Quand le hip-hop US s'invite aux élections présidentielles

De la fin des années 80 au début des années 90, le Golden Age du Hip-Hop est pour beaucoup la référence de cette expression musicale. Avec des artistes engagés comme KRS-One et Nas, en passant par des groupes comme N.W.A, Public Enemy et Gang Starr, ces années d’or sont indiscutablement entrées dans l’histoire du genre. Une nouvelle ère semble pourtant s’ouvrir aujourd’hui. En pleine campagne présidentielle aux États-Unis, plusieurs rappeurs s’engagent à leur tour dans un discours politique en faveur de l’un des candidats et montrent leur solidarité avec le mouvement militant Black Lives Matter (né en 2013 suite à la mort causée par la police de deux jeunes afro-américains). Ces artistes nous montrent que l’un des piliers de cette culture urbaine, la contestation, reste bien ancré.

Kendrick Lamar
Alright – To Pimp A butterfly
2015
«My knees gettin’ weak, and my gun might blow, But we gon’ be alright» (extrait)

 

Le nouveau prodige de la ville californienne de Campton (Dr. Dre, Ice Cube), a offert à la jeunesse américaine un «chant d’espoir» comme il le définit lui-même. Confronté à son message politique, il répond: «La musique change avec les périodes. Ce n’est pas quelque chose que nous faisons consciemment. Ça représente ce qui se passe dans le monde, et pas seulement à moi mais aussi à ma communauté». Alright est devenu l’hymne des membres du mouvement Black Live Matter. Le 11 mars dernier, lors d’un meeting de Donald Trump à Chicago qui a dû être interrompu pour cause de violents affrontements, un certain nombre de personnes scandaient le refrain du rappeur, «We gon’ a be alright», lorsque le stade se vidait des sympathisants du candidat républicain.

 

Run The Jewels
(Killer Mike & El-P)

Close Your Eyes – Meow the Jewels
2015
«We killin’ them for freedom cause they tortured us for boredom»

 

Le single de ce groupe formé en 2013 s’est fait connaître pour ses paroles d’appel à la révolte ainsi qu’à un clip vidéo dénonçant les violences policières. Soutenant activement Bernie Sanders, le MC d’Atlanta, Killer Mike, intervient régulièrement dans les meetings de ce dernier. Il prend la parole principalement pour promouvoir le vote afro-américain mais son engagement est plus global: «Nous, les artistes, musiciens et leaders culturels d’Amérique qui signons ce message, sommes excités à l’idée de soutenir une nouvelle vision pour notre pays. Elle contient un programme économique progressiste, […] crée des emplois, augmente les salaires, protège l’environnement et sort les grandes sommes d’argent des considérations politiques […] ».

 

Jasiri X
Don’t let them get away with murder – Single
2015
«We Got the Power, We got the Heart, Ain’t none of us cowards, All this pain brought the change up out of us»

 

Ecrite suite à l’acquittement du policier ayant tué le jeune Michael Brown à Ferguson en 2014, cette chanson a pour vocation de promouvoir l’action et encourager l’égalité entre individus. Engagé dans divers projets sociaux, ce rappeur underground ne croit plus au système politique tel qu’il est: «Je pense que Bernie Sanders est un gars qui dit beaucoup de choses et aborde beaucoup de problème et j’en suis heureux. Mais en 2008 j’ai cru qu’avec Obama les choses allaient changer […] Ce dont nous avons besoin est d’une révolution faite par les gens pauvres, par les gens oppressés, de toutes les origines, qui pourront vraiment commencer à créer quelque chose pour eux et qui nous amèneront une justice dont nous avons besoin».

 

Talib Kweli
Every Ghetto – Indie 500
2015
«We never givin’ up, The startin’ salary, it’s hard reality, Find solidarity»

 

Avec deux albums en 2015, Talib Kweli est plus présent que jamais sur la scène Hip-Hop, et ça après une carrière de plus de 20 ans derrière lui. Son engagement auprès de la défense des droits civique de la communauté afro-américaine l’est également. Contrairement à Killer Mike, ce dernier fait preuve de moins d’enthousiasme face au candidat Bernie Sanders. Interrogé concernant une intervention de deux activistes de Black Lives Matter lors d’un discours du candidat démocrate demandant un plan politique clair et non de vagues promesses, l’artiste affirme: «Juste parce que quelqu’un a milité pour les droits civique ne veut pas dire qu’il a automatiquement le droit au vote afro-américain […] Le job de l’activisme n’est pas d’être aimé ou d’être poli […]Le fait que vous soyez progressiste ne signifie pas forcément que vous saisissez les problèmes raciaux». Suite à ces événements, Sanders a admis ne pas avoir été assez sensible à ce mouvement et à ces enjeux.

 

 

Lil B
Freedom O Freedom – Ultimate Bitch
2014
«Let us play even, No war behind my back, Teach me to think before I react»

 

Le moins que l’on puisse dire c’est que la musique de Lil B n’est en général pas aussi engagée que celle des artistes présentés précédemment. Son Hip-Hop mainstream et excentrique ne l’empêche pourtant pas de prendre position pour l’un des candidats à la présidentielle américaine. Soutenant en premier lieu la candidate Hilary Clinton, il dit avoir changé d’avis sur elle après avoir comparé les jeunes années militantes de Bernie Sanders à celles de la candidate. Suite à l’intervention des deux activistes de Black Lives Matter lors du discours de Sanders, il affirme que le candidat a fait preuve de classe pour gérer cette interruption: «Il y a des fois où ces gens sentent le besoin de parler et sentent qu’il y a urgence […] Je pense que Bernie les a laissé parlé et cela est admirable […] Il n’y avait pas de sécurité qui les ont escorté hors de la scène. Cela est un côté positif pour Bernie».

 

Bruno Monteiro