Elections au Mecklembourg-Poméranie-Occidentale en Allemagne

Elections au Mecklembourg-Poméranie-Occidentale en Allemagne : Victoire de l'AfD sur tous les autres partis

Le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale est un Land au Nord-Est de l’Allemagne, situé sur le territoire de l’ex-RDA. Il n’y a que 1,33 million de personnes qui y ont le droit de vote. Néanmoins, le résultat des élections régionales du 4 septembre 2016 dans ce Land secoue le débat politique en Allemagne jusqu’au niveau fédéral. C’est une victoire spectaculaire de l’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême-droite anti-Europe et anti-migrants.

En 2011 , seuls 51,5 % de l’électorat avaient participé aux élections, cette fois-ci près de 61 % des électeurs·trices se sont déplacés. C’est avant tout l’AfD, avec un profil raciste et xénophobe agressif, qui a pu mobiliser l’attention publique et les voix de celles et ceux qui ne s’étaient pas rendus aux urnes il y a cinq ans. Le SPD, qui avait gouverné ensemble avec la CDU lors de la législature en cours, reste le parti le plus fort avec 30,6 % des voix, mais perd 5 % par rapport à 2011. D’après l’institut Forschungsgruppe Wahlen, c’est la popularité de son ministre-président sortant Erwin Selering qui a permis au SPD de limiter les dégâts.

L’AfD, qui se présentait pour la première fois dans ce Land, obtient 20,8 % des voix et devient ainsi la deuxième force politique au point de vue électoral. Bien qu’il n’y ait que très peu d’immigré·e·s et de réfugié·e·s dans ce Land, le parti n’a cessé son tapage démagogique appelant à un combat sans merci contre la «vague» de réfugiés, de musulmans, de terroristes, de parasites dans le système social allemand, contre la chancelière Angela Merkel (CDU) irresponsable, parce qu’elle aurait invité tout le monde à se réfugier en Allemagne, contre la «politique établie» se moquant des petites gens et des intérêts nationaux, etc. Ce discours a très bien fonctionné.

La CDU n’obtient que 19 % des voix, ce qui correspond à une perte de 4 points, et constitue pour ce parti son niveau historiquement le plus bas dans cette région. Dans le débat public en Allemagne, ce mauvais résultat est surtout interprété comme une gifle politique à l’adresse de la chancelière Angela Merkel et de son attitude prétendument trop aimable et accueillante envers les réfugié·e·s.

Die Linke, avec 13,2 % des voix, perd encore plus, soit 5,2 points. Les Verts, avec 4,8 % des voix, ratent de justesse le quorum des 5 %, ce qui correspond à une perte de 4,5 points. Le FDP libéral en obtenant 3 % des voix, ne sera pas représenté non plus au parlement régional. La même chose vaut pour le NPD fascisant, qui n’obtient que 3 % des voix (contre 6 % en 2011), «victime» du succès fulgurant de l’AfD attirant vers lui (entre autres) la grande majorité de l’électorat d’extrême–droite.

Des voix prises tous azimuts

En jetant un coup d’œil sur les chiffres absolus, observons les mouvements d’électeurs publiés par l’institut infratest dimap. Les presque 21 % des voix obtenues par l’AfD correspondent à 167 000 électeurs et (bien moins) d’électrices. L’AfD a pu mobiliser 56 000 de celles et ceux qui n’étaient pas allés aux urnes en 2011 et encore 23 000 de celles et ceux qui avaient voté pour de très petits partis en 2011. A la CDU, l’AfD prend 23 000 voix, au NPD 20 000, au parti Die Linke 18 000, au SPD 16 000, aux Verts 3000. L’AfD gagne donc sur tous les terrains. Surtout, son emprise sur une partie significative de l’électorat de gauche doit être discutée avec soin dans les rangs du parti Die Linke.

Au nouveau parlement de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (71 sièges), le SPD obtient 26 mandats, l’AfD 18, la CDU 16 et Die Linke 11. Un gouvernement du SPD avec le parti Die Linke comme partenaire junior reste donc possible (avec 37 mandats contre 34 de la CDU et de l’AfD ensemble). Mais cette variante semble peu probable jusqu’à nouvel ordre. L’AfD a déclaré, avant et après les élections, qu’elle ne participera à aucune coalition, en donnant comme raison le fait qu’elle ne pourrait pas réaliser ses objectifs principaux au sein d’une coalition avec des partis établis. La variante la plus probable reste la continuation de la «grande coalition» du SPD et de la CDU.

Manifestation contre l’AfD, Berlin, 3 septembre 2016 – Majka Czapski

Les conditions du succès de l’AfD

Le succès spectaculaire de l’AfD est très probablement lié au fait que les partis gouvernementaux au niveau fédéral, notamment sous pression de la CSU bavaroise (Union chrétienne-sociale), font beaucoup pour donner raison à la démagogie d’extrême-droite. Ils font tout pour empêcher les réfugié·e·s de venir dans l’Union européenne et en Allemagne. Ils ont fait le deal honteux avec la Turquie d’Erdogan, ils ont réduit en miettes le droit d’asile et rendu encore bien plus inconfortable le sort des réfugié·e·s en Allemagne. D’après un mécanisme politico-psychologique bien connu, les gens préfèrent voter plutôt pour l’original que pour les copies.

Quant au parti Die Linke en Mecklembourg-Poméranie–Occidentale, même s’il dit des choses intéressantes en critiquant

le capitalisme néolibéral débridé et fait de bonnes propositions en matière d’accueil des réfugié·e·s, d’une politique plus sociale, d’une répartition des richesses plus équitable etc., il n’apparaît aucunement comme une alternative anticapitaliste et internationaliste radicale. Il affiche clairement sa volonté de co-gouverner avec le SPD et les Verts. Par rapport à l’Union européenne, il se contente de proposer de la réformer et de la démocratiser. De plus, il déclare vouloir respecter la «discipline budgétaire» pour ramener l’endettement à zéro jusqu’en 2020 (ce qui est le billet d’entrée pour n’importe quel parti souhaitant participer au gouvernement en Allemagne). Die Linke y apparaît comme faisant partie de la politique établie. …

Manuel Kellner

(Aix-la-Chapelle, rédacteur de la Sozialistische Zeitung – SoZ). Article écrit pour la revue Viento Sur, coupure, intertitres et édition de notre rédaction.