politique agressive des compagnies minières qui cherchent à maintenir les coûts d’exploitation au minimum, ainsi qu’aux activités d’extraction illégales, dépourvues de tout contrôle, qui représentaient près d’un tiers de la production nationale des lanthanides en 2008. A ces difficultés s’ajoutent la vétusté des machines et des techniques d’extractions employées, alliées à un développement minier désordonné, imputable à l’expansion rapide du marché des terres rares.

Cette augmentation spectaculaire de l’exploitation des lanthanides s’explique par l’importance que ces métaux représentent dans la société capitaliste moderne. La miniaturisation des composants électroniques, la production de batteries rechargeables à durée de vie prolongée ou la mise au point de nouvelles techniques de raffinage du pétrole sont autant de procédés dont le développement n’aurait pas été possible sans la présence des terres rares.

De son côté, le secteur des énergies renouvelables a également bénéficié du développement de ces nouveaux produits de haute technologie. Bien que présenté comme une alternative aux énergies fossiles, la production de sources d’énergies vertes telles que les éoliennes nécessite de grandes quantités de terres rares (8000 tonnes en 2014, soit environ 5 % de la production mondiale). Certaines catégories de panneaux solaires à couche mince contiennent aussi ces métaux. Il est à noter que, dans les deux exemples cités ici, des alternatives existent. ENERCON, géant allemand de l’éolien, produit des éoliennes dépourvues de lanthanide. En contrepartie, ces éoliennes possèdent un rendement inférieur et requièrent un entretient plus fréquent, caractéristiques qui s’accordent mal avec les installations offshore.

Relevons également que, dans le domaine de la mobilité, les batteries rechargeables des voitures électriques et hybrides, d’ores et déjà annoncées comme les remplaçantes évidentes des voitures à essence, nécessitent de grandes quantités de terres rares pour leur fabrication. Enfin, en ce qui concerne la sobriété énergétique, les ampoules à basses consommation contiennent elles aussi des lanthanides, un sérieux bémol pour un produit que certains désirent généraliser.

Les énergies renouvelables ne sont donc pas synonymes d’énergie propre. Seule une diminution de la consommation globale réfléchie et appliquée par l’ensemble de la population mènera à une société durable.

Florian Martenot