Journée de réflexion autour du travail domestique

Journée de réflexion autour du travail domestique

Journée de canicule pour un 14 juin – commémorant la grève des femmes en Suisse – placée sous la réflexion du travail domestique et des travailleuses sans statut légal ou «Qui fait quoi dans un ménage et à quel prix?» Réunies pour la circonstance à la Maison de l’Egalité, une cinquantaine de femmes (et un homme!) y ont participé.


Durant la matinée, les trois ateliers ont abordé les thèmes suivants: 1) situation et vécu des femmes employées dans des ménages privés à Genève; 2) Approche féministe des rôles et responsabilité des institutions en réponse aux besoins de la petite enfance, des personnes âgées et du nettoyage; 3) Répartition des rôles face au travail domestique. Puis une réunion plénière l’après-midi.


Les sujets traités dans les ateliers impliquant des dimensions humaines, sociales, économiques, éthiques et juridiques sont des enjeux essentiels pour la vie des femmes, mais également pour les politiques institutionnelles et économiques de notre région. Après les diverses interventions, les femmes présentes ont réaffirmé leur refus de la logique de marché et tenté de trouver de nouvelles formes de solidarité.

Répartition du travail domestique

Le thème de la répartition du travail domestique, récurrent au mouvement féministe depuis des années, reste encore et toujours d’actualité. Le bilan est plutôt mitigé pour l’ensemble des femmes de cette assemblée, cette réflexion doit être poursuivie.


En matière de répartition des tâches familiales et ménagères, la situation doit encore évoluer et ce n’est pas un scoop. Dans l’ensemble, c’est souvent la femme qui a la plus lourde charge domestique et éducative. Le modèle traditionnel des femmes reste bien ancré.


L’émancipation féminine a débouché sur une surcharge de travail et la vie quotidienne des femmes se résume souvent à une double ou à une triple journée de labeur. Ce qui a pourtant permis, voire favorisé, la sous-traitance du travail ménager.

Femmes migrantes à demeure

Nous avons constaté que lorsqu’une femme de ménage ou une garde d’enfants ou de personnes âgées intervient dans la vie familiale, le discours de la répartition change, s’assouplit et ne devient plus un enjeu. Toutefois, la logique de base des inégalités de sexe en ce domaine reste la même. De fait, c’est toujours une femme avec des conditions de vie précaire ou sans statut légal qui fait un travail que les autres ne veulent pas ou plus assurer. Alors que bon nombre de femmes migrantes pensaient trouver à Genève des conditions de travail et de vie plus favorables.


C’est pourquoi, nombre d’entre nous avons soulevé la question de la valorisation ou non du travail domestique? Est-ce une «honte» ou gratifiant de nettoyer la saleté des autres? Pierre d’achoppement entre celles qui considèrent que le travail domestique doit être reconnu et les autres qui sont plus dubitatives quant aux conséquences de cette valorisation. Nous sommes convenues de nous réunir le 3 septembre prochain pour approfondir sérieusement ce débat, car il est un enjeu pour la suite politique, lorsque nous devrons prendre des positions dans la demande de régularisation des travailleuses et des travailleurs sans statut légal.


Nous ne pouvons pas seulement réfléchir en des termes de rémunération «bonne ou mauvaise» des travailleuses domestiques. L’utilisation des femmes migrantes s’inscrit dans une logique historique plus globale d’oppression. L’externalisation de la garde des enfants ou des personnes âgées pose le problème de la contribution à la logique du marché. Les crèches, les institutions pour personnes âgées, même si elles sont pour beaucoup étatiques, sont dans des rapports de prestation de services. On reste captif d’une transformation marchande de ce qui était un don, un travail gratuit fait par les femmes.

Logique du marché ou logique du don

La garde des enfants, ainsi que celle des personnes âgées ont été confiées à des institutions privées ou publiques. Ainsi, ce secteur sortait en partie du domaine privé familial. Mais nous constatons les limites de ce modèle, notamment l’accès aux places de crèches dépend d’un bon capital social. De plus, les politiques étatiques combattant l’endettement a été un frein à la création de nouvelles structure de garde.


Tout ne doit pas devenir marché. Mais quelle autre articulation donner à l’échange? Nous pourrions envisager des projets communs avec des stratégies collectives. Des réponses sont possibles en s’inspirant du modèle communautaire en favorisant le développement des crèches collectives autogérées.


Les femmes sont souvent dans une logique de don, c’est même parfois une revendication des mouvements féministes. Mais quelle est la frontière entre le gratuit et le rémunéré? Comment valoriser un travail indispensable à notre société sans pour autant toujours retomber dans une logique de genre?


Les interrogations et les problèmes soulevés lors de cette journée nous amènent à replacer le débat dans une perspective sociologique. De plus, le foisonnement d’idées issues de nos échanges a permis de ne pas repartir les mains vides. Nous avons pu élaborer une série de propositions qui seront reprises dès la rentrée: créer des crèches collectives autogérées, favoriser l’organisation des travailleuses et des travailleurs sans statut légal (TTSSL), s’engager dans une campagne pour la régularisation des TTSSL travailler sur des conventions collectives pour les TTSSL et améliorer leur réseau de santé. Du pain sur la planche…


Maria CASARES