Féminin - Masculin

Féminin - Masculin : Luttes LGBT en Suisse - où en sommes-nous?

où en sommes-nous?

Dans le cadre de la Pride qui se tiendra à Fribourg samedi 25 juin 2016, la rédaction s’est entretenue avec un militant LGBT afin d’en savoir un peu plus sur l’état des luttes au niveau suisse et l’importance de la Pride dans ce contexte-là. Raphaël Depallens, actif dans le milieu associatif LGBT en Suisse romande, s’est prêté à l’exercice.

Selon toi, quelle est la pertinence de participer à une manifestation comme la Pride?

Comme pour les journées liées à une cause particulière – telles que la journée des droits des femmes ou la journée contre le racisme – la Pride permet de mettre un post-it dans l’agenda et de thématiser les questions d’homophobie, de biphobie et/ou de transphobie – autrement dit d’hétérosexisme. Ces trois dernières années, respectivement à Delémont, Sion et Fribourg, les Pride ont permis de faire parler de ces questions dans des régions où elle sont peut-être moins thématisées. Pour un·e jeune en questionnement sur son orientation sexuelle, la venue de la Pride lui permettra peut-être de découvrir qu’il ou elle n’est pas seul·e, que d’autres aiment aussi de manière plurielle. C’est très important .

C’est également l’occasion de faire la fête pour toutes les personnes qui subissent le climat hétérosexiste. On sous-estime beaucoup l’impact de cette violence structurelle pour la santé mentale et le bien-être en général. Le fait d’hésiter à prendre la main de son copain ou sa copine dans la rue, le devoir de se conformer à la binarité de genre, la crainte du rejet perçu ou réel… L’hétérosexisme ordinaire aussi, avec des discours tels que «les lesbiennes le sont devenues parce qu’elles sont frustrées par les hommes, les bisexuelles ne savent juste pas ce qu’elles se veulent», etc. C’est pour ces raisons qu’il me semble important de faire la fête, de danser et de montrer qu’on existe. Notre message est un service que nous rendons à la société en général en disant que les identités de genre sont multiples, que l’orientation sexuelle n’est pas si binaire que cela. Cela a clairement une valeur politique.

Peux-tu nous faire un point de situation de l’état des revendications pour les personnes LGBT en Suisse?

Il y a évidemment les questions de la parentalité – les familles arc-en-ciel – et du mariage qui avancent doucement. Ces questions sont de plus en plus présentes dans le débat politique depuis 5 ou 6 ans. Pour l’instant, c’est comme s’il fallait avoir un permis pour être parent et qu’on ne voulait pas le donner aux personnes LGBT. C’est ridicule. La parentalité est davantage liée à la capacité d’aimer, d’éduquer qu’à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. C’est quand même bien les hétérosexuelles qui enfantent des homos non? (rires)

Les personnes transgenres se trouvent également dans une situation difficile. Pour elles, les revendications se concentrent sur le parcours de la transition de genre – en terme médical et administratif notamment. Elles demandent clairement l’autodétermination, sans devoir prouver constamment aux institutions, sclérosées dans un système binaire, la réalité de leurs identités de genre.

Tu es impliqué dans une structure appelée «Pôle Agression et Viol». Peux-tu nous en dire un peu plus?

«Pôle Agression et Viol» a pour objectif d’accueillir et d’accompagner dans leurs démarches les personnes LGBT ayant subi des violences portant sur leur intégrité physique, psychique et/ou sexuelle. Dans ce cadre-là, en travaillant avec certain·e·s politiques, on cherche à faire évoluer la législation suisse sur la question des violences homophobes. On aimerait que les discours et violences homophobes tombent sous le coup de la loi – comme pour les oppressions liées au racisme et à l’antisémitisme. Cela permettrait de mieux protéger les personnes LGBT des violences qu’elles subissent. Nous travaillons également à une définition du viol plus large qui sortirait de la vision hétéronormée qu’un viol ne peut avoir lieu que lorsqu’il y a une pénétration péno-vaginale forcée. Ce qui exclut de fait les hommes violés par d’autres hommes, les femmes violées par d’autres femmes, les hommes violés par des femmes, etc. Pour l’instant, tout ce qui sort de ce schéma-là est considéré comme une agression sexuelle et non pas comme un viol. Ce qui influence grandement la peine plancher.

Je voulais également avoir ton avis sur l’initiative du PDC «Pour l’égalité fiscale du mariage» qui a tenté de faire inscrire dans la constitution le fait que le mariage représente l’union durable d’un homme et une femme…

Cette initiative aurait tué les revendications en faveur d’un mariage pour toutes et tous. Ce qui est fou, c’est que le PDC s’est travesti par son initiative sur l’égalité fiscale en voulant inscrire le mariage dans la Constitution comme l’union durable d’un homme et d’une femme, en ne respectant pas, d’ailleurs le principe d’unité (traitement d’un seul objet).

Au début de la campagne, les sondages montraient clairement que cette initiative serait acceptée devant le peuple, mais grâce à la mobilisation des associations, des faîtières, des partenaires et de toutes personnes sensées, heureusement cela n’a pas été le cas. Cela prouve que nos droits sont encore attaqués, mais cela nous donne également beaucoup d’espoir dans les capacités des associations LGBT à se mobiliser au niveau national et à informer la population, puisqu’elles ont contribué à enterrer cette initiative.

Propos recueillis pour solidaritéS par Maimouna Mayoraz