Etats-Unis

Etats-Unis : Protestations de masse contre le décret antimusulman de Trump

Des dizaines de milliers de protestataires se sont mobilisés fin janvier contre l’arrêté de Trump bloquant l’arrivée d’immigrant·e·s et de réfugié·e·s musulmans. Contre cette interdiction, mais aussi contre le registre des musulmans prévu et la construction du mur entre les USA et le Mexique. Partout les gens criaient: «non à la haine, non à la peur, les immigrants sont bienvenus ici! »


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Le décret  sur l’immigration bloque toute entrée de réfugié·e·s pour 120 jours, comme toute immigration en provenance d’Iran, d’Irak, de Lybie, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen pour 90 jours, avec des dérogations pour les minorités chrétiennes persécutées de ces pays. (1) Beaucoup voient ce décret comme précurseur de lois permanentes sur l’immigration plus dures. Dans ses premiers jours de fonction, Trump a aussi signé un décret pour la construction du mur à la frontière avec le Mexique. Et il entend ficher tous les musulmans… Une déclaration lors de la journée de mémoire de l’Holocauste qui a réussi à ne pas parler des Juifs, a aussi engendré nombre de nouveaux critiques juifs de Trump.

D’énormes protestations d’une côte à l’autre

Le décret sur l’immigration de Trump, signé l’après-midi du vendredi 27 janvier, a entraîné une réaction spontanée immédiate, des activistes se sont rués vers les aéroports de New York, Boston, Washington, Chicago, Atlanta, Los Angeles et San Francisco… A New York, les chauffeurs de taxi, dont beaucoup sont des immigrés musulmans, ont fait grève à l’aéroport JFK. Des manifestations ont suivi dimanche dans nombre de villes, avec 10 000 personnes à Battery Park à New York sur fond de statue de la Liberté.

Les manifs contre le décret antimusulman furent d’abord organisées par les coalitions de défense des droits des immigré·e·s via les réseaux sociaux. En lien avec des organisations communautaires, des centres ouvriers et des syndicats, des églises et mosquées et des réseaux progressistes. Beaucoup sont venus avec des pancartes faites main et des slogans comme «Nous sommes tous des immigrés! » A l’aéroport JFK, où j’ai rejoint les manifestant·e·s, la plupart étaient de jeunes blancs, mais il y avait des étasunien·ne·s noirs ou latinos, des immigré·e·s africains, latinos, asiatiques et moyen-orientaux, des femmes portant hijab et d’autres avec encore les couvre-chefs roses de la marche des femmes, des groupes juifs, des syndicalistes et des organisations de gauche.

De petits patrons et des travailleurs·euses ont aussi protesté. Des technicien·ne·s de Google et du câblo-opérateur Comcast ont manifesté dans diverses villes. Des centaines de magasins yéménito-­étasuniens ont été fermés et des milliers de Yéménites ont manifesté à Brooklyn.

L’opposition politique

Alors que les manifestant·e·s envahissaient les aéroports, un juge fédéral à New York a annulé certains points du décret Trump, comme les jours suivants d’autres juges à Los Angeles et Detroit. La procureure générale ad interim, Sally Yates, procureure adjointe sous Obama, a refusé les ordres de Trump. Elle a été virée de suite d’un poste qu’elle occupait jusqu’à la confirmation du raciste d’extrême droite notoire, Jeff Sessions, nommé par Trump.

Si la plupart des républicains ont soutenu Trump avec entrain dès son élection, les sénateurs républicains John McCain et Lindsey Graham et dix-huit autres membres du Congrès ont critiqué son décret. Dans une déclaration commune, McCain et Graham ont dit: «Nous craignons que ce décret exécutif soit une automutilation dans la guerre contre le terrorisme. Il fera plus pour le recrutement de terroristes qu’il n’améliorera notre sécurité.»

Le leader de la minorité au Sénat Charles Schumer, démocrate de New York qui a parlé à la manif de Battery Park a dit: «Nous exigeons que le président annule ses décrets exécutifs qui vont à l’encontre de ce que nous sommes et de ce que nous avons toujours défendu. » Schumer a dit qu’il déposerait un projet législatif au Congrès pour annuler le décret, mais qu’il lui faudra quelques votes républicains durs à obtenir. Le 21 janvier, nous manifestions à 5000 devant le domicile de Schumer à Brooklyn, pour qu’il vote contre les choix de Trump pour son cabinet.

Chrétiens et juifs fâchés contre Trump

D’importants groupes chrétiens, surtout ceux travaillant avec les migrant·e·s et les réfugié·e·s, ont pris fermement position contre le décret antimusulman de Trump, en particulier contre les privilèges accordés aux chrétiens. Scott Arbeiter, président de World Relief, groupe d’aide internationale émanant de l’Association nationale des évangéliques a déclaré au New York Times: «Nous nous opposons à tout critère religieux qui ferait passer les souffrances d’un peuple avant celles d’un autre. » Les responsables des églises catholiques et des principaux courants protestants ont été dans le même sens.

Des groupes juifs ont exprimé leur indignation après l’omission de toute mention des Juifs dans la déclaration du gouvernement Trump en mémoire de l’Holocauste. Mort Klein, de l’Organisation sioniste américaine (ZOA) a déclaré: «En tant qu’enfants de survivants de l’Holocauste, ZOA et moi sommes contraints d’exprimer notre chagrin et notre profonde douleur de ce que le président Trump, dans son message de la journée de mémoire de l’Holocauste, ait omis toute mention de l’antisémitisme et des six millions de juifs ciblés et assassinés par le régime nazi.»

La mobilisation contre le décret antimusulman, comme la marche des femmes sur Washington du 21 janvier, semblent signaler la naissance d’un nouveau mouvement social au plan national, d’un type qu’on n’avait pas vu depuis les années 60 ou 70.

Dan La Botz

  1. Samedi 4 février, un juge fédéral bloquait le décret de Trump et rouvrait les frontières aux titulaires de visas des 7 Etats ciblés par celui-ci. Trump a alors ordonné au Département de justice de faire recours contre cette décision de suspension. Le recours est actuellement en débat auprès de la cour d’appel de San Francisco. En attendant un autre jugement sur le fond de la question.