Licenciement collectif

Licenciement collectif : Bata piétine ses employés

La trentaine de succursales que possède l’entreprise de chaussures Bata mettront la clé sous la porte à la fin du mois de juillet. Un licenciement collectif qui concerne 175 salarié·e·s, à qui la direction a imposé le silence, en sus de quelques maigres compensations.

Bata n’a plus rien de l’entreprise «familiale» de ses débuts. Géant de la chaussure au niveau mondial, elle possède près de 5000 magasins dans 60 pays qui emploient quelque 34 000 personnes. Depuis plusieurs années, sa stratégie commerciale s’oriente principalement vers les pays dits émergents: l’Inde, par exemple, compte à elle seule 1100 enseignes. Prétextant d’un franc trop fort et d’une concurrence toujours plus accrue, la direction a décidé de fermer ses 29 boutiques en Suisse et de n’y maintenir qu’un service de vente en ligne. Ainsi que son siège social lausannois bien sûr, non loin de là où réside la milliardaire famille Bata.


Daniel Lobo

La direction musèle les employé·e·s et balaie le syndicat

C’est en effet à Aubonne que sont domiciliés les propriétaires du groupe, dont la fortune est estimée à environ 3,5 milliards de francs et qui figurent parmi les 300 plus riches de Suisse selon le magazine Bilan. S’il est visiblement plus alléchant de se tailler des parts de marché dans les pays du Sud que de maintenir des enseignes sur sol helvétique, gageons toutefois que d’un point de vue fiscal Bata n’entend pas quitter la Suisse de si tôt.

Selon le maire d’Aubonne, interrogé par la RTS dans Mise au point, la famille Bata y aurait notamment financé un arboretum et un club de tennis… De l’autre côté, Bata n’a fait aucune fleur aux employé·e·s licenciés. Au contraire, elle a mis un terme aux contrats de travail par des accords individuels prévoyant des indemnités minimes, indemnités qui deviennent en outre caduques en cas de maladie ou d’accident. Surtout, l’accord prévoit une stricte confidentialité sur ses termes ainsi que le renoncement de la part de l’employé·e à toute démarche en justice. En faisant croire aux salarié·e·s qu’ils·elles ne peuvent rien obtenir de mieux et en leur interdisant de s’adresser à un syndicat, la direction cherche à couper l’herbe sous les pieds à toute mobilisation.

Des fermetures inévitables?

Plus grave encore, alors que certain·e·s employé·e·s ont tout de même osé alerter le syndicat Unia, des gérant·e·s de magasins sont mis sous pression par la direction, qui réclame qu’on lui fournisse les noms de celles et ceux qui se sont risqués à faire valoir leurs droits! La mobilisation du personnel concerné pourrait en effet contraindre Bata à offrir des conditions de départ sensiblement meilleures. La préservation d’un maximum d’emplois, la garantie de travailler aux mêmes conditions en cas de reprise des magasins par un tiers, des solutions pour les travailleuses et travailleurs âgés ainsi que pour les apprenti·e·s, des indemnités salariales conséquentes: voilà autant d’éléments que pourrait comporter un plan social digne de ce nom, sur lequel Bata refuse jusqu’à ce jour d’entrer en matière. La direction s’oppose en effet à rencontrer le syndicat Unia, malgré des actions organisées dans plusieurs cantons ces derniers jours.

En l’absence de preuves, on est pourtant en droit de douter des arguments avancés par la direction pour justifier cette décision brutale, définitive et unilatérale. Quel est le chiffre d’affaire réalisé par Bata en Suisse? D’autres solutions sont-elles envisageables qui préserveraient les emplois? Les salarié·e·s seraient bien inspirés de ne pas se satisfaire de ce silence et d’exiger plus de la part de ces patrons milliardaires et arrogants.

Marie Nozière