Monde du travail

Monde du travail : Le second oeuvre romand se mobilise contre le diktat patronal

Dans le bâtiment, le patronat a dénoncé la convention collective (CCT) du second œuvre romand pour la fin de l’année. Il crée ainsi une période de vide conventionnel. Les 25 000 travailleurs et travailleuses de la branche préparent des actions de lutte qui auront lieu le 18 novembre 2016. Entretien avec Lionel Roche, syndicaliste responsable de l’artisanat à Unia Vaud.


Clifton Reed

Quelle est la situation sur les chantiers?

La majorité des problèmes rencontrés dans le second œuvre concerne la sous-enchère salariale, le temps de travail non payé, la pression sur les délais et les problèmes liés à la sous-traitance. Dans le canton de Vaud, Unia a soutenu quatre grèves victorieuses comme à Alpen Peak International. Cette sous-enchère est la conséquence directe de la libre-circulation néolibérale des milieux patronaux. Les salarié·e·s résidants sont mis en concurrence de manière brutale avec des travailleurs et travailleuses étrangers lowcost. Les mesures d’accompagnement sont insuffisantes et dérisoires. Les contrôles via les commissions paritaires ne font pas peur aux patrons. Beaucoup d’entreprises budgètent les amendes. A mon avis, le meilleur moyen de résister efficacement réside dans la capacité à s’organiser syndicalement et à lutter collectivement autour de revendications égalitaires.

Comment se sont déroulées les négociations?

Mal! Au départ, en février 2016, certains pensaient qu’elles seraient assez faciles et rapides. Lors des dernières négociations salariales, les syndicats avaient accepté le principe d’augmentations de salaire au mérite. Mais les patrons en veulent toujours plus. Sous couvert d’ajustement aux dites réalités du marché, ils exigent plus de flexibilité horaire. Ils veulent renforcer l’annualisation du temps de travail et éviter de payer les heures effectives en imposant des systèmes de compensation en temps. En juin, la conférence professionnelle des travailleurs et travailleuses du second œuvre romand a décidé – à l’exception du comité vaudois – d’entrer en matière sur les revendications patronales et de poursuivre les négociations. En contrepartie, elle a demandé des améliorations en matière de salaire, de contrôle du temps de travail et d’instruments de lutte contre la sous-enchère.

Dans quel contexte la CCT a-t-elle été dénoncée?

A la reprise des discussions en septembre, il était clair que les négociations n’aboutiraient pas avant la fin de l’année et que le nouveau texte ne pourrait obtenir la force obligatoire au 1er janvier 2017. Les patrons ont alors demandé une prolongation de l’extension de la CCT actuelle pendant une année sans augmentation de salaire. Ils voulaient protéger leurs entreprises des conséquences négatives en matière de concurrence déloyale. Ils ont annoncé qu’en cas de refus, ils dénonceraient la CCT. Ils voulaient imposer aux syndicats de négocier à leurs conditions. Au mois d’octobre, la conférence professionnelle a logiquement refusé ce diktat en disant «pas de prolongation sans augmentation de salaire». Fin octobre, les patrons dénonçaient la CCT.

Comment les salarié·e·s vont-ils répondre à cette situation?

Des mesures de lutte ont été votées en conférence professionnelle. Le 18 novembre prochain, une journée d’actions coordonnées aura lieu dans tous les cantons romands. Nous visons à créer un rapport de force suffisant pour obliger les patrons à négocier. Sinon, il faudra se préparer à affronter une période de vide conventionnel. Les salarié·e·s et leurs syndicats seront alors face à un vrai défi: organiser une mobilisation de masse dans le second œuvre romand pour défendre les droits acquis et éviter le démontage systématique de leur CCT. En effet, le principal objectif du patronat semble bien de contraindre les syndicats à négocier une CCT à la baisse.

Sébastien Schnyder