Vers l'introduction d'un congé parental ou de paternité?

Le 25 avril dernier, le groupe féminismeS de solidaritéS organisait à Genève une soirée de conférence-débat autour de la question des congés parentaux et paternités. L’occasion d’approfondir nos connaissances et d’échanger autour d’un système connu par tous nos voisins européens et encore inexistant en Suisse.

Obtenue au niveau fédéral en 2005, l’allocation maternité qui couvre la perte de gain après l’accouchement n’est que de 14 semaines en Suisse (16 semaines à Genève). Les pères, quant à eux, ne disposent pour la plupart que d’un jour de congé, pas obligatoirement rémunéré, à la naissance de leur enfant. Défi de taille, le congé paternité ne dispose d’aucune base constitutionnelle fédérale à l’heure actuelle et son introduction nécessite d’agir sur le plan national.

L’arrivée d’un enfant est pourtant un moment charnière pour les couples. Au-delà du chamboulement de la vie quotidienne, c’est en effet à ce moment que se creuse la division sexuelle du travail et les inégalités économiques entre hommes et femmes qui en découlent. C’est sur ce constat que le groupe féminismeS de solidaritéS a entamé depuis plusieurs mois une réflexion autour de l’introduction de congés étendus pour les deux parents, dont la première concrétisation a été l’organisation d’une soirée publique.

 

 

La lenteur de la Suisse

Lors de cet événement, Isabel Valarino, chercheuse à l’Université de Lausanne et auteure d’une thèse sur l’émergence du congé parental en Suisse, a présenté les différents modèles mis en place dans les pays qui nous entourent et les modifications qui ont pu y être apportées pour favoriser la prise du congé par les pères. Indiquant avec humour que la lenteur de la Suisse dans ce domaine nous permettrait au moins de bénéficier des enseignements tirés de ces expériences, Isabel Valarino a montré que, pour être efficaces, ces congés devaient être bien payés et qu’une partie au moins devait être réservée aux seuls pères. Elle a également corroboré qu’un congé paternité de deux semaines au moins tendait à des effets à moyen terme sur l’implication des pères dans le soin aux enfants.

Viviane Luisier, intervenante comme sage-femme à l’Arcade sages-femmes a ensuite souligné les difficultés rencontrées lors de la période de post-partum, à la fois chahutée sur le plan du couple et moment de recomposition de l’ensemble de la famille. Elle a fait remarquer l’ampleur du phénomène de dépression post-partum, dont le diagnostic touche 10 % des mères à Genève. Viviane Luisier a dès lors plaidé qu’un congé pour les pères serait nécessaire à la fois pour favoriser leur attachement à l’enfant, soutenir la mère après l’accouchement et ainsi prévenir la dépression post-partum.

Matthias Studer a apporté son témoignage, en tant que père de deux enfants, explicitant l’importance que pouvait relever un congé attribué aux pères pour une meilleure répartition dans la responsabilité du soin aux enfants. Traitant également des inégalités vécues par les femmes sur le marché du travail en tant que «mères en puissance», Matthias Studer a expliqué que l’introduction d’un tel congé serait un message symbolique fort pour la réduction de ces inégalités, en reconnaissant socialement la paternité et donc les hommes comme des «pères en puissance».

Secrétaire syndicale au SIT, Valérie Buchs a conclu en indiquant que si certaines collectivités publiques et grandes entreprises ont introduit des congés paternité, ces progrès sectoriels ne réussiront pas à répondre aux inégalités. Seule une proposition fédérale basée sur les Assurances Perte de Gain pourra être appliquée aussi aux PME et aux indépendants.

 

Au-delà des aspects formateurs de ces différentes interventions, la soirée a aussi été l’occasion de tisser des liens avec d’autres groupements travaillant sur la thématique et de commencer à rassembler les forces. Deux jours après la soirée, le Conseil national refusait en effet à nouveau une initiative parlementaire visant à l’introduction d’un congé paternité de deux semaines.

Le 29 avril, la faîtière Travail.Suisse annonçait toutefois le lancement d’une initiative populaire pour un congé paternité de 4 semaines à la fin du mois de mai 2016. Une affaire qui’il s’agira de suivre de près!

Groupe féminismeS de solidaritéS